Béjaïa: La location d’appartements, un commerce prospère qui explose chaque été
À chaque arrivée de la saison estivale, la côte de Béjaïa se transforme. Les plages se remplissent, les routes s’animent, les festivals s’enchaînent… et un marché parallèle, mais florissant, prend discrètement le dessus : la location d’appartements meublés à des vacanciers venus de tout le pays. Un phénomène qui n’est pas nouveau, mais qui prend […]

À chaque arrivée de la saison estivale, la côte de Béjaïa se transforme. Les plages se remplissent, les routes s’animent, les festivals s’enchaînent… et un marché parallèle, mais florissant, prend discrètement le dessus : la location d’appartements meublés à des vacanciers venus de tout le pays. Un phénomène qui n’est pas nouveau, mais qui prend une ampleur remarquable ces dernières années. Et ce n’est pas un hasard.
Avec sa côte longue d’une centaine de kilomètres, ses criques sauvages, ses plages familiales et son patrimoine naturel d’une rare beauté, la wilaya de Béjaïa possède tous les atouts pour devenir un pôle touristique majeur. Mais dans les faits, la région souffre d’un réel déficit en structures d’accueil. Les hôtels existants sont peu nombreux, souvent complets très tôt ou inabordables pour les familles modestes. «Même avec de la volonté, il est difficile de trouver une chambre d’hôtel disponible entre juin et septembre, sauf si on réserve très à l’avance», nous explique Samir, père de famille venu de Sétif.
Faute d’infrastructures, ce sont les habitants eux-mêmes qui ont pris le relais, transformant leurs appartements ou maisons en logements de vacances, contre paiement. À Tichy, Aokas, Melbou, Souk El Tenine, Béjaïa-ville ou encore Boulimat, chaque quartier propose désormais son lot de logements meublés à louer. Une offre très variée, allant du simple studio aux appartements spacieux avec vue sur mer. «C’est devenu un vrai commerce, et certains vivent de ça toute l’année», confie un retraité de Tichy qui loue son appartement chaque été et part vivre chez sa sœur.
L’activité, bien qu’informelle pour la majorité, génère des revenus importants pour les familles locales. Certaines se préparent des mois à l’avance : réfection des peintures, achat de matelas neufs, climatisation, connexion Wi-Fi, cuisine équipée… L’offre devient de plus en plus professionnelle. Les annonces se font via les réseaux sociaux, les groupes spécialisés de location estivale ou encore de bouche-à-oreille entre familles.
Ce phénomène de location saisonnière pose cependant plusieurs questions. Il échappe largement au contrôle fiscal, participe à une spéculation immobilière qui rend difficile l’accès au logement pour les locaux, et exerce une pression sur l’urbanisme. Des immeubles résidentiels se transforment en hôtels improvisés, générant nuisances et tensions. «Parfois, on vit dans notre immeuble comme si c’était un camping sauvage : trop de va-et-vient, pas de respect du voisinage», témoigne une résidente d’une cité à Béjaïa.
Malgré ces dérives, la location de logements privés reste l’unique option pour des milliers de familles algériennes, qui souhaitent profiter du littoral sans se ruiner. Certains vacanciers optent même pour le logement chez l’habitant, pour vivre une expérience plus authentique, en immersion.
Ce phénomène est à la fois le résultat d’un manque criant d’infrastructures touristiques et l’expression d’une économie locale qui s’adapte avec ingéniosité. Mais il appelle aussi les pouvoirs publics à repenser la politique touristique de la wilaya de Béjaïa, afin d’accompagner, organiser et encadrer cette pratique de plus en plus répandue. Car au-delà de la mer et du soleil, c’est tout un tissu économique parallèle qui s’active chaque été sur les hauteurs et les plages de Béjaïa. Et il serait temps de le prendre au sérieux.
Hafit Zaouche