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Il y a quatre ans, les États-Unis mettaient un terme total à leur occupation de l’Afghanistan, en évacuant les derniers personnels militaire et administratif encore présents dans le pays. Une présence qui datait d’exactement vingt ans, au commencement de la guerre contre les talibans, suite aux attaques du 11 septembre 2001. L’évacuation d’août 2021 reste […]

Il y a quatre ans, les États-Unis mettaient un terme total à leur occupation de l’Afghanistan, en évacuant les derniers personnels militaire et administratif encore présents dans le pays. Une présence qui datait d’exactement vingt ans, au commencement de la guerre contre les talibans, suite aux attaques du 11 septembre 2001. L’évacuation d’août 2021 reste aujourd’hui dans les mémoires comme l’une des plus chaotiques et qui s’est soldée par la mort de 13 militaires américains et des centianes de civils afghans. Aujourd’hui, toutefois, à Washington, l’on regrette certains aspects positifs de cette occupation. Donald Trump a ainsi affirmé, jeudi, son intention de remettre la main sur la base aérienne de Bagram en Afghanistan, aujourd’hui sous contrôle taliban. Le chef de l’État affirme que cette base permettrait de mieux surveiller la Chine et combattre le terrorisme. «C’est l’une des plus grandes bases militaires au monde. Nous la leur avons donnée pour rien. Nous essayons d’ailleurs de la récupérer», a confirmé le président américain lors d’une conférence de presse commune à Londres avec le Premier ministre britannique, Keir Starmer, jeudi 18 septembre. Ce n’est pas la première fois que l’actuel locataire de la Maison- Blanche exprime son intérêt pour l’aéroport militaire de Bagram, situé à un peu plus de 30 kilomètres au nord de Kaboul. En février, le sujet avait été abordé lors de la toute première réunion du cabinet de Donald Trump. Le président avait alors critiqué son prédécesseur Joe Biden, soulignant qu’il n’aurait jamais abandonné l’aéroport militaire de Bagram, qui était la plus importante base américaine de la région. Lors de son voyage officiel à Londres, c’est la première fois que Donald Trump suggère que des négociations pourraient être en cours pour rendre aux Américains ce qui, d’après lui, appartiendrait aux Américains. «Nous espérons pouvoir la reprendre car ils ont besoin de quelque chose de nous», a-t-il assuré, lors de la conférence de presse, sans préciser de quoi les Afghans avaient besoin. Si la base aérienne de Bagram intéresse tant Donald Trump, «c’est officiellement parce qu’elle se trouve non loin de sites nucléaires chinois», souligne Philip Berry, spécialiste de l’Afghanistan et de la politique étrangère américaine dans cette région au King’s College de Londres. «C’est à seulement à une heure de l’endroit où les Chinois construisent leurs armes nucléaires», a même précisé le président américain. Il ne s’agit pas d’installations à une heure de route mais plutôt à portée d’avion dans ce laps de temps. En effet, la Chine est soupçonnée d’avoir entrepris en 2024 «la plus ambitieuse modernisation de son arsenal nucléaire», ont estimé les services de renseignement américains dans un rapport publié en août 2024. Et pas n’importe où : le grand bond nucléaire en avant se déroule dans la province du Xinjiang, région frontalière avec l’Afghanistan. Depuis le départ des troupes américaines, les États-Unis n’ont plus aucune base dans cette région pour espionner les manœuvres du grand rival asiatique. «Cela représente un véritable déficit de renseignement humain. Les États-Unis le compensent en partie en s’adressant aux Européens qui, eux, ont conservé une présence physique sur place», affirme Oz Hassan, spécialiste de l’Afghanistan et de l’Asie Centrale à l’université de Warwick. Et si les annonces de Donald Trump ressemblent à des menaces voilées à l’endroit des talibans, ces derniers pourraient y voir une aubaine pour sortir leur pays du trou noir dans lequel il se trouve, y voyant là un levier de négociations pour améliorer leur situation et peut-être même se frayer un chemin vers une reconnaissance de leur régime. Car à l’heure actuelle, et après quatre années au pouvoir, seule la Russie reconnaît officiellement le gouvernement des talibans. Toutefois, il est très peu probable que ces derniers acceptent une quelconque négociation avec Washington pour laisser les Américains revenir sur leur territoire et préfèreront certainement continuer à enfoncer leur pays et le peuple qu’y s’y trouve dans la misère et le dénuement le plus total.
F. M.