Le prix Goncourt, le pseudo-intellectuel Kamel Daoud et l’anti-algérianisme

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Mars 3, 2025 - 17:53
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Le prix Goncourt, le pseudo-intellectuel Kamel Daoud et l’anti-algérianisme

Par Sid-Ahmed Ghoul(*) – L’anti-algérianisme se manifeste par des attitudes, des comportements et des discours hostiles envers l’Algérie et les Algériens. C’est un problème compliqué à multiples facettes, politiques, sociales et culturelles, dû, d’une part, à l’histoire complexe entre l’Algérie et d’autres pays, mais particulièrement entre la France et l’Algérie, en raison du poids de la colonisation, et, d’autre part, à l’incessante tension politique postcoloniale.

Contexte historique

La colonisation, faite de brutalité, de violence et de massacres, a donné naissance à une administration afin d’instaurer une domination par la discrimination d’un peuple, en lui imposent par la force une culture étrangère à la sienne et, de ce fait, procéder à sa christianisation. Ouassila Saadia a noté, dans son livre L’Algérie catholique du XIXe au XXe siècle, que «pendant cent trente ans, l’église catholique en Algérie fut un pilier du système colonial». Les Algériens étaient marginalisés et privés de leurs droits fondamentaux. Apres l’indépendance, les tensions persistent et sont mises en scène par le discours politique. Les Algériens issus d’immigrations sont associés à la délinquance et à la religion musulmane à travers le discours médiatique. Tout le livre de Thomas Deltombe, L’islam imaginaire, la construction médiatique de l’islamophobie en France, traite de ce sujet. Le processus électoral exploite les questions l’immigration et de la sécurité chères à l’extrême-droite pour influencer l’opinion publique.

Cette représentation stéréotypée et négative des Algériens véhiculée par les médias alimente une haine à tout ce qui est algérien et favorise ainsi l’islamophobie. Par conséquent, les Algériens vivent au quotidien des discriminations à l’emploi et au logement.

La polémique autour du foulard, du bikini de l’abaya et des produits halal, montre à quel point les médias les instrumentalisent au nom de la laïcité. Bien évidemment, c’est la laïcité des politiques et des journalistes qui contredit le sens originel de cette notion. Emile Poulat, historien et spécialiste de la laïcité en France, a raison de souligner qu’il existe une laïcité dans les têtes et une laïcité dans les textes.

Une réflexion et une discussion savante sur l’islam dans un cadre académique est légitime, mais le débat se fait dans un lobby médiatique non spécialisé. On est donc passé de l’islamophobie coloniale à l’islamophobie postcoloniale.

Kamel Daoud et le Goncourt de la honte

Que reste-t-il du Goncourt, le prix littéraire décerné auparavant à des auteurs de talent, tels que Proust, André Malraux, Marguerite Duras ou encore Amine Malouf ?

Cette question trouve tout son sens quand on voit que ce prix est entaché de scandales tout au long de son histoire. Rappelons-nous des petits arrangements des jurys dans la sélection du prix.

Goncourt 2021. En effet, le roman Les enfants de Cadillac de François Noudelmann fut sélectionné. Or, il se trouve que ce dernier est le compagnon de Camille Laurens, critique littéraire et membre du jury qui a certainement influencé la décision lors du vote. Elle va jusqu’à faire une critique virulente d’un autre roman concurrent, La carte postale d’Anne Berrest. «Elle a carrément assassiné l’une des candidates», remarque l’universitaire et spécialiste de l’histoire de l’édition Jean-Yves Mollier –

Exaspéré par ce scandale, Bernard Pivot affirme qu’«il est évident qu’en tant que président de l’académie Goncourt, je n’aurais pas accepté que le roman du mari ou de la femme, de l’amant de l’amante soit sur la liste».

Dans un article du New York Times, l’auteur se demande si «le Goncourt renoue avec les conflits d’intérêts».

L’attribution de ce prix à Kamel Daoud relance de nouveau le débat sur la crédibilité et la neutralité du choix des jurys. Nous pouvons affirmer sans hésitation que les intérêts politiques et diplomatiques priment sur les qualités littéraires du roman Houris. A cela s’ajoute l’histoire de saada Arbane, similaire à celle racontée dans le roman avec les moindres détails. Quelle coïncidence ! Si c’est le cas, Saada Arbane fut doublement victime. Victime du terrorisme et victime de Kamel Daoud. C’est le scandale Houris. C’est le Goncourt de la honte.

