Collège historique laissé à l’abandon à Sétif : Allem Mansour, témoin d’un patrimoine en péril
Pour la deuxième année consécutive, les portes du célèbre Collège d’Enseignement Moyen (CEM) Allem Mansour, communément appelé « Chkoulat El Marchi », restent fermées. La situation de l’établissement, qui menaçait ruine, a obligé les autorités locales à procéder à sa fermeture. La décision a été prise par le wali, Mustapha Limani, le 18 septembre 2024, […] The post Collège historique laissé à l’abandon à Sétif : Allem Mansour, témoin d’un patrimoine en péril first appeared on L'Est Républicain.

Pour la deuxième année consécutive, les portes du célèbre Collège d’Enseignement Moyen (CEM) Allem Mansour, communément appelé « Chkoulat El Marchi », restent fermées. La situation de l’établissement, qui menaçait ruine, a obligé les autorités locales à procéder à sa fermeture. La décision a été prise par le wali, Mustapha Limani, le 18 septembre 2024, à la suite d’une visite de constatation des lieux. Une mesure qui, le moins que l’on puisse dire, a soulagé aussi bien les parents et les élèves que le personnel du collège. Afin de parer au plus pressé et de ne pas perturber la scolarité des collégiens, ces derniers ont été transférés à l’école primaire des frères Berchi, située à quelques encablures. Faisant peau neuve après plus de dix ans de travaux, de tergiversations et de dépenses onéreuses, l’établissement a changé de vocation, au grand dam des petits enfants de l’école Amardjia Abbes, mitoyenne des frères Berchi, contraints de poursuivre leurs cours dans des conditions difficiles, leur propre école, dont la construction avait été décidée le 2 juin 1851, n’étant plus fonctionnelle. Une année après, la situation n’a pas évolué d’un iota. Le collège « sinistré » n’a fait l’objet d’aucune rénovation, et ses anciens « locataires » vont devoir, pour un bail encore indéterminé, occuper les locaux d’une école primaire, obligeant les bambins d’Amardjia Abbes – une structure vieille de plus de 170 ans – à prendre leur mal en patience. « C’est avec un grand pincement au cœur que Chkoulat El Marchi a fermé ses portes, même si une telle décision tombait à point nommé. Nous étions à l’époque soulagés et contents pour nos enfants, qui allaient quitter un établissement menaçant ruine pour rejoindre une structure récemment rénovée et située à deux pas de la maison. Comme nous le redoutions, la rénovation de l’un des plus anciens et historiques établissements de Sétif va prendre encore de longues années. Rien n’indique que la restauration du collège, qui a vu passer plusieurs générations d’enfants de la ville et de la région, soit en bonne voie. Les petits écoliers d’Amardjia Abbes (ex-école Laïque) n’ont pas à payer les pots cassés de certains responsables faisant comme si de rien n’était. Ils ne peuvent indifféremment supporter la nonchalance de ces chargés de mission », confient avec amertume des riverains. Pour rappel, Allem Mansour, qui fut dans les années 1920 et 1930 une école technique spécialisée dans la formation d’ouvriers et d’artisans (plombiers, menuisiers, etc.), fait partie intégrante de l’histoire de la ville. On s’explique mal l’attitude des responsables et des élus qui, à différents niveaux, semblent se désintéresser totalement de l’entretien et de la préservation de ce patrimoine.
« Promesses évaporées »
« On ne se fait pas d’illusions, Chkoulat El Marchi ne rouvrira pas de sitôt », fulminent des habitants. Et d’ajouter : « La reconstruction du marché couvert, situé à deux pas de l’établissement, en est la parfaite illustration. La commune avait promis un nouvel espace commercial après l’incendie d’août 2022, mais rien n’a été fait. Certes, la rénovation du CEM ne relève pas directement de sa compétence, mais la municipalité n’est pas exempte de reproches », soulignent nos interlocuteurs, redoutant que l’établissement ne connaisse le même sort que le mythique collège Mohamed Khemisti. Construit en 1936, celui-ci, appelé jadis CEG, a formé plusieurs générations de cadres de l’Algérie indépendante, avant de fermer ses portes en 2012 sur recommandation du Contrôle Technique de la Construction (CTC). Ses élèves avaient alors été transférés à l’ancien Institut Technologique de l’Éducation (ITE) El Khansa, une solution provisoire qui perdure depuis plus de treize ans. Abandonné, l’établissement est devenu une décharge à ciel ouvert, malgré les multiples écrits de la presse et sollicitations de parents et d’habitants. En 2015, l’Assemblée Populaire de Wilaya (APW) avait pourtant dégagé une enveloppe de quatre millions de dinars pour la réhabilitation de ce CEM et d’autres structures. Mais faute de suivi, cette somme est restée sans effet. Plus grave encore, rares sont les responsables qui se souviennent que, transformé en camp d’internement par l’armée française en août 1957, le CEM Allem Mansour avait accueilli des milliers de Sétifiens, martyrs du premier bouclage de la ville, qui a duré quinze jours et quinze nuits d’horreur. Depuis son inscription au patrimoine communal en janvier 2023, l’établissement attend toujours sa « délivrance ». Les promesses solennelles faites devant l’ancien wali se sont rapidement évaporées, laissant place au silence et à l’oubli. « Nous avons le sentiment que la préservation de la mémoire de la ville est une question secondaire pour la municipalité de Sétif, alors même qu’elle a accepté d’inscrire le CEG dans son patrimoine. Ce bâtiment majestueux, qui a vu passer des générations entières et formé nombre de cadres de l’Algérie indépendante, ne mérite pas une telle indifférence. Au contraire, il devrait être considéré comme un témoin vivant de notre histoire collective. Sa réhabilitation et sa mise en valeur offriraient non seulement une seconde vie à l’établissement, mais permettraient aussi de créer un espace culturel, éducatif et citoyen au service des jeunes et des générations futures. Préserver ce patrimoine, c’est préserver l’âme de la ville et transmettre aux enfants de demain un héritage digne et porteur de mémoire », martèlent, non sans dépit, les habitants de la cité Tlydjène, où le provisoire a décidément la peau dure.
Kamel Beniaiche
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