Le journal français Le Monde ou la tribune officielle du mensonge sioniste éhonté
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Une contribution de Khaled Boulaziz – Il faut désormais une singulière dose de cynisme pour lire Le Monde sans sentir le parfum éventé de la morale sélective. Ce quotidien qui se drapait jadis dans une éthique de la distance est devenu la tribune ouverte d’un récit à thèses, où l’oppresseur se voit continuellement muni d’excuses métaphysiques et l’opprimé sommé d’endosser la faute. Dernier épisode de cette liturgie : l’«écrasante responsabilité du Hamas», prêchée par Jean-Pierre Filiu avec l’assurance du chroniqueur de cour. Le trucage rhétorique est enfantin : déplacer l’axe, faire tourner l’histoire autour d’un acteur dominé, brandir une faute réelle pour effacer une structure criminelle, confondre la cause et le prétexte, puis signer le chèque moral qui blanchit le plus fort. Il ne s’agit pas ici de défendre un parti, mais de refuser une imposture intellectuelle : on n’abolit pas un siècle de dépossession par décret de chronique.
Le Monde met en scène la vertu comme on arme une opinion : à la chaîne, en séries, avec la caution de l’expertise estampillée. Le lecteur est prié d’oublier qui contrôle l’espace, l’air, la mer, les registres fonciers, l’eau, l’électricité, les déplacements, les permis, les prisons ; bref, la vie nue d’un peuple pour contempler, comme à travers une vitre sans tain, les errements d’une faction. On exige à la fois de la résistance qu’elle soit immaculée, stratégique, aimable, et de l’occupation qu’elle demeure abstraite, procédurale, presque administrative. Cette torsion est la marque d’un journal devenu caisse de résonance : il confond la charge de la preuve (toujours au Palestinien) et la présomption d’innocence (toujours au belligérant qui tient la gâchette).
Qu’on cesse la fable des origines honteuses que Le Monde recycle en boucle. Rappeler Haj Amin Al-Husseini pour assigner la cause palestinienne à une tache originaire, c’est le procédé préféré des paresseux : essentialiser une trahison, transformer un épisode en essence et assimiler un peuple à son pire visage. On passe sous silence la révolte de 1936-1939 écrasée dans le fracas britannique, l’ingénierie foncière et démographique du mandat, la militarisation organisée d’un projet de colonisation, la logique d’expulsion de 1947-1949. On maquille l’architecture, on agite l’écume. Et Le Monde applaudit, rectifie, moralise, mais ne nomme pas l’infrastructure du crime : la dépossession prolongée, administrative, policée, juridiquement rationalisée.
Evidemment, il faut un écrou pour tenir un échafaudage. Le 7 octobre a fourni ce rôle : la douleur authentique d’un massacre de civils est devenue l’artefact dramatique qui permet tout – siège, famine organisée, destructions massives, démolitions à l’échelle d’une société, torsion du droit humanitaire – à condition qu’on maintienne le projecteur sur la faute inaugurale. La morale de plateau s’en donne à cœur joie : on pleure là, on détourne ici, on gomme partout. Or, la chronologie est têtue : siège et colonisation précèdent, confiscation et enclavement précèdent, impunité et punition collective précèdent. La faute n’est pas le moteur du système : elle est l’argumentaire de sa perpétuation.
La division palestinienne ? Vieille musique. Le Monde en joue comme d’un thème rassurant : «surenchères maximalistes», «factions rivales», «égoïsmes partisans». Tout cela existe, nul n’en disconvient. Mais nulle rivalité interne ne bâtit des colonies, nulle surenchère ne trace des routes réservées, nulle querelle de clan n’érige des murs ni ne gère des registres d’état civil sous contrôle militaire. La fragmentation n’est pas une fatalité indigène : c’est un dispositif. Et ce dispositif, Le Monde le traite comme un brouhaha local, jamais comme la technologie politique d’un pouvoir. On psychologise l’opprimé, on politise l’oppresseur, et l’on appelle cela «mettre en perspective».
Il faut dire que le journal cultive une dramaturgie de l’innocence professionnelle. Il brandit ses mécanismes d’«indépendance» comme un scapulaire, explique la noblesse d’un pôle d’indépendance, vante le transfert des parts d’actionnaires vers un fonds supposé sanctuariser l’autonomie de la rédaction, et répète qu’aucune main invisible ne guide sa plume. Les communiqués officiels ont la clarté de l’eau bénite : Daniel Kertinsky sort, Xavier Niel transfère au fonds, le sanctuaire est consolidé, circulez.
