Retailleau redécouvre l’Algérie et croit y trouver un programme présidentiel
Par A. Boumezrag – Il y a ceux qui visitent l’Algérie pour l’histoire. D’autres pour les affaires. Bruno Retailleau, lui,... L’article Retailleau redécouvre l’Algérie et croit y trouver un programme présidentiel est apparu en premier sur Algérie Patriotique.

Par A. Boumezrag – Il y a ceux qui visitent l’Algérie pour l’histoire. D’autres pour les affaires. Bruno Retailleau, lui, y fait campagne. Pas en s’y rendant, bien sûr. Ce serait trop subtil. Il préfère les colonnes du Figaro pour exhumer une Algérie fantasmée : une terre d’affrontement moral, un vestige pratique où rejouer la France forte sans jamais chercher à la rendre vivable.
La diplomatie douce ? Un échec, selon lui. La patience stratégique ? De la naïveté. L’Algérie ? Une provocation permanente qu’il faut, enfin, «punir». On croirait entendre un professeur autoritaire lassé d’un élève trop bruyant. Sauf que le «collégien» en question est un Etat souverain et que le professeur est en campagne pour l’agrégation suprême : l’Elysée.
Un vieux disque en boucle
Dans la grande playlist de la droite post-gaullienne, le refrain algérien revient toujours à l’approche des présidentielles : fermeté, mémoire, identité, fermeté encore. Retailleau ne déroge pas. Il ne parle pas à l’Algérie ; il parle de l’Algérie, pour s’adresser à un électorat français qu’il croit nostalgique, inquiet et friand de postures viriles.
La France, dit-il, en a assez d’être humiliée. Traduction : il est temps de punir Alger pour son insolence diplomatique, son ingratitude historique et son refus de se repentir dans le bon sens. En creux, une idée simple : pour être présidentiable, il faut savoir faire peur aux «anciens colonisés».
Le passé comme substitut au programme
Quand on manque d’idées pour le futur, on ressort les ruines du passé. Retailleau réactive une logique vieille comme la République elle-même : celle qui fait de l’Algérie non pas un partenaire, mais un punching-ball symbolique. On parle peu des jeunes franco-algériens, des enjeux migratoires réels, ou des coopérations régionales. Non. On évoque les généraux, la mémoire, les visas, l’orgueil national. Bref : le folklore électoral.
Il ne s’agit pas de politique étrangère, mais de stratégie intérieure. Le message est calibré : la France serait «trop molle», l’Algérie «trop insolente», et Retailleau – soudain – l’homme qui va «remettre de l’ordre». Le passé devient un plateau-repas électoral. Tiède, recyclable, indigeste.
Le néocolonialisme en cravate
Sous couvert de fermeté, c’est une vieille tentation qui réapparaît : celle de traiter l’Algérie comme un adolescent instable dont la France, mère contrariée, aurait le devoir de corriger les écarts. On ne parle jamais d’égal à égal. On sermonne. On sanctionne. On conditionne.
Retailleau veut «parler clair», dit-il. Très bien. Mais parler clair, c’est aussi reconnaître que l’on ne reconstruit aucune relation internationale saine sur un ressentiment maquillé en autorité. La fermeté n’est pas une politique quand elle devient une posture.
L’Algérie, ce miroir électoral déformant
Retailleau n’est pas le premier à convoquer l’Algérie pour séduire une droite tentée par les slogans du passé. Il n’est pas le dernier non plus. A chaque fois que l’actualité intérieure devient étouffante, le miroir algérien sert d’échappatoire : plus flou, plus simple, plus rassurant. Dans ce miroir, la France se rêve redresseuse, redevenue «maîtresse chez elle», comme si une mise à distance de l’Algérie suffisait à restaurer sa souveraineté abîmée.
Mais la réalité, c’est que ce jeu-là ne trompe plus grand monde. Ni à Alger, ni dans les banlieues françaises, ni même à Bruxelles. On y voit une France fatiguée d’elle-même, qui cherche dans l’ombre coloniale les contours d’un pouvoir qu’elle ne sait plus dessiner autrement.
La nostalgie comme plan de carrière
Retailleau veut incarner l’autorité. Mais en dégainant la carte algérienne comme un gadget de campagne, il ne fait qu’aggraver le mal qu’il prétend soigner : la perte de crédibilité de la parole française, la fossilisation des relations bilatérales et l’illusion qu’un passé mal digéré peut encore produire un avenir.
Il ne redécouvre pas l’Algérie. Il redécouvre un miroir électoral brisé, dans lequel il croit encore voir un boulevard pour 2027. Mais ce n’est pas une stratégie. C’est un réflexe. En politique, on feint de redécouvrir l’Algérie tous les cinq ans. Mais à force de se servir du passé comme d’un bulletin de vote, on finit par ne plus rien comprendre ni au passé ni aux bulletins.
Campagne électorale en terrain miné
Retailleau finira-t-il à Alger ? Probablement pas. Mais il y fera des phrases. Et peut-être quelques voix. Car dans la Ve République finissante, parler de l’Algérie n’engage à rien, sinon à faire semblant de gouverner l’histoire.
C’est pratique, l’Algérie : elle ne vote pas en France, mais elle fait voter. Elle ne siège pas à l’Assemblée, mais elle y déclenche les envolées. Et comme elle ne répond jamais exactement, on peut lui prêter tous les torts, sans risquer la contradiction.
Au fond, Retailleau ne cherche pas à régler la relation franco-algérienne. Il cherche à la monétiser politiquement, avant qu’un autre ne le devance. Une vieille ficelle ? Oui. Mais dans un pays où l’on recycle les slogans comme les ministres, les vieilles ficelles tiennent parfois plus longtemps que les programmes.
Et puis, entre une guerre des mémoires et une panne d’idées, le choix est vite fait. L’Algérie reste un bon substitut au vide stratégique.
A. B.
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