Mali: la contestation "fragilise" les autorités militaires de transition

BAMAKO - L'inédit mouvement de contestation contre les autorités militaires de transition à Bamako, menée par des centaines de Maliens, sortis crier leur ras-le-bol du maintien des militaires au pouvoir et exprimer leur désir d'aller aux élections, "fragilise" le régime en place, estime l'avocat et politologue malien, Oumar Berté, soutenant même que le soutien dont il a bénéficié jusque-là est en train de "s'affaiblir progressivement". Interrogé sur les conséquences des évènements qui ont secoué la capitale malienne, samedi et dimanche, ce chercheur associé à l'Université de Rouen (France), a affirmé à la presse que "cela fragilise les autorités maliennes de transition sur le fait que jusque-là, elles semblaient faire l'unanimité dans le pays". Il a relevé que "le soutien qu'elles avaient jusque-là est en train de s'affaiblir progressivement". Soulignant "l'ampleur de la mobilisation" des Maliens sortis par centaines exprimer leur mécontentement, Oumar Berté pense que celui-ci est "représentatif du ras-le-bol de la société actuelle au Mali, des crises qui se multiplient -la crise énergétique, la crise financière qui en découle, la crise sociale- mais aussi des répressions féroces que les gens subissent notamment des emprisonnements dans tous les sens et des enlèvements". Des partis politiques maliens ont été empêchés samedi à Bamako de tenir leur meeting, ce qui a déclenché des contestations jamais vues depuis le début de la transition il y a cinq ans. Les contestataires ont scandé des slogans contre "la dictature militaire" et "pour le multipartisme", réclamant l'organisation d'élections et le retour à l'ordre constitutionnel. "A mon avis, c'est un début, il faut s'attendre à ce que le mouvement s'accentue", a-t-il averti.   Vers l'élargissement de la contestation   Ce chercheur table sur un élargissement du mouvement de contestation qui pourrait s'étendre hors de Bamako et mobiliser d'autres acteurs. Il a expliqué, à ce titre, que les partis politiques maliens "ne peuvent pas réussir seuls à mobiliser les gens dans la rue", estimant que si les militaires sont, actuellement, au pouvoir c'est parce que "les acteurs politiques ont été complaisants avec eux, ou qui les ont soutenus et accompagnés". "Ce sont surtout les acteurs de la société civile aujourd'hui qui sont au-devant de la scène", a-t-il fait remarquer. Réunis au sein d'un collectif, des acteurs de la société civile malienne, des responsables politiques, journalistes, intellectuels, syndicats et citoyens engagés ont réitéré, dimanche, dans un manifeste lu lors d'une rencontre à la Maison de la presse de la capitale, leur "attachement profond aux valeurs démocratiques et républicaines". Dans leur manifeste, ces Maliens ont lancé "un appel solennel pour le respect de la démocratie, du pluralisme politique, des droits fondamentaux et pour un retour effectif à l'ordre constitutionnel". Rejetant les propositions formulées à l'issue d'une récente consultation encadrée par les putschistes au pouvoir, parmi lesquelles figurent la dissolution des partis politiques et l'octroi d'un mandat présidentiel de cinq ans sans élections au président de la transition, le général Assimi Goïta, les Maliens ont insisté sur 'importance d'"organiser des élections transparentes, inclusives et apaisées", de "respecter le pluralisme politique et la libre participation des forces sociales et politiques" qu'ils considèrent comme "condition essentielle de la légitimité démocratique". Le président d'honneur de l'ADP-Maliba et ancien candidat à l'élection présidentielle de 2018, Aliou Boubacar Diallo, a dénoncé, de son côté, une "véritable forfaiture" et une "violation flagrante" de la Constitution adoptée par référendum en juillet 2023. Il a insisté sur la nécessité de préserver le multipartisme, "acquis au prix fort en 1991", ainsi que le principe de l'élection présidentielle au suffrage universel direct.       Il y a une semaine, des jeunes issus de la classe politique et de la société civile maliennes ont publié un manifeste appelant la jeunesse à se mobiliser contre la possible dissolution des formations politiques par le pouvoir. "Nous voulons réaffirmer notre attachement à la pluralité politique, à la démocratie, à la liberté d'expression et au jeu démocratique comme il doit se faire au Mali", a déclaré à la presse Hamidou Doumbia, l'un des jeunes signataires du manifeste. Pour se faire entendre, ces jeunes maliens comptent se mobiliser du nord au sud et de l'est à l'ouest du Mali, non seulement pour défendre le multipartisme, mais aussi pour appeler au retour à l'ordre constitutionnel dans le pays. Toutefois, Oumar Berté met en garde contre le risque "élevé" de répression. "Il n'est pas à exclure que les autorités de transition utilisent la force ou la justice pour réprimer ces contestations et faire peur aussi à ceux qui seraient tentés de s'y rallier. Donc ce risque est très élevé aujourd'hui, ce qui fait qu'on court également le risque d'une radicalisation des deux cô

Mai 7, 2025 - 09:04
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Mali: la contestation "fragilise" les autorités militaires de transition

BAMAKO - L'inédit mouvement de contestation contre les autorités militaires de transition à Bamako, menée par des centaines de Maliens, sortis crier leur ras-le-bol du maintien des militaires au pouvoir et exprimer leur désir d'aller aux élections, "fragilise" le régime en place, estime l'avocat et politologue malien, Oumar Berté, soutenant même que le soutien dont il a bénéficié jusque-là est en train de "s'affaiblir progressivement".

