Marché automobile algérien : Le grand paradoxe d’un premier semestre 2025 à l’arrêt

Le constat est sans appel et d’une rare sévérité : le premier semestre 2025 s’est soldé par un « semestre blanc » pour le secteur automobile en Algérie. Selon les données consolidées du secteur, aucune voiture n’a été importée par les canaux officiels des concessionnaires agréés par le ministère de l’Industrie. Cette situation, qui prolonge une crise […]

Juil 2, 2025 - 21:30
 0
Marché automobile algérien : Le grand paradoxe d’un premier semestre 2025 à l’arrêt

Le constat est sans appel et d’une rare sévérité : le premier semestre 2025 s’est soldé par un « semestre blanc » pour le secteur automobile en Algérie.

Selon les données consolidées du secteur, aucune voiture n’a été importée par les canaux officiels des concessionnaires agréés par le ministère de l’Industrie. Cette situation, qui prolonge une crise de l’offre installée depuis plusieurs années, crée un paradoxe économique et social majeur : un marché assoiffé face à un robinet institutionnel complètement fermé.

Le vide officiel, aubaine du marché parallèle

Cette abstinence forcée du circuit légal a créé un appel d’air monumental, immédiatement comblé par un écosystème informel florissant. Sur le terrain, on assiste à une prolifération sans précédent de showrooms multi-marques et d’intermédiaires qui opèrent via des importations de gré à gré, principalement depuis la Chine.

Ces acteurs, agissant en dehors du cahier des charges imposé aux concessionnaires officiels, dictent leurs propres règles. La conséquence directe est une flambée vertigineuse des prix, déconnectée de toute logique de marché régulé.

Les véhicules proposés atteignent des tarifs exorbitants, alimentant une bulle spéculative qui pénalise lourdement le consommateur et l’entreprise en quête de renouvellement de sa flotte.

Fiat : l’illustration criante d’une demande insatisfaite

L’entrée en production de l’usine Fiat à Oran, bien que saluée comme une première étape vers la renaissance industrielle, met cruellement en lumière l’ampleur du déficit. Le lancement du Fiat Doblo Panorama, en versions utilitaire et particulière, a suscité un engouement spectaculaire.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus de 160 000 inscriptions ont été enregistrées pour le seul modèle destiné aux particuliers, alors que la capacité de production annuelle des deux versions du Doblo peine à atteindre les 50 000 unités.

Il devient évident que Fiat Algérie, seule marque à assembler actuellement des véhicules de tourisme dans le pays, ne peut en aucun cas répondre à la demande nationale.

Les estimations les plus prudentes évaluent les besoins du marché algérien à plus de 1,5 million de nouveaux véhicules pour rattraper le retard accumulé et satisfaire la demande courante. L’offre actuelle n’est donc qu’une goutte d’eau dans un océan de besoins.

Le pari de l’industrialisation, entre annonces et incertitudes

Face à cette crise structurelle, le gouvernement maintient son cap sur une politique de substitution aux importations par la production locale.

Les annonces se multiplient, esquissant les contours d’un futur pôle industriel. Des projets d’usines pour les marques chinoises Jetour, Sokon et BAIC, ainsi que pour le géant coréen Hyundai et le constructeur de véhicules utilitaires Tirsam, sont sur la table.

Le groupe Stellantis envisage même d’élargir sa gamme à Oran, avec la possible production de l’Opel Corsa ou d’un modèle Alfa Romeo, visant à diversifier l’offre « made in Algeria ».

Cependant, ce volontarisme industriel se heurte à des délais et des obstacles concrets. Des acteurs historiques comme Renault attendent toujours leur agrément pour relancer leur activité industrielle à Oued Tlelat.

L’ancienne usine Kia à Batna pourrait, selon des sources proches du dossier, voir sortir son premier modèle Jetour, mais pas avant 2026. Quant au retour de Hyundai, il se ferait en collaboration avec un groupe omanais, une configuration nouvelle dont les détails restent à préciser.

Le premier semestre 2025 a été le théâtre d’une tension extrême entre une politique économique restrictive sur les importations et une réalité de marché explosive.

Si la stratégie de développement d’un écosystème industriel local est une ambition légitime à long terme, sa lente mise en œuvre laisse, à court et moyen terme, le champ libre à la spéculation et à la frustration.

Le second semestre sera déterminant : le gouvernement maintiendra-t-il le gel total des importations, au risque d’asphyxier davantage le marché, ou procédera-t-il à un ajustement pragmatique pour soulager une demande qui ne peut plus attendre ? La réponse à cette question façonnera l’avenir immédiat de tout un pan de l’économie algérienne.