L’élite marocaine au service de la France : le mensonge saharien d’André Bonamy
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Une contribution de Khaled Boulaziz – Il s’appelait André Bonamy. Un nom oublié des foules, mais chéri des salons où l’on cultive encore les mensonges coloniaux avec l’arrogance des convertis. Bonamy était un administrateur colonial français. Rien de plus. Rien de moins. Il n’était ni historien ni penseur. Il était un technicien de l’Empire. Un géographe de la soumission. Un scribouillard zélé du ministère des Colonies. Il a servi en Afrique de l’Ouest, puis au Maroc, et partout il a fait ce que font les serviteurs dociles : il a justifié l’injustifiable.
Entre 1917 et 1933, Bonamy écrit plusieurs rapports sur le Sahara. Il y parle des échanges commerciaux entre le Maroc et les régions sahéliennes. Il cite Tombouctou, Gao, Taoudeni, les Aït Khebbach, les Kountas, les routes du Tafilalet, les relais du Draâ. Il observe, note, cartographie… pour mieux asservir. Pour mieux découper, annexer, surveiller. Il n’écrit pas pour libérer les peuples : il écrit pour leur voler leur passé afin d’asseoir leur domination future.
Mais le plus ignoble n’est pas dans ses écrits. Il est dans leur réutilisation contemporaine. Car aujourd’hui encore, une partie de l’élite marocaine – monarchique, docile, francophile jusqu’à la moelle – s’en réclame (1). Elle cite Bonamy comme on cite un prophète. Elle cite des rapports coloniaux comme on cite le Coran. Elle parle du Sahara comme s’il avait été, de tout temps, marocain, en brandissant les écrits d’un colonisateur. Quelle farce. Quelle trahison.
Ces élites n’ont pas seulement vendu leur mémoire. Elles ont vendu leur âme. Elles ont troqué les résistances héroïques de l’Atlas et du Rif contre les oripeaux dorés du protectorat. Elles ont troqué Abdelkrim El-Khattabi contre Lyautey. Elles ont transformé la soumission en politique d’Etat, le silence en stratégie et la collaboration en doctrine.
Et maintenant, elles osent nous dire que le Sahara appartient au Maroc. Sur la base de quoi ? Des routes de caravanes ? Des zaouïas partagées ? Des échanges de dattes et de peaux ? Cette lecture de l’histoire est une escroquerie. Les routes commerciales ne sont pas des titres de propriété. Les flux spirituels ne sont pas des chaînes d’annexion. Le désert n’a jamais appartenu à un Etat. Il appartient à ceux qui le traversent. Et ceux qui le traversent – Sahraouis, Touaregs, habitants du Touat, de Tindouf, de Taoudeni – n’ont jamais plié le genou devant le Makhzen.
Bonamy, dans ses rapports, ne rêve pas d’un Maroc fort et libre. Il rêve d’un Maroc domestiqué, utilisé comme un avant-poste pour maintenir l’Afrique de l’Ouest sous contrôle français. Son idée du «Maroc-pivot» n’est pas un hommage, c’est un instrument. Il veut que le Makhzen serve de chien de garde de l’Empire. Et le plus honteux, c’est que ce projet a marché. Ce Maroc-là a existé. Il existe encore.
Lorsqu’ils reprennent les thèses de Bonamy, les élites marocaines ne défendent pas leur histoire, elles l’effacent. Elles ne protègent pas leur souveraineté : elles la profanent. Elles ne rendent pas hommage aux caravaniers, elles leur crachent au visage. Car ces caravaniers n’étaient pas leurs vassaux. Ils étaient libres. Rebelles. Insaisissables. Comme le désert.
Ce qu’elles appellent «continuité géo-historique» n’est qu’un vernis pseudo-savant pour masquer une entreprise d’appropriation illégitime. Et ce qu’elles nomment «trait d’union» n’est qu’un pieu planté dans le dos des peuples sahariens, pour mieux les clouer à une fiction impériale fabriquée dans les cabinets coloniaux.
Taoudeni, Tabelbala et Tindouf ne sont pas des territoires marocains, ce sont des terres d’Algérie. Des terres qui ont souffert, résisté, et n’ont jamais baissé les yeux. Ni devant la France. Ni devant le Maroc. Ni devant personne. Leur lien naturel est avec le Hoggar, avec l’histoire de l’insoumission, avec le souffle rugueux de l’autonomie.
Et ces élites marocaines, vendues au plus offrant, s’accrochent aux rapports d’un gouverneur français comme un mendiant à une carte d’identité. Elles ne cherchent pas la vérité : elles cherchent une légitimité en carton. Elles ne sont pas les héritières de l’histoire : elles en sont les faussaires.
André Bonamy n’est pas un penseur. Il est un complice. Son «héritage» n’est pas un trésor, c’est un poison. Et vous l’avez bu jusqu’à la lie.
Colonisé un jour, colonisé pour toujours, ce n’est pas une insulte. C’est une mise en garde. Un avertissement. Un miroir. Et vous êtes dedans.
K. B.
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