Arrestation

La stupeur dans laquelle le peuple turc était englué durant plus de deux décennies se dissipe de plus en plus nettement, alors que les actions totalitaires du gouvernement ne passent plus et que les protestations se multiplient pour dénoncer l’autoritarisme de leurs dirigeants. Malgré tout, les autorités turques n’ont pas plié, Recep Tayyip Erdogan ayant, […]

Août 8, 2025 - 20:55
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Arrestation

La stupeur dans laquelle le peuple turc était englué durant plus de deux décennies se dissipe de plus en plus nettement, alors que les actions totalitaires du gouvernement ne passent plus et que les protestations se multiplient pour dénoncer l’autoritarisme de leurs dirigeants. Malgré tout, les autorités turques n’ont pas plié, Recep Tayyip Erdogan ayant, au fil des vingt-cinq ans passés à la tête de l’État, sécurisé ses appuis sur l’ensemble des institutions gouvernementales et le maire d’Istanbul, condamné il y a quelques semaines à vingt mois de prison, a fait les frais de la toute-puissance actuelle du président turc. Inquiets toutefois de voir une partie de la population prête à la mobilisation, les autorités incarcèrent ceux qui osent élever la voix pour dénoncer le régime. Un militant turc, délégué jeune du Congrès du Conseil de l’Europe devant lequel il avait dénoncé un «recul démocratique» en Turquie, a été arrêté mardi à son arrivée à l’aéroport d’Ankara, ont annoncé mercredi le Conseil de l’Europe et son avocat. «Enes (Hocaogullari) a été arrêté. Il se trouve actuellement à la prison de Sincan, près de la capitale Ankara», a déclaré son avocat, Mahmut Seren, dénonçant une «arrestation politique». Selon l’avocat, le militant, âgé de 23 ans, était sous le coup d’un mandat d’arrêt à la suite d’une enquête ouverte par la justice turque après son intervention fin mars devant le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, un organe du Conseil de l’Europe basé à Strasbourg (France). Le jeune homme, très impliqué dans la défense des droits humains, avait dénoncé un «recul démocratique» en Turquie, après l’arrestation quelques jours auparavant du maire d’opposition d’Istanbul, Ekrem Imamoglu. Il avait en outre accusé la police turque de «violations des droits humains» et de «brutalité disproportionnée» à l’égard des manifestants descendus dans les rues du pays. «L’arrestation et les poursuites en question, fondées sur des mots prononcés par un délégué jeune du Congrès lors d’une de ses séances plénières, bafouent le droit fondamental à la liberté d’expression», a dénoncé dans un communiqué Marc Cools, le président du Congrès du Conseil de l’Europe, exhortant la justice turque à lever les poursuites visant Enes Hocaogullari et à le «libérer immédiatement». Enes Hocaogullari est poursuivi pour diffusion de fausses informations et incitation à la haine. «Il n’y avait absolument rien d’outrageux dans ce qu’il disait», a commenté Mathieu Mori, le secrétaire général du Congrès du Conseil de l’Europe. Mais le jeune homme «a posté son intervention sur les réseaux sociaux, c’est devenu viral, il y a eu plusieurs millions de vues». Chargé de renforcer la démocratie locale, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux compte 306 membres représentant plus de 130 000 collectivités locales et régionales des 46 États membres du Conseil de l’Europe. Chaque pays envoie aussi à Strasbourg un délégué chargé de représenter les jeunes pour un mandat d’un an. En décidant d’emprisonner une fois encore une voix dissonante, le pouvoir turc prouve clairement qu’il est décidé à évincer tout obstacle sur son passage jusqu’à la prochaine élection présidentielle, à laquelle Erdogan ne devrait, selon la Constitution turque, pas pouvoir participer. Mais rien n’arrêtant le parti au pouvoir, beaucoup anticipent d’ores et déjà une prochaine modification des textes pour permettre au président turc, qui pour le moment assure ne pas briguer un troisième mandat, de s’éterniser à la tête d’un pays fatigué par plus de vingt ans d’un règne sans partage. Reste à voir si le sursaut des Turcs en mars dernier est annonciateur d’une volonté de se rebeller sérieusement contre ses gouvernants autocrates, ou si comme auparavant ils laisseront Erdogan et son parti tirer une fois encore les ficelles pour garder coûte que coûte le contrôle du pays.

F. M.