Famine à Gaza : la qualification de l’ONU transforme le soupçon en preuve morale

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Août 23, 2025 - 10:25
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Famine à Gaza : la qualification de l’ONU transforme le soupçon en preuve morale

Une contribution de Khaled Boulaziz – L’ONU vient de poser un mot sur l’agonie : famine. Pas une disette, pas un aléa, pas une «pénurie» mal gérée : une faim fabriquée, rationnée, administrée. L’institution, si lente d’ordinaire à nommer l’horreur, a franchi le seuil : Gaza meurt de faim. Ce n’est plus seulement la pluie d’explosifs, c’est la sécheresse organisée des estomacs, l’étouffement des boulangeries, l’assaut contre les semences, l’eau et la chaîne du froid. La faim devient missile : silencieuse, régulière, infaillible. La qualification onusienne transforme le soupçon en preuve morale.

Qu’on cesse donc la liturgie des euphémismes. On ne «stabilise» pas un territoire en pulvérisant ses hôpitaux, en harcelant ses ambulances, en bombardant ses couloirs dits «sûrs». On n’«assure» pas la sécurité en condamnant une population à la dénutrition puis à la nécrose. On n’«optimise» pas l’aide en l’empêchant d’entrer. Le langage administratif maquille le forfait, il ne l’absout pas. «Tu ne tueras point» n’est pas une note de bas de page ; la distinction entre combattants et civils n’est pas une option stratégique : c’est la première pierre de toute civilisation.

Derrière la mécanique, l’idéologie : Benyamin Netanyahou se dit «très attaché» au «Grand Israël» et met la géographie au service d’une théologie de conquête. Des rabbins ultranationalistes baptisent la carte, onctionnent la frontière, sacralisent l’extension. La Torah devient cadastre, le mythe plan de campagne. Dans cette doctrine, Gaza n’est pas un voisin : c’est un obstacle à casser ; la Cisjordanie une antichambre ; la Jordanie, le Liban, la Syrie des marges à dissoudre. Couler la Bible dans le béton armé, voilà la matrice. Le droit positif est relaté, la vie commune reléguée.

La famine officialisée par l’ONU n’est pas un «effet collatéral», c’est une méthode. On affame pour déplacer, on assèche pour soumettre, on bloque pour briser. L’enfant qui réclame du pain devient paramètre, la mère qui fait bouillir l’eau, «risque», la queue devant un camion d’aide, «menace». La faim prolonge la bombe : lente, invisible, totale. Elle ne frappe pas une cible, elle dissout une société. L’addition est macabre : moins de nourriture, moins d’eau, moins de soins, moins d’oxygène ; plus de poussière dans les poumons, plus de fièvres, plus de tombeaux. Et, désormais, un sceau : l’ONU l’atteste.

On nous dira «sécurité». La sécurité qui confond population et péril n’est plus protection : c’est prédation. Interdictions, «évacuations» sous le feu, zones «humanitaires» bombardées, convoyeurs criminalisés, soignants traqués : rituel froid d’un pouvoir qui préfère l’ordre des ruines à l’ordre du droit. La morale n’exige pas l’impossible, elle exige l’élémentaire : ne pas tuer des civils, ne pas affamer des familles, ne pas punir la maladie. Abandonner ces minima, c’est abdiquer l’humanité qui nous oblige.

Qu’on ne se raconte pas d’histoires : cette brutalité n’est pas une erreur d’aiguillage, elle est la traduction opérationnelle d’un messianisme géopolitique. On prétend défendre une frontière ; on performe une carte imaginaire. L’inhabitable devient argument, l’exode méthode, la table rase promesse. L’«ordre» vanté n’est que la paix des gravats, adossée à une théologie d’empire. Le monde arabe l’a compris et se tient vent debout : ce qui est «testé» à Gaza est conçu pour essaimer, du Litani au Yarmouk.

À l’Ouest, la honte circule en gants blancs. On se rengorge de «valeurs», on brandit un «ordre fondé sur des règles», puis on sanctifie l’exception par le veto, on subventionne l’impunité, on moralise l’oubli. Les rédactions bordent les mots pour qu’ils ne débordent pas ; les plateaux chlorent la douleur ; les campus sont mis en quarantaine. Nommer la famine devient «extrémisme». Pendant qu’on disserte, des bébés s’éteignent. La censure est polie, la lâcheté protocolaire.

Faut-il pour autant blanchir l’ONU ? Non. Son constat est vital, mais sa lenteur fut criminogène. Des mois pour admettre l’évidence ; des mois pendant lesquels chaque retard a nourri la bête. Que l’Organisation serve donc de témoin. Soit. Mais qu’elle cesse de bénir l’inaction par des communiqués chloroformés. Nommer la faim oblige : protéger, ouvrir, escorter, sanctionner. Pas larmoyer, agir.

J’écris pour rappeler l’abécédaire que l’on feint d’oublier. Un enfant n’est pas une cible. Un hôpital n’est pas un bunker parce qu’il soigne. Une école n’est pas une base parce qu’elle abrite des déplacés. Un camion d’aide n’est pas une menace, c’est un droit. Le crime bureaucratique adore la statistique : il convertit l’horreur en pourcentages, les cadavres en «erreurs», les survivants en «présomptions». Il faut casser ce lexique laveur ; il sert d’eau bénite à la faute.

«Et l’autre camp ?» La terreur ne blanchit pas la terreur. Mais le plus fort porte la charge la plus haute : préserver la substance de la civilisation qu’il invoque. La vraie supériorité n’est pas technologique, elle est morale : préférer la mesure au déferlement, le droit à la vengeance, la vie au prestige. Quand un pouvoir cite les Ecritures pour justifier l’expropriation et la famine, il ne parle pas au nom d’une foi ; il profane le nom de l’Homme.

Il faut une rupture nette. Cesser d’armer l’impardonnable. Ouvrir les verrous, imposer des corridors protégés, rétablir l’eau et l’électricité, livrer l’aide à l’échelle, déminer les procédures, protéger les soignants, escorter les convois, sanctionner ordonnateurs et exécutants. Conditionner tout soutien à des obligations strictes. Revenir aux pierres de touche : distinction, proportion, humanité. Refuser la capture religieuse du politique : aucune théologie ne fait d’un voisin un obstacle sacré.

La famine à Gaza, désormais reconnue par l’ONU, grave l’accusation dans la pierre : la faim est utilisée comme arme. Nommer Netanyahou et ses rabbins ultranationalistes n’est pas stigmatiser une foi ; c’est dévoiler un projet de conquête sacralisée qui instrumentalise le divin pour écraser l’humain. On ne combat pas l’antisémitisme en fermant les yeux sur un crime d’Etat ; on le combat en sauvant le droit, parce que le droit protège chacun, toujours, partout.

La dignité commence par un mot bref, un geste clair : assez. Assez de couardise diplomatique, assez de presse couchée, assez de Parlements qui votent des bombes en s’embrassant au perchoir. Assez d’experts qui théologisent la force et technicisent la faim. Qu’on cesse de tuer des civils ; qu’on soigne, qu’on reconstruise, qu’on rende des comptes. Alors, peut-être, la politique redeviendra ce qu’elle doit être : l’art de préserver l’humanité, et non de l’annuler.

K. B.

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