Certains journalistes français aiment à dire que le roman de Kamel Daoud est le premier à avoir abordé la «guerre civile» algérienne pour donner une importance à ce roman. Mais il se trouve que d’autres écrivains bien avant lui ont déjà brisé ce tabou. Christiane Chaulet-Achour, professeure de littérature comparée à l’université de Cergy Pontoise nous cite à titre non exhaustif quelques titres. «En 1997, Ghania Hammadou publie Le premier jour d’éternité […]. En 1998, Rose d’abîme d’Aïssa khelladi et Les amants démunis d’Anouar Ben Malek et quelques nouvelles de recueils de Maissa Bey dans Nouvelles d’Algérie. En 1999, L’insurrection des sauterelles de Hassan Bouabdallah, Les amants de Sheherazade de Salima Ghezali. En 2001, Imzad de Fatima Gourari. En 2002, La chair et le rodeur de Karima Bergeret, le roman de Malika Madi, Les silences de Médéa, en 2003. Je rajouterai que des travaux non romanesques ont également traité le sujet dit tabou de la décennie noire. En comparant, en sa qualité de critique littéraire, Christiane Achour conclue que le roman de Kamel Daoud «a de la difficulté à atteindre le statut d’œuvre littéraire majeure».

Par conséquent, il n’est ni le précurseur ni l’initiateur. Son roman trouve sa valeur dans la polémique qu’il a suscitée. Sa consécration politique n’est certainement pas une surprise pour Christiane Chaulet-Achour qui savait déjà que ce roman «aura certainement des prix mais pas pour des raisons littéraires».

Un éditeur français est également déçu par le niveau bas du roman. Il affirme : «Pour le roman Houris, j’en suis à la page 188 et, franchement, pas super écrit ni proche de la bonne littérature, ni du niveau de Goncourt.» Et de conclure : «Je suppose que ceux qui l’ont vraiment lu sont les membres de jury qui ont voté contre.»

Kamel Daoud a acquis sa notoriété pseudo-intellectuelle grâce à ses positions politiques. Il participe par ses écrits à l’anti-algérianisme de l’extrême-droite. Il reprend à son compte tous les thèmes d’Eric Zemmour et défend même le discours du Rassemblement national, qu’il considère comme «républicain», pourtant hostile aux immigrés et aux musulmans. Une lecture de ses chroniques publiées dans Le Point nous révèle sans peine son adhésion à cette idéologie islamophobe. Au moment où il s’attaque à La France Insoumise (LFI), en qualifiant Jean-Luc Mélenchon d’«auto hamassisé», de «cheikh Mélenchon» ou encore «les musulmans de France sont-ils les idiots utiles des insoumis ?», peut être que Kamel Daoud se considère indirectement comme l’idiot utile du Rassemblement national.

Kamel Daoud reprend donc les clichés traditionnels et classiques de l’orientaliste Samuel Huntington sur le choc des civilisations.

Il s’implique dans ladite histoire de Cologne quand la presse occidentale révèle que des centaines de femmes ont été violées par des migrants. Cela n’empêche pas Kamel Daoud d’écrire un article dans le journal Le Monde pour dénoncer et condamner ces actes imaginaires en stigmatisant les musulmans. La faute à qui ? L’islam. Mais il voit sa gloire s’effondrer lorsque l’écrivain Ahmed Bensaada publie son livre très documenté sur cette affaire, Cologne contre-enquête, démontrant que cette histoire est pure fabulation. Silence total de la presse française qui voyait en Kamel Daoud le défenseur des droits des femmes, alors qu’il a été condamné par la justice algérienne pour avoir battu violemment son ex-femme.

A l’occasion de la journée des violences faites aux femmes, le président Emmanuel Macron affirmait que sa priorité était la lutte contre cette violence, mais comment expliquer sa rencontre avec Kamel Daoud ? Jacques-Marie Bourget avait raison de dire avec ironie : «Si tu veux être sélectionné pour le prix Goncourt, cogne ton ex-femme.»

Maintenant que la «mafia» du Goncourt lui décerne ce prix à celui qui se voit plus français que les français, donc moins algérien que tous les Algériens, Kamel Daoud mène un combat par procuration. «Le Goncourt est devenu une arme politique contre l’Algérie et les Arabes», conclut Jacques-Marie Bourget. C’est le même constat fait par l’anthropologue Yazid Ben Hounet sur la fabulation de Kamel Daoud, qui «n’aurait toutefois pas pu se propager de la sorte sans l’apport de journalistes passe-plats, naïfs, ethnocentriques, arrogants et/ou qui dédaignent l’Algérie». Contrairement à d’autres intellectuels qui sont au service de leur pays, de leur identité et de leur culture.

