Azemour (Aokas): Un coin de paradis… souillé par l’homme

Azemour, petit village côtier perché entre mer et montagnes, avait tout pour incarner la carte postale d’un paradis méditerranéen. Mais ce rêve bleu a viré au cauchemar. Sur la plage d’Oued Djemaa, la mer ne chante plus, elle suffoque. Un lac d’égouts s’est formé, imposant, pestilentiel, entre la beauté de la Méditerranée et les terres […]

Août 13, 2025 - 01:33
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Azemour (Aokas): Un coin de paradis… souillé par l’homme

Azemour, petit village côtier perché entre mer et montagnes, avait tout pour incarner la carte postale d’un paradis méditerranéen. Mais ce rêve bleu a viré au cauchemar. Sur la plage d’Oued Djemaa, la mer ne chante plus, elle suffoque.

Un lac d’égouts s’est formé, imposant, pestilentiel, entre la beauté de la Méditerranée et les terres nourricières d’Azemour. L’origine ? Un scandale écologique silencieux : le réseau d’assainissement de la commune voisine de Tichy évacue, sans détour, ses eaux usées directement sur cette plage. La mer Méditerranée, berceau de civilisations millénaires, s’y voit souillée jour après jour.

Une blessure à ciel ouvert
Accompagnés de Slimane Ancer, ancien président de l’association «Tafsut» et porte-voix d’un village en détresse, nous nous sommes rendus sur place. Le choc fut brutal. Les mots nous manquaient. Les larmes nous montaient. La vue de cette flaque d’égouts géante, ruisselant vers la mer et corrompant les terres agricoles alentour, est un spectacle que l’on n’oublie pas. Le cœur se serre, l’indignation monte. «Nous vivons un drame écologique que personne ne semble entendre», confie Slimane, le regard tourné vers l’horizon défiguré. «Notre village est sacrifié sur l’autel de l’indifférence».

Une mer asphyxiée, une terre empoisonnée
Les conséquences sont désastreuses :
Les terres agricoles voisines sont contaminées, les récoltes ravagées.
Les insectes pullulent, apportant leur lot de maladies.
Les estivants fuient, écœurés par l’odeur et la vue insupportables.
La plage, naguère joyeuse et animée, est devenue un lieu à éviter, un no man’s land répugnant.
Et surtout, chaque vague qui vient s’échouer sur le rivage transporte un peu plus d’eaux usées dans la mer. La grande bleue pleure, en silence.

Des appels à l’aide ignorés
Depuis des années, les habitants d’Azemour ne cessent de tirer la sonnette d’alarme. Des courriers ont été envoyés aux autorités locales : au chef de daïra, à l’APC d’Aokas, au directeur de l’environnement de la wilaya de Béjaïa… Des lettres poignantes, lucides, désespérées. En vain.
Dans l’un de ces courriers, on peut lire :
«Ce réseau a été fléché vers nos terres, créant une zone polluante, constamment inondée d’eaux usées (…) La saleté
s’étend, la pollution s’intensifie, nos terres s’effondrent. L’odeur est insupportable, les insectes envahissent la zone, menaçant nos moissons et nos vies».
Une responsabilité collective, une urgence nationale.
Comment, en 2025, dans un pays bordé par la Méditerranée, peut-on tolérer qu’une plage se transforme en égout à ciel
ouvert ? Comment peut-on laisser mourir un site naturel d’une telle beauté, sous nos yeux impuissants ?
L’Algérie est méditerranéenne. Une mer que tant de peuples rêvent de contempler borde nos côtes. La France, l’Espagne, l’Italie, la Turquie, la Grèce… Les pays les plus visités au monde partagent cette mer. Et pourtant, ici, on la maltraite, on l’empoisonne.
Il est temps de réagir. Les autorités doivent intervenir. Maintenant. Pas demain. Pas quand il sera trop tard. Mais aujourd’hui, avant que cette plaie béante ne devienne irréversible.

Un cri du cœur
Azemour ne demande pas la lune. Seulement le droit de vivre dignement. De respirer un air pur. De cultiver une terre saine. De voir nos enfants jouer sur une plage propre, les pieds dans une Méditerranée bleue, et non brune.
Ce n’est pas un simple problème technique. C’est une question de dignité, de santé publique, d’amour pour notre terre. Et de respect pour une mer qui nous a tant donné. Azemour pleure. Écoutons-la.
Hafit Zaouche