Souk Ahras: Entre forêts, ruines romaines et sagesse millénaire

Entre cèdres et vestiges, Souk Ahras dévoile une âme plurimillénaire. De l’ombre sacrée de l’olivier de Saint Augustin aux pierres savantes de Madaure, en passant par les forêts profondes de Mechrouha et les sources thermales de Hemimine, cette wilaya discrète de l’Est algérien conjugue nature intacte, héritage antique et spiritualité profonde. Une destination qui interpelle […]

Juil 16, 2025 - 22:56
 0
Souk Ahras: Entre forêts, ruines romaines  et sagesse millénaire

Entre cèdres et vestiges, Souk Ahras dévoile une âme plurimillénaire. De l’ombre sacrée de l’olivier de Saint Augustin aux pierres savantes de Madaure, en passant par les forêts profondes de Mechrouha et les sources thermales de Hemimine, cette wilaya discrète de l’Est algérien conjugue nature intacte, héritage antique et spiritualité profonde. Une destination qui interpelle autant qu’elle apaise.

Par Hafit Zaouche

Aux confins orientaux de l’Algérie, aux portes de la Tunisie, s’étend une terre aux mille visages : Souk Ahras. Cité natale de Saint Augustin, bastion des civilisations numide, romaine et berbère, cette wilaya de l’extrême Est résume à elle seule l’histoire de l’Afrique du Nord. Pourtant, elle reste encore peu explorée par les circuits touristiques classiques. Un paradoxe, tant elle regorge de trésors patrimoniaux, naturels et culturels.
Carrefour des civilisations, Souk Ahras fut jadis une terre convoitée. Elle a accueilli Apulée de Madaure, premier romancier de l’humanité, Augustin de Thagaste, père de l’Église latine, mais aussi les armées romaines et les penseurs byzantins. À travers ses pierres, ses montagnes, ses forêts et ses sources thermales, elle raconte une histoire millénaire à qui sait l’écouter.
Au cœur de cette mémoire vivante se dresse l’olivier de Saint Augustin, arbre millénaire vénéré depuis des siècles. C’est à son ombre que le futur évêque d’Hippone méditait, priait et écrivait, guidé par la présence de sa mère, Sainte Monique. L’arbre est devenu un emblème de paix et de sagesse, un repère spirituel et identitaire pour les habitants. Autour de cet olivier, c’est toute une ville qui se souvient : Taghaste, devenue Souk Ahras.
Non loin de là, Madaure (aujourd’hui M’daourouch) étale ses ruines savantes. Elle fut l’une des premières cités universitaires du monde antique. Son théâtre, son forum, ses thermes, racontent encore l’effervescence intellectuelle de l’époque. Voltaire lui-même évoquait Madaure comme «ville considérable par le commerce, mais encore plus par les lettres». Saint Augustin y étudia, Apulée y naquit. Une capitale oubliée de la pensée.
Autre site remarquable, Khemissa, ancienne Thubursicu Numidarum, cache l’un des théâtres romains les mieux conservés d’Afrique du Nord. Large de 70 mètres, il impressionne par ses gradins encore intacts, ses galeries, ses escaliers. Loin des foules, dans le silence des collines, ce site méconnu mérite d’être inscrit sur les grands itinéraires culturels méditerranéens.
Mais Souk Ahras ne se résume pas à ses vestiges antiques. C’est aussi une terre de forêts et de sources. Avec plus de 35 000 hectares de surfaces boisées, la wilaya est un véritable écrin naturel. Le chêne-liège y pousse au nord, le pin d’Alep domine le sud. À Mechrouha ou Merahna, la verdure s’étend à perte de vue. Les amateurs de randonnées, de paysages vierges et de biodiversité y trouveront un paradis discret. Le cerf de Barbarie, espèce rare, y survit encore dans les forêts de Mezaraâ.
Côté bien-être, la région n’est pas en reste. Elle dispose de plusieurs stations thermales naturelles, comme celles de Hemimine, El Khenga, Zayed ou Tassa. Ces eaux bénéfiques attirent chaque année des milliers de curistes en quête de soins et de repos. Le tourisme thermal, encore balbutiant, pourrait devenir un levier important de développement local.
Pour les passionnés d’écotourisme et de sport, la commune d’Aïn-Zana offre un cadre exceptionnel. À 1 400 mètres d’altitude, cette localité frontalière voisine de Ghardimaou (Tunisie) réunit toutes les conditions pour accueillir des centres de préparation physique de haut niveau. Son climat, ses reliefs, ses sources, en font une alternative sérieuse à Aïn Draham, souvent privilégiée par les clubs professionnels.
Enfin, les lacs Burgas, rebaptisés lacs du chahid Boumaâraf-Sebti, complètent cette palette unique. Situés à Taoura, ces plans d’eau attirent chaque année une myriade d’oiseaux migrateurs. Au printemps, le site se transforme en une forêt aquatique, où la faune et la flore explosent en couleurs et en harmonie. Une scène digne des plus beaux documentaires animaliers.
Souk Ahras est une promesse. Une promesse d’histoire, de nature, de culture, de ressourcement. Encore à l’écart des grandes routes touristiques, elle incarne une Algérie profonde et lumineuse, riche de son passé et tournée vers l’avenir. À condition que les infrastructures suivent, que la mémoire soit préservée, et que la beauté des lieux ne soit pas sacrifiée à la précipitation.
Il est temps de redécouvrir Souk Ahras, non comme un simple point sur la carte, mais comme un monde à part entière.
H. Z.