Ce que cachent les mots (CQCM) Les grands-parents du Nord et les grands-parents du Sud…

Par Ahmed Gasmia Donnez-moi un mot dans votre langue et je vous dirai si vos ancêtres vivaient une vie heureuse ou pas…Oui, c’est prétentieux et exagéré, je vous l’accorde. Mais pas totalement faux. Dans une langue, il y a des mots, en particulier, qui peuvent nous donner des indices sur la façon dont vivaient les […]

Juin 16, 2025 - 21:42
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Ce que cachent les mots (CQCM) Les grands-parents du Nord et les grands-parents du Sud…
Par Ahmed Gasmia
Donnez-moi un mot dans votre langue et je vous dirai si vos ancêtres vivaient une vie heureuse ou pas…Oui, c’est prétentieux et exagéré, je vous l’accorde. Mais pas totalement faux. Dans une langue, il y a des mots, en particulier, qui peuvent nous donner des indices sur la façon dont vivaient les anciens, exactement comme les artefacts que découvrent les archéologues au fil de leurs recherches. Des mots magiques et précieux et qui ont une mémoire… ok, j’arrête. Allons au vif du sujet. Il n’y a pas longtemps, j’ai remarqué quelque chose que je considère comme réellement magique. Là, je n’exagère pas. J’ai remarqué que dans certaines langues, surtout celles des pays du Nord (scandinaves ou autres), les mots utilisés pour désigner les grands-parents sont des mots composés, un peu comme…. «grands-parents», exactement…j’allais le dire. Bref, pensez aux mots «grand-père» et «grand-mère». Dans les langues du Nord, ces noms sont des mots composés, quels que soient les termes utilisés, ce qui n’est paradoxalement pas le cas des langues du Sud qui, elles, n’utilisent qu’un seul mot, à la fois, pour parler de chacun des deux aïeuls. Et cette différence entre les grands-parents du Nord et ceux du Sud ne semble pas être liée aux familles… linguistes. En plus, au Nord, on a intérêt à utiliser des mots courts pour ne pas ouvrir la bouche trop longtemps à cause du froid. Une fois n’est pas coutume, avant de vous donner des exemples, je vais sauter directement à la conclusion. C’est plutôt une hypothèse, restons modestes. Mon hypothèse est que cette différence est liée au fait que les gens du Sud vivaient mieux et plus longtemps (meilleur climat, plus de nourriture, etc.). Les grands-parents qui vivaient donc un peu plus longtemps, faisaient partie du tissu familial de manière plus visible et plus durable. Et il y en avait beaucoup. Et parce qu’ils n’étaient pas rares, on donnait aux grands-parents des noms simples, comme «Abuelo» pour «grand-père» en espagnol et «Nonno» en italien (tiens, je viens de donner des exemples). Dans les pays où on suppose que l’on vivait moins longtemps, il fallait inventer des mots (composés) pour désigner ces personnes âgées, plutôt rares à la longévité «exceptionnelle». Je pense à «Grandmother» en anglais et à «Großmutter» en allemand (prononcez grouss-moutter, à peu près). Là où on devait vivre moins longtemps, on utilisait des termes du genre «papa du papa», «grande maman» ou encore «grand-père», chacun dans sa langue, évidemment. Je précise, au passage, que les mots composés désignent, en général, des choses nouvelles ou rares, comme, à une époque, la pomme de terre… A un moment de l’histoire, elle était inconnue en dehors des Amériques, et lorsqu’elle est arrivée en Europe, certains lui trouvaient une certaine ressemblance avec la pomme. C’était une sorte de pomme mais qui ne poussait pas sur les arbres. Une pomme… de terre. A quelle époque tout cela s’est-il passé ? Eh bien… il y a longtemps. Mais n’oubliez pas que les grandes civilisations ont commencé au
Sud ; en Orient, en Afrique du Nord, en Asie, en Europe du Sud… et c’est là qu’on était censé avoir un peu plus de confort et où on pouvait espérer vivre longtemps. J’en profite pour lancer un appel aux linguistes, les vrais, pas les amateurs comme moi, pour nous éclairer davantage sur le sujet. Et maintenant, comme tout le monde l’attendait, des exemples dans quelques langues du Nord et du Sud. En norvégien, grand-mère donne «Mormor» et grand-père «Farfar» alors que la mère est appelée «Mor» et le père «Far». (On prononce «maman» deux fois et hop on a une mamie). Même chose pour le suédois où on retrouve exactement les mêmes mots. En danois, on dit «bedstemor» pour grand-mère et «bedstefar» pour grand-père. Là encore «mor» et «far» désignent la mère et le père. On retrouve le même principe en finnois (Grand-mère : isoäiti/ mère:äiti/Grand-père: isoisä/ père: isä) et en irlandais (Grand-mère: seanmháthair/mère : mháthair/ Grand-père : seanathair/ père : athair). Et maintenant, les langues du Sud. A côté de l’espagnol et de l’italien dont on a vu des exemples, il y a le portugais (grand-mère: avó/ mère : mãe/ et grand-père : avô/ père : pai ) et le grec (phonétiquement : Grand-mère : Giagiá/ mère : mitera/ Grand-père : Pappous/ père : patéras). Même chose pour le roumain, une langue issue du latin (Grand-mère : Bunica / mère : mam?/ Grand-
père : Bunicul/ père : tat?). On arrête là pour réfléchir… Demeure cependant une exception au Sud. Il s’agit de la langue perse qui utilise des mots composés pour les grands-parents. Pourtant, on vivait bien sous l’empire perse. Bon, il faut bien qu’il y ait une exception, sinon ce ne serait pas une règle. En islandais, pays situé très loin au nord, on n’utilise pas de mots composés pour les grands-parents contrairement aux pays voisins. Un partout. Quelle leçon peut-on tirer de tout cela. Eh bien, à part le fait que je me mêle de ce qui ne me regarde pas, nous pouvons conclure que les mots nous racontent des histoires et que dans nos langues, il y a des indices. Il est possible que mon hypothèse soit erronée, mais le plus important c’est le raisonnement. Parfois les questions que nous posons sont plus importantes que les réponses. N’est-ce pas ? En attendant le prochain CQCM, prenons soin de nos aînés et faisons attention aux mots.
     A. G.