Ce qu’on ignore sur le Front Polisario ou la vérité juridique qui effraie le Maroc
Une contribution d’Abida Mohamed Buzeid(*) – Certains médias, remarquablement proches des cercles diplomatiques marocains, ont récemment évoqué une prétendue «initiative... L’article Ce qu’on ignore sur le Front Polisario ou la vérité juridique qui effraie le Maroc est apparu en premier sur Algérie Patriotique.

Une contribution d’Abida Mohamed Buzeid(*) – Certains médias, remarquablement proches des cercles diplomatiques marocains, ont récemment évoqué une prétendue «initiative trilatérale» entre Washington, Paris et Rabat visant à classer le Front Polisario comme organisation terroriste. Les sources sont vagues. Les intentions sont obscures. Mais le récit est clair : délégitimer un mouvement de libération nationale en réécrivant les faits, et espérer que le monde oublie ce qui est déjà inscrit dans la loi.
Mais voici ce qui n’est pas rapporté ; ce qui est inconnu, ou pire, délibérément ignoré.
En 2015, un événement d’une importance juridique capitale s’est produit : le Front Polisario a été officiellement reconnu comme partie adhérant aux Conventions de Genève de 1949. Il ne s’agit pas d’un détail de relations publiques. C’est un acte juridique. Cela signifie que le Polisario, en tant que représentant du peuple sahraoui, a été accepté dans le cadre du droit international humanitaire, non pas comme une «milice», ni comme un «groupe», mais comme un Mouvement de libération nationale, une catégorie spécifiquement définie et protégée par les Conventions de Genève et leur Protocole additionnel (l) [du 12 août 1949, relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux, du 8 juin 1977, ndlr].
Ce statut n’est pas symbolique. Il repose sur l’existence d’une occupation étrangère, en l’occurrence le contrôle militaire illégal et continu du Maroc sur certaines parties du Sahara Occidental. Sans la réalité de l’occupation, il n’existerait aucune voie légale permettant au Polisario d’obtenir une telle reconnaissance au titre de l’article 96(3) du Protocole I. La logique juridique est inébranlable : le statut du Polisario présuppose le rôle du Maroc en tant que puissance occupante.
C’est le problème juridique qui fâche. Un problème que Rabat tente de camoufler par des slogans, des poignées de main diplomatiques et des points de presse.
Le Maroc ne peut prétendre être impliqué dans un conflit concernant des provinces et nier simultanément les conséquences juridiques d’être qualifié, selon les termes des Conventions de Genève, de «puissance occupante». L’acceptation du Polisario dans le cadre de Genève, implicitement et explicitement, affirme que le Sahara Occidental est sous occupation étrangère. C’est la raison fondamentale pour laquelle le Front Polisario peut être partie aux Conventions.
C’est là que la situation devient encore plus inconfortable pour ceux qui véhiculent le discours terroriste.
Les Etats-Unis, la France et, oui, même le Maroc, sont signataires et ratificateurs des Conventions de Genève. Ils se sont juridiquement engagés à respecter ces instruments, à les appliquer dans tous les conflits internationaux et à reconnaître l’identité juridique de ceux qu’elles protègent. Les Etats-Unis ont ratifié les Conventions en 1955. La France l’a fait même avant. Le Maroc, Etat partie depuis son indépendance, a accepté ces obligations et ne peut les invalider de manière sélective pour s’adapter à un agenda politique actuel.
Si Washington, Paris ou Rabat qualifiaient désormais le Polisario d’organisation terroriste, ils s’engageraient directement dans un paradoxe juridique : tenter de criminaliser un acteur qu’ils ont déjà reconnu, par le droit des traités, comme partie légitime à un conflit international. Ce serait non seulement illégal, mais aussi absurde.
Il ne s’agit pas de rhétorique. Il s’agit de droit des traités. De l’article 1 commun aux Conventions de Genève, qui oblige les Etats à les respecter et à les faire respecter en toutes circonstances. Il s’agit de la primauté des traités ratifiés dans le droit constitutionnel américain (article VI) et du principe de non-contradiction dans l’interprétation du droit international. Aucune manœuvre politique, aucun communiqué conjoint, aucune spéculation de groupe de réflexion ne peut inverser cette tendance.
Alors, pourquoi cette réalité est-elle absente des gros titres ?
Parce que la vérité est source d’informations gênantes. Parce que la reconnaître impose une confrontation directe avec la vérité juridique fondamentale que le Maroc craint le plus : sa présence au Sahara Occidental n’est ni une administration ni une souveraineté, mais une occupation. Et avec l’occupation vient la légitimité de la résistance.
C’est ce que le gouvernement marocain ne peut expliquer à son propre peuple. Que ses décennies de lobbying diplomatique et de coûteuses campagnes de relations publiques soient finalement mises en balance avec un document irréfutable : les Conventions de Genève. Il en va de même pour Paris et Washington, deux gouvernements incapables d’invoquer l’Etat de droit en Ukraine ou à Gaza, tout en le jetant par la fenêtre à Laâyoune.
La tentative de qualifier le Polisario d’organisation terroriste est plus qu’un simple spectacle politique ; c’est une amnésie juridique. Mais le droit international ne s’oublie pas si facilement. Il est consigné, signé, ratifié et toujours contraignant.
La véritable histoire n’est pas celle que certains médias tentent de divulguer. La véritable histoire est celle qu’ils refusent de raconter. Mais il n’est pas trop tard pour s’en souvenir.
A. M.-B.
(*) Ancienne diplomate sahraouie
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