Plan Marshall 2.0 

Par Sid-Ali Mokhefi – Ce que beaucoup présentent comme une série de crises déconnectées relève en réalité d’une même stratégie systémique. Une nouvelle phase du capitalisme armé est lancée. L’article Plan Marshall 2.0  est apparu en premier sur Algérie Patriotique.

Juin 22, 2025 - 10:16
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Plan Marshall 2.0 

Par Sid-Ali Mokhefi – Ce que beaucoup présentent comme une série de crises déconnectées (Ukraine, Gaza, Iran) relève en réalité d’une même stratégie systémique : celle d’une reconquête mondiale par le feu, le dollar et la peur. Une nouvelle phase du capitalisme armé est lancée, qu’on pourrait nommer sans exagération «Plan Marshall 2.0».

En 2022, la guerre Russie-Ukraine n’est pas simplement une confrontation territoriale. Elle marque une rupture géostratégique majeure : la déconnexion brutale entre l’Europe et la Russie, l’un de ses principaux fournisseurs en énergie, céréales, engrais et métaux rares. Cette séparation n’est pas un effet collatéral, mais un objectif stratégique américain. En isolant Moscou, Washington force l’Europe à se réaligner énergétiquement, militairement et économiquement sur les Etats-Unis.

Les conséquences sont immédiates : explosion des prix de l’énergie en Europe, désindustrialisation partielle, dépendance renforcée aux hydrocarbures américains (GNL), et retour de l’OTAN comme pilier central de la sécurité européenne. L’Ukraine devient alors le laboratoire d’une guerre hybride longue : militaire sur le terrain, économique dans les sanctions, psychologique dans les médias.

Octobre 2023. Israël relance l’offensive contre Gaza. Ce n’est pas qu’une guerre «punitive», c’est un signal envoyé à toute la région. Gaza est géographiquement minuscule mais politiquement explosive. Elle se trouve à l’embouchure d’un projet plus large, la sécurisation du flanc oriental du canal de Suez et la mise au pas des routes alternatives, notamment celle que pourraient constituer les corridors iranien ou qatari.

En neutralisant Gaza, en menaçant le Liban, en harcelant la Syrie et en encerclant l’Iran, l’axe Etats-Unis-Israël-Arabie Saoudite verrouille les routes énergétiques futures. Les accords d’Abraham ne sont que la vitrine. En réalité, il s’agit d’empêcher toute coalition souverainiste ou eurasiatique de structurer un hub énergétique alternatif. Gaza devient ainsi une ligne de front de la géo-économie mondiale.

L’Iran dérange. Pas seulement pour ses missiles ou son programme nucléaire, mais parce qu’il incarne un modèle énergétique autonome hors du dollar. Ses alliances avec la Russie, la Chine et certains acteurs africains en font un nœud de résistance.

L’objectif américain n’est pas la paix, mais l’asphyxie, par les sanctions, les cyberattaques, les encerclements militaires. L’Iran, avec ses ports du golfe d’Oman et sa capacité à perturber le détroit d’Ormuz, est une menace directe à l’ordre pétrodollarien. Le «Plan Marshall 2.0» vise donc à le contenir, voire à le fragmenter de l’intérieur, en réactivant les clivages ethniques, religieux et sociaux.

Des sources indiquent que les frappes américaines ciblées sur l’Iran, notamment sur ses trois sites nucléaires, ne viseraient pas à déclencher une guerre totale, plutôt à provoquer un effet de panique maîtrisée sur les marchés mondiaux, forçant le monde à se recaler sur le dollar comme valeur refuge.

La reconquête du monde ne passe plus par la diplomatie ou le soft power, mais par la guerre économique et le contrôle des flux. Dans cette logique, l’arme la plus puissante n’est plus le char, mais le dollar. Chaque crise est une opportunité : les Etats-Unis vendent du gaz, des armes, du blé, de la sécurité. Mais à une condition : rester dans le système dollar.

Toute tentative de sortie (BRICS, yuan, troc bilatéral) est perçue comme un acte de guerre. Le chaos mondial actuel est donc artificiel, planifié pour maintenir le cœur du système : la suprématie monétaire américaine. Le «Plan Marshall 2.0» n’est pas une aide à la reconstruction, c’est une reconquête planétaire par la dépendance.

L’Afrique, comme toujours, est le terrain. Pas l’acteur. Ses ressources sont pillées, ses élites divisées, ses peuples déplacés. L’Algérie, pivot stratégique du nord du continent, tente de résister, mais se trouve encerclée par des jeux d’influence où le Maroc, Israël, les Emirats et les Etats-Unis tissent une toile d’encerclement. Le silence sur l’Afrique dans les grands discours n’est pas un oubli. C’est une stratégie : plus on tait l’Afrique, plus on la pille.

Ce que nous vivons n’est pas un enchaînement de crises isolées, mais un plan qui consiste à militariser l’économie, terroriser les peuples, réimposer le dollar. Le «Plan Marshall 2.0» n’est pas une reconstruction, c’est une colonisation silencieuse, maquillée en stabilisation. Mais, cette fois, le monde entier est concerné. Et l’Afrique doit décider : continuer à subir ou enfin choisir.

S.-A. M.

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