Revalorisation du droit au change : enfants moins de 12 ans exclus, limite à 2 mineurs par famille !

Très attendue, la revalorisation de l’allocation touristique s’est faite au détriment des centaines de milliers de familles nombreuses ou avec enfants de moins de 12 ans… exclus du droit au change. A contrecourant de la stratégie de digitalisation de l’administration, portée par le président Tebboune, la Banque d’Algérie a mis en place une procédure pleine […]

Juil 18, 2025 - 18:12
 0
Revalorisation du droit au change : enfants moins de 12 ans exclus, limite à 2 mineurs par famille !

Très attendue, la revalorisation de l’allocation touristique s’est faite au détriment des centaines de milliers de familles nombreuses ou avec enfants de moins de 12 ans… exclus du droit au change. A contrecourant de la stratégie de digitalisation de l’administration, portée par le président Tebboune, la Banque d’Algérie a mis en place une procédure pleine d’embûches et de paperasses.

Les familles avec des enfants de moins de 12 ans, ou avec plus de deux mineurs âgés entre 12 et 19 ans, sont les grandes perdantes de l’arbitrage politique ayant abouti à la nouvelle instruction de la Banque d’Algérie, fixant les conditions d’accès au droit au change pour voyages à l’étranger. Ce dispositif entrera en vigueur ce dimanche 20 juillet pour des départs à partir du 23 juillet 2025.
Après plus de 7 mois d’attente, la Banque d’Algérie a fini par «libérer» le dispositif permettant la revalorisation de l’allocation touristique, après 28 ans d’octroi d’un ridicule pécule égalant jusqu’alors 100 euros par an ! Mais, oh surprise, elle a décidé que les enfants de moins de 12 ans soient désormais exclus du bénéfice du droit au change, une régression nette par rapport à l’ancienne réglementation datant de 1997. En effet, l’ancienne instruction 08-97 accordait, selon son article 2, la moitié du montant annuel aux «enfants de moins de 15 ans», et sans aucune restriction sur leur nombre par famille.
En revanche, la nouvelle instruction du 17 juillet 2025, qui exécute la décision du président de la République annoncée en décembre 2024, fixe le montant annuel à 750 euros pour les majeurs (plus de 19 ans), et à 300 euros uniquement aux enfants âgés de 12 à 19 ans, et avec une limitation à deux mineurs par famille.
Autre restriction notable : les voyages urgents ou décidés à la dernière minute pour des séjours à l’étranger inférieurs à 7 jours sont exclus du bénéfice de l’allocation. L’article 3 exige en effet que «la durée de séjour [soit] égale ou supérieure à sept (7) jours». L’article 4, quant à lui, impose que la demande soit introduite «au plus tard, trois (3) jours ouvrés avant la date du voyage», auprès des succursales de la Banque d’Algérie (il n’en existe qu’une par wilaya) ou des agences bancaires, sur présentation d’un dossier complet. En pratique, un dépôt en fin de semaine, un jeudi, implique, à cause du week-end, un délai réel de cinq jours pour obtenir les devises à l’aéroport.
Dans le détail, la procédure se déroule donc en deux temps, espacés obligatoirement de trois jours ouvrés minimum.
Première étape : un dossier papier doit être déposé auprès d’une succursale de la Banque d’Algérie ou, en théorie, auprès d’une banque commerciale. Il doit inclure un titre de transport aller-retour ou une quittance fiscale de voyage terrestre, le justificatif de paiement de la taxe carburant, un passeport en cours de validité, une copie de la première page du passeport, une copie du visa (si requis). Si le dossier est accepté, une quittance est remise au postulant, attestant du versement en dinars de la contrevaleur de l’allocation. Attention : si on prend à la lettre ces exigences, les étudiants et futurs émigrants présentant un billet aller simple sont exclus du bénéfice de ce droit.
Seconde étape : aux frontières, et exclusivement aux guichets de la Banque d’Algérie, le postulant doit présenter le reçu du versement de la contrevaleur en dinars, le passeport et la carte d’embarquement. Il doit ensuite prendre son mal en patience, en fonction de l’influence, et après une dernière vérification, les devises sont remises, et en espèces uniquement.
