La parole déjà dépréciée de Trump
S’il faut en croire une déclaration faite vendredi depuis le Bureau ovale par le président américain, un accord serait sur le point d’être conclu entre Israël et le Hamas, pour la bonne raison que ce dernier n’a plus guère le choix qu’entre la soumission aux conditions posées par Israël et sa complète élimination. Une annonce […]

S’il faut en croire une déclaration faite vendredi depuis le Bureau ovale par le président américain, un accord serait sur le point d’être conclu entre Israël et le Hamas, pour la bonne raison que ce dernier n’a plus guère le choix qu’entre la soumission aux conditions posées par Israël et sa complète élimination. Une annonce aussi péremptoire, provenant qui plus est d’un homme aussi bien informé que le président des Etats-Unis, aurait été reçue il y a quelque temps comme un fait établi, à ceci près que pour des raisons de pure forme, il faut encore attendre avant d’en prendre acte comme tel. Mais depuis le temps que Donald Trump porte à son crédit des succès en réalité non encore assurés, sa parole s’est jusqu’à un certain démonétisée. Si l’on continue de prendre note de ce qu’il affirme, néanmoins on demande à voir avant d’y ajouter foi, on s’interroge même sur sa conformité avec ce que l’on sait déjà, et qui pour sa part est indubitable. S’agissant du cas précis d’un accord entre le Hamas et Israël, on sait de savoir sûr que l’envoyé spécial de Trump, Steve Witkoff, n’a pas fait une seule proposition mais deux. La première a été destinée au Hamas, aussitôt acceptée par lui, mais dans un deuxième temps rejetée par Israël ; la deuxième à Israël, approuvée comme de juste par lui, mais à propos de laquelle le Hamas ne s’est pas encore prononcé officiellement.
Aux dernières nouvelles, il serait en train de consulter les autres factions de la résistance en vue d’une position commune à son sujet. Tant et si bien que Witkoff peut à juste titre se dire en possession de deux accords, l’un du Hamas et l’autre d’Israël, sauf que les deux ne portent pas sur le même objet. Le Hamas était d’accord pour une trêve de 60 jours, qui commence par un premier échange de prisonniers et se termine par un deuxième, et au cours de laquelle l’aide humanitaire afflue en quantités suffisantes à Ghaza. Israël lui est pour une trêve de même durée, mais pour des échanges de prisonniers se produisant et s’achevant dans la première semaine. A priori on a de la peine à voir le Hamas accepter la deuxième version après avoir approuvé la première. Pour autant, on ne peut exclure qu’il veuille néanmoins libérer tous les captifs israéliens tout en sachant que la guerre reprendrait de plus belle dès qu’ils le seraient tous, et qu’Israéliens et Américains passeraient à l’étape ultime de leur plan pour Ghaza, qui est de la vider de sa population. Aujourd’hui, quand Israël clame avoir pris le contrôle d’une partie de Ghaza, il ne veut pas dire l’avoir nettoyée de ses résistants, mais en avoir fait fuir sa population. Déjà il se flatte de contrôler Ghaza à 75%. Après avoir détruit les habitations, voilà qu’il nivelle ce qu’il reste d’elles qui soit encore debout. C’est à la vue de ce spectacle que certains de ses meilleurs alliés s’indignent, et parlent de reconnaitre bientôt un Etat palestinien. Si telle est bien l’intention, ce ne sera pas tant pour voir ce vœu pieux se réaliser que pour se prémunir de toute accusation future de complaisance envers un génocide. La réalité est qu’il n’y a rien que ces Etats, eux-mêmes de conviction sioniste, puissent faire de nature à faire avorter le plan américano-israélien pour Ghaza. Si ce plan doit quand même tourner cours, ce qu’il reste possible, ce sera parce que la résistance n’a pas encore dit son dernier mot.