Emprise

Le projet de l’Italie et du Danemark de fédérer plusieurs nations européennes autour d’un texte critiquant la mainmise de la CEDH sur des nations souveraines arrive aujourd’hui à fruition. En effet, désormais neuf pays européens signent une lettre ouverte réclamant plus de latitude pour expulser les migrants criminels. Ces pays veulent revoir le rôle de […]

Mai 27, 2025 - 22:37
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Emprise

Le projet de l’Italie et du Danemark de fédérer plusieurs nations européennes autour d’un texte critiquant la mainmise de la CEDH sur des nations souveraines arrive aujourd’hui à fruition. En effet, désormais neuf pays européens signent une lettre ouverte réclamant plus de latitude pour expulser les migrants criminels. Ces pays veulent revoir le rôle de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) qui limiterait, selon eux, leur capacité à contrôler l’immigration irrégulière. Un vœu impossible à exaucer : le pouvoir judiciaire n’a pas de consignes à recevoir des exécutifs, tempère une juriste. Les dirigeants des pays signataires (le Danemark, l’Italie, l’Autriche, la Belgique, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne et la République tchèque) partagent une même préoccupation face à l’immigration irrégulière : «Nous croyons nécessaire de nous pencher sur la manière dont la Cour européenne des droits de l’homme a établi son interprétation de la Convention européenne des droits de l’Homme». Cette convention de 1953 prévoit l’interdiction de l’esclavage, de la torture et des traitements dégradants, la liberté d’expression, l’interdiction de la discrimination et le droit à la vie de famille. Au total, 46 pays y ont souscrit. La Cour européenne des droits de l’Homme est là pour faire appliquer cette convention et ses arrêts s’imposent à tous ces pays : ils doivent les respecter. Mais aujourd’hui, «ce qui était juste autrefois pourrait ne plus être la réponse de demain», estiment les neuf signataires de la lettre ouverte. Pointant une immigration irrégulière sans commune mesure avec le passé dans un monde globalisé, les neuf cosignataires veulent notamment voir «si la Cour, dans certains cas, a étendu la portée de la convention trop loin, comparé aux intentions originelles, faussant ainsi l’équilibre entre les intérêts à protéger». «Nous croyons que l’évolution de l’interprétation de la Cour a, dans certains cas, limité notre capacité à prendre des décisions politiques dans nos propres démocraties», poursuivent les signataires. Dans leur ligne de mire se trouvent les migrants qui «ont choisi de ne pas s’intégrer, s’isolant dans des sociétés parallèles et s’éloignant de nos valeurs fondamentales d’égalité, de démocratie et de liberté. Certains, en particulier, n’ont pas contribué positivement aux sociétés qui les accueillent et ont choisi de commettre des délits». Les pays signataires veulent pouvoir agir sans être limités par la Cour européenne des droits de l’Homme en disposant «d’une plus grande marge de manœuvre au niveau national pour décider du moment opportun pour expulser les ressortissants étrangers criminels», par exemple dans les cas de crimes violents ou liés à la drogue, lourds en conséquence pour les victimes. Et ils terminent en précisant qu’ils veulent avant tout ouvrir le débat. La Cour européenne des droits de l’Homme s’est récemment penchée sur des dossiers de traitements illégaux de migrants en Lettonie, en Lituanie et en Pologne. Le Danemark a été prié de revoir ses règles de regroupement familial. La Cour a aussi publié dans plusieurs jugements la façon dont l’Italie traite les migrants. Pour contrer les entrées illégales, la Première ministre italienne tient à son idée controversée de centres de migrants établis en Albanie, malgré les multiples obstacles juridiques et les retards. Les centres sont devenus opérationnels en octobre 2024, mais des juges ont statué contre la détention des deux premiers groupes d’hommes qui y ont été transférés, qui ont été renvoyés en Italie. Bien que non-signataire de la lettre, la Grande-Bretagne qui a déjà menacé de quitter la Convention européenne des droits de l’homme a vu son projet d’expulsion de migrants vers le Rwanda aussi entrer en conflit avec la Cour européenne des droits de l’Homme. Reste à voir si les tentatives de ces pays de se détacher de l’emprise de la CEDH seront un succès, surtout que les questions liées à l’immigration et la sécurité sont de plus en plus prégnantes dans les débats publics et lors des élections, ou si cette institution européenne réussira à maintenir son emprise sur les pays souverains de l’Union européenne.