À la première étape, en cas de demande pour un conjoint ou un enfant, une fiche familiale délivrée par la commune est exigée «pour justifier le lien de parenté». Cela implique un détour préalable par le service d’état civil de la mairie. La Banque d’Algérie n’a pas fait dans la facilité : elle aurait pu, à la place, se contenter du livret de famille, document déjà largement utilisé et reconnu dans les démarches administratives.
La nouvelle instruction limite également le bénéfice de cette allocation à une seule fois tous les douze mois glissants. L’article 6 impose de vérifier que le demandeur «n’a pas bénéficié d’un droit de change durant les douze (12) derniers mois» de l’année de référence — qui démarre à compter de la date d’effet de l’instruction. En clair : une allocation perçue en juillet 2025 n’ouvre pas droit à la suivante avant juillet 2026, même pour un départ en janvier 2026.
En outre, l’article 6 précise que le taux applicable est celui du change manuel (et non commercial) en vigueur le jour de l’opération. Avec un taux autour de 160 dinars pour un euro, cela revient à engager, entre contrevaleur et commission de change, environ 120 000 DA pour 750 euros, et 48 000 DA pour 300 euros. À titre de comparaison, au marché parallèle (taux du jour : 265 dinars/euro), ces montants s’élèvent à 198 750 DA pour 750 euros et 79 500 DA pour 300 euros.
Une famille de quatre bénéficiaires maximums, composée d’un couple et de deux enfants âgés de 12 à 19 ans, peut ainsi bénéficier de 2 100 euros au taux officiel — soit 2 × 750 € + 2 × 300 € — contre une contrevaleur de 336 000 DA à la banque, au lieu de débourser 556 500 DA sur le marché noir, soit une économie de 220 500 dinars.
Un spécialiste interrogé estime que si cette énorme différence de change et la volonté de limiter au maximum «la saignée» plus rapide des réserves de change expliquent en partie la complexité de la procédure, elles ne justifient pas pour autant la non-digitalisation du dispositif, le recours exclusif aux espèces, l’exclusion des enfants de moins de 12 ans, la limitation à deux enfants bénéficiaires (de 12 à 19 ans) par famille, ni l’exclusion des bureaux de change aux niveaux des frontières — y compris ceux des banques commerciales. Le délai minimum de trois jours ouvrés entre le dépôt du dossier et la récupération des devises n’est pas explicable non plus.
Ce même expert propose que la Banque d’Algérie aurait pu anticiper et digitaliser le parcours avec la collaboration des services du ministère de l’Intérieur (pour accéder à la base des passeports), de la DGSN (pour avoir une trace de la sortie et retour du voyageur, sans chercher les tampons sur le passeport), de l’administration fiscale (taxes spécifiques aux voyages terrestres). Grâce à une plateforme sécurisée, le demandeur aurait pu saisir, à partir de son smartphone, son Identifiant national (unique et à vie), accéder à une page préremplie, téléverser ses documents et régler la contrevaleur en dinars soit par carte bancaire, soit — grâce à une interconnexion en temps réel avec le système bancaire — par virement bancaire instantané depuis son compte bancaire ou CCP.
«On pourrait pousser jusqu’à intégrer les compagnies aériennes et maritimes au dispositif, explique-t-il. Le demandeur renseignerait dans une case le numéro de billet, pour que le système vérifie et enregistre automatiquement les éléments requis par l’instruction : nom, date, destination, durée, retour…»
Autre piste : les banques commerciales, ou les bureaux de change, pourraient distribuer des cartes prépayées internationales, remplaçant les espèces selon les destinations, tout en assurant une meilleure traçabilité des paiements (pays, date, lieu, montant), en réduisant la fraude, les files d’attente… et les risques de scènes ubuesques.
Une telle réforme, conclut-il, «aurait permis à la Banque d’Algérie de se recentrer sur ses véritables missions de régulation, plutôt que de transformer ses guichets en comptoirs volants, alignés sur les trottoirs du tarmac».
Et si l’image prête à sourire, le risque, lui, est bien réel : en période de grands départs — été, omra, vacances scolaires —, ce dispositif pourrait offrir au monde le spectacle désolant de files interminables, de familles déboussolées, de retards en cascade, voire d’altercations aux portes d’embarquement. Soit un condensé de désorganisation, exposé en direct, au moment même où l’Algérie cherche à redorer son image.

Par Larbi Ghazala