Interrogé sur les conséquences des évènements qui ont secoué la capitale malienne, samedi et dimanche, ce chercheur associé à l'Université de Rouen (France), a affirmé à la presse que "cela fragilise les autorités maliennes de transition sur le fait que jusque-là, elles semblaient faire l'unanimité dans le pays".

Il a relevé que "le soutien qu'elles avaient jusque-là est en train de s'affaiblir progressivement".

Soulignant "l'ampleur de la mobilisation" des Maliens sortis par centaines exprimer leur mécontentement, Oumar Berté pense que celui-ci est "représentatif du ras-le-bol de la société actuelle au Mali, des crises qui se multiplient -la crise énergétique, la crise financière qui en découle, la crise sociale- mais aussi des répressions féroces que les gens subissent notamment des emprisonnements dans tous les sens et des enlèvements".

Des partis politiques maliens ont été empêchés samedi à Bamako de tenir leur meeting, ce qui a déclenché des contestations jamais vues depuis le début de la transition il y a cinq ans.

Les contestataires ont scandé des slogans contre "la dictature militaire" et "pour le multipartisme", réclamant l'organisation d'élections et le retour à l'ordre constitutionnel.

"A mon avis, c'est un début, il faut s'attendre à ce que le mouvement s'accentue", a-t-il averti.

 

Vers l'élargissement de la contestation

 

Ce chercheur table sur un élargissement du mouvement de contestation qui pourrait s'étendre hors de Bamako et mobiliser d'autres acteurs.

Il a expliqué, à ce titre, que les partis politiques maliens "ne peuvent pas réussir seuls à mobiliser les gens dans la rue", estimant que si les militaires sont, actuellement, au pouvoir c'est parce que "les acteurs politiques ont été complaisants avec eux, ou qui les ont soutenus et accompagnés".

"Ce sont surtout les acteurs de la société civile aujourd'hui qui sont au-devant de la scène", a-t-il fait remarquer.

Réunis au sein d'un collectif, des acteurs de la société civile malienne, des responsables politiques, journalistes, intellectuels, syndicats et citoyens engagés ont réitéré, dimanche, dans un manifeste lu lors d'une rencontre à la Maison de la presse de la capitale, leur "attachement profond aux valeurs démocratiques et républicaines".

Dans leur manifeste, ces Maliens ont lancé "un appel solennel pour le respect de la démocratie, du pluralisme politique, des droits fondamentaux et pour un retour effectif à l'ordre constitutionnel".

Rejetant les propositions formulées à l'issue d'une récente consultation encadrée par les putschistes au pouvoir, parmi lesquelles figurent la dissolution des partis politiques et l'octroi d'un mandat présidentiel de cinq ans sans élections au président de la transition, le général Assimi Goïta, les Maliens ont insisté sur 'importance d'"organiser des élections transparentes, inclusives et apaisées", de "respecter le pluralisme politique et la libre participation des forces sociales et politiques" qu'ils considèrent comme "condition essentielle de la légitimité démocratique".

Le président d'honneur de l'ADP-Maliba et ancien candidat à l'élection présidentielle de 2018, Aliou Boubacar Diallo, a dénoncé, de son côté, une "véritable forfaiture" et une "violation flagrante" de la Constitution adoptée par référendum en juillet 2023.

Il a insisté sur la nécessité de préserver le multipartisme, "acquis au prix fort en 1991", ainsi que le principe de l'élection présidentielle au suffrage universel direct.      

Il y a une semaine, des jeunes issus de la classe politique et de la société civile maliennes ont publié un manifeste appelant la jeunesse à se mobiliser contre la possible dissolution des formations politiques par le pouvoir.

"Nous voulons réaffirmer notre attachement à la pluralité politique, à la démocratie, à la liberté d'expression et au jeu démocratique comme il doit se faire au Mali", a déclaré à la presse Hamidou Doumbia, l'un des jeunes signataires du manifeste.

Pour se faire entendre, ces jeunes maliens comptent se mobiliser du nord au sud et de l'est à l'ouest du Mali, non seulement pour défendre le multipartisme, mais aussi pour appeler au retour à l'ordre constitutionnel dans le pays.

Toutefois, Oumar Berté met en garde contre le risque "élevé" de répression.

"Il n'est pas à exclure que les autorités de transition utilisent la force ou la justice pour réprimer ces contestations et faire peur aussi à ceux qui seraient tentés de s'y rallier. Donc ce risque est très élevé aujourd'hui, ce qui fait qu'on court également le risque d'une radicalisation des deux côtés", a-t-il ajouté.