L’intellectuel universel et l’engagement

Prenant le cas du philosophiste Bernard-Henri Levy. Il n’hésite pas à s’engager pour défendre les intérêts d’Israël. Il devient ministre bis de Nicolas Sarkozy et participe activement, pour son enquête, dit-il, au drame libyen. Invité par le CRIF, il déclara : «C’est en tant que juif que j’ai participé à cette aventure politique, que j’ai contribué à définir des fronts militants, que j’ai contribué à élaborer pour mon pays et pour un autre pays une stratégie et des tactiques.» Et il ajoute même : «J’ai porté en étendard ma fidélité à mon nom et ma fidélité au sionisme et à Israël.»

Il existe cependant des intellectuels sans frontières idéologiques ou religieuses. Des intellectuels engagés au nom de l’humain, qui sont en harmonie avec eux-mêmes et avec leurs principes.

«L’Algérie n’est pas la France» est le titre d’un article de Jean-Paul Sartre, figure incontournable de l’engagement des temps modernes contre la Guerre d’Algérie.

Dans son article «Le colonialisme est un système», le philosophe souligne que «le colonialisme refuse les droits de l’Homme à des hommes qu’il a soumis par la violence, qu’il maintient de force dans la misère et l’ignorance, donc, comme dirait Marx, en état de sous-humanité. Dans les faits eux-mêmes, dans les institutions, dans la nature des échanges et de la production, le racisme est inscrit.»

Dans un autre article, «Les somnambules», Sartre exprime encore une fois sa colère. «Il faut dire que la joie n’est pas de mise : depuis sept ans, la France est un chien fou qui traîne une casserole à sa queue et s’épouvante chaque jour un peu plus de son propre tintamarre. Personne n’ignore aujourd’hui que nous avons ruiné, affamé, massacré un peuple de pauvres pour qu’il tombe à genoux. Il est resté debout. Mais à quel prix !» (*)

Kamel Daoud peut-il avoir le même cri, la même colère, les mêmes mots et le même engagement pour le peuple palestinien dépourvu de tous ses droits ? Au contraire, il explique explicitement pourquoi il n’est pas solidaire de Gaza. Mais, au moment où il se désolidarise avec le peuple palestinien, il écrit une postface du livre Un pogrom au XXIe siècle, condamnant l’attaque du 7 octobre.

Parlons de Michel Foucault, un autre grand philosophe français qui, avec Sartre et Simone Weil, ont applaudi la révolution iranienne et se sont déplacés à Téhéran pour apporter leur soutien en sachant qu’ils ne sont ni perses, ni arabes, ni musulmans.

Michel Foucault, l’inventeur de l’intellectuel spécifique, ose écrire dans le quotidien italien Corriere della Sera, en parlant de cette révolution, ce qui suit : «C’est l’insurrection d’hommes aux mains nues qui veulent soulever le poids formidable qui pèse sur chacun de nous, mais plus particulièrement sur eux, ces laboureurs de pétrole, ces paysans aux frontières des empires. Le poids de l’ordre du monde entier. C’est peut-être la première grande insurrection contre les systèmes planétaires, la forme la plus moderne de la révolte et la plus folle.» Il va jusqu’à qualifier Khomeiny de «Saint homme exilé à Paris».

Kamel Daoud n’est ni un grand écrivain ni un intellectuel. Son engagement est pour la notoriété personnelle et l’argent, quand il fait tout pour avoir ce prix au détriment de son pays. Sartre, en intellectuel engagé et indépendant, rejette toutes les distinctions prestigieuses. Il refuse le prix Nobel, la Légion d’honneur et même la chaire au Collège de France.

«L’Algérie n’aime pas ses écrivains», dit-il. Quelle absurdité et quelle ingratitude venant d’un enfant du pays qui est né en Algérie, a fait ses études, a écrit tous ses romans en Algérie et sans être inquiété par le pouvoir en place ! Le voilà maintenant trahir ce que l’Algérie lui a offert.

L’Algérie aime les écrivains qui l’aiment. Lisons ces paroles de Yasmina Khadra, l’auteur le plus prolifique : «Vous avez vu ces coquilles qui sont collées aux baleines. Moi, je suis cette coquille qui est collée à l’Algérie. Et peut-être que le fait même d’aimer mon pays, c’est la raison aussi de mon exclusion, de ma disqualification par les institutions littéraires françaises. J’aime ce pays et peut-être qu’ils attendent de moi que je fasse ce qu’ils voudraient que je dise. Ça, ils ne l’auront jamais ! Ils ne l’auront jamais ! Je suis un homme digne. J’ai toujours été honnête même avec mes ennemis. Et tout ce que je sais, c’est que ça ne m’empêche pas de bien écrire et ça ne m’empêche pas de rayonner à travers le monde. Je suis aujourd’hui, malgré les exclusions en France, je suis quand même l’écrivain de langue française vivant le plus traduit au monde. Et c’est ça mon triomphe.»

S.-A. G.

(*) Sociologue et conférencier

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