Mais la vraie question n’est pas de savoir qui détient, c’est de savoir ce qui tient : un cadre de narration, une grammaire des priorités, un lexique de l’acceptable. Et ce cadre, jour après jour, incline dans la même direction : une compassion conditionnelle pour les Palestiniens et un sursis permanent pour l’Etat qui les écrase.
Il suffit d’ouvrir le journal, d’aligner les colonnes, d’observer les titres, de noter les silences. L’occupation, quand elle apparaît, est dissoute dans le passif : «des heurts ont éclaté», «des frappes ont visé», «des civils ont péri». Le sujet s’évapore au moment crucial ; la syntaxe blanchit la responsabilité. A l’inverse, l’acteur palestinien réapparaît dans le plein régime de la volonté : «le Hamas a décidé», «les factions ont refusé», «les dirigeants ont saboté». C’est une fabrique grammaticale. Même l’expertise «équilibrée» reproduit l’asymétrie : l’occupé est psychologisé (radicalité, culture politique déficiente, rivalités), l’occupant est rationalisé (sécurité, dilemmes stratégiques, pressions internes). On ne lira pas, ou si peu, l’illégalité des colonies comme matrice, l’interdiction de la punition collective comme impératif, l’obligation de protection comme devoir positif. On lira des «débats», des «controverses», des «accusations mutuelles». La neutralité stylistique devient une politique.
Le plus amer est que l’institution se réclame encore d’une direction «garante», d’un pilotage éditorial «responsable», d’une équipe de rédaction qui prétend au pluralisme. Noms et organigrammes changent, promesses et chartes s’ajustent, mais l’angle retombe toujours sur la même épaule. A quoi bon mimer l’équilibre si on refuse de s’adosser au droit ? A quoi bon promettre l’indépendance quand on s’interdit, par réflexe pavlovien, de nommer le système de domination pour ce qu’il est ? Qu’un directeur, une directrice de la rédaction, un président du directoire passent et repassent ne change rien si la matrice reste intacte ; et la page «qui sommes-nous» peut bien se targuer de titres et de fonctions, le produit final parle de lui-même.
Il se trouvera toujours des lecteurs pour brandir l’autorité du signataire : Jean-Pierre Filiu, professeur, historien, connaisseur du terrain, auteur de colonnes où il arrive même qu’il égratigne Tel-Aviv pour mieux sécuriser l’argument d’ensemble. L’autorité, ici, ne sauve pas la thèse ; elle la polit. Elle rend l’inversion accusatoire respectable, l’absolution de l’occupant fréquentable, la responsabilisation illimitée de l’occupé recevable. On en sort avec la sensation d’avoir été informé, alors même qu’on a été rééduqué à une économie morale : la compassion encadrée, la colère domestiquée, la réalité sous tutelle. Oui, Filiu publie beaucoup ; la cadence n’est pas un gage de vérité, elle est l’indice d’un magistère moral installé.
Qu’attend-on, alors, d’un journal ? Qu’il décrive le réel avec les mots du réel. Qu’il rappelle, sans relâche, que l’occupation n’est pas une atmosphère mais un statut juridique ; que les colonies ne sont pas «discutées» mais illégales ; que la punition collective ne se relativise pas ; que les enfants ne meurent pas d’«incidents» mais de bombes, de blocus, d’effondrements planifiés. Qu’il cesse de calibrer la compassion selon l’identité de l’auteur de l’explosion ; qu’il abandonne l’obsession de la faute palestinienne comme passe universel ; qu’il remette le droit au centre, non comme ornement mais comme charpente. A défaut, qu’il assume : il ne «raconte» pas, il oriente ; il ne «débattit» pas, il trie ; il ne «neutralise» pas, il hiérarchise.
La catastrophe palestinienne n’est pas l’œuvre d’une faction mais l’aboutissement d’un projet colonial couvert, armé, subventionné, normalisé. On peut – on doit – juger toutes les exactions, quelle qu’en soit la source. Mais on ne peut pas faire d’un arbre tordu la cause de la forêt abattue. En persistant à draper l’évidence dans des homélies culpabilisantes, Le Monde s’est mué en office du mensonge éhonté. Que ses actionnaires aient mis en place des écrans d’indépendance ne change rien au produit : la ligne penche, les mots dédouanent, les victimes sont sommées d’être pédagogues de leur propre malheur. Voilà la honte d’un journal qui a choisi la domestication du regard. Et puisqu’il aime tant le lexique des «responsabilités», qu’il commence par la sienne : celle d’avoir troqué la rigueur pour l’excuse, l’histoire pour la moraline, la justice pour le confort. Le reste n’est que rubriques et cache-misère.
K. B.
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