Le sommet de l’impuissance
La réunion de Londres a été organisée par la Grande-Bretagne pour au moins trois raisons. Pour que les Européens s’accordent sur une alternative à la paix en Ukraine telle que l’envisage l’administration Trump, pour la proposer à cette dernière dans l’espoir de la lui faire accepter même avec des amendements, enfin pour réconcilier Volodymyr Zelensky […]
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La réunion de Londres a été organisée par la Grande-Bretagne pour au moins trois raisons. Pour que les Européens s’accordent sur une alternative à la paix en Ukraine telle que l’envisage l’administration Trump, pour la proposer à cette dernière dans l’espoir de la lui faire accepter même avec des amendements, enfin pour réconcilier Volodymyr Zelensky et Donald Trump après leur fracassante altercation dans le bureau ovale. Elle s’est tenue en Europe, certes, toutefois dans le pays qui jusque-là était considéré comme le principal allié des Etats-Unis en Europe, qui à ce titre était le moins suspect d’une volonté de rupture avec eux. Il s’agissait à la fois de renouveler le soutien à l’Ukraine et de convaincre l’administration Trump de revenir aux positions qui en cette matière étaient celles de l’administration Biden. Les organisateurs britanniques auront tout fait pour que les Américains ne s’en offusquent pas trop. Non seulement leur sommet n’a abouti à rien, pas même à un communiqué commun, mais leur chef, Keir Starmer, a qualifié ses participants pris dans leur ensemble, lors d’une conférence de presse qu’il était seul à animer, de «coalition désireuse d’apporter des garanties de paix à l’Ukraine».
C’est-à-dire d’apporter à Zelensky ce qu’il était allé chercher auprès des Américains avec le résultat que l’on sait. Pas même donc de coalition apportant sûrement les garanties en question, mais seulement de coalition disposée seulement à les apporter… pour autant que les Américains s’y associent, surmontant les sentiments négatifs que leur inspirent Zelensky. Mais si les Américains continuent malgré tout de l’entendre différemment, alors pas de problème, eux les Européens réunis à Londres retirent leur proposition. Ils ne demanderont plus rien, d’autant plus volontiers d’ailleurs que le cas échéant ils ne seront pas en contradiction avec eux-mêmes, vu qu’ils n’avaient pas déclaré qu’ils allaient garantir la paix, mais qu’ils voulaient seulement la garantir. A l’évidence, cette nuance subtile n’a guère été saisie par Zelensky, qui de retour à Kiev a fait savoir que la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine étaient plus que jamais hors de cause, que les Européens sinon les Américains venaient de lui en donner l’assurance. Voilà un premier malentendu qu’il faudrait lever avant que Trump ne s’en formalise irrémédiablement. Ce n’est pas ce qui a été convenu à Londres. Ce sont là des propos que ne peut encore tenir que quelqu’un qui n’a plus rien à perdre, quelqu’un de déjà indésirable à la Maison-Blanche, à moins qu’il ne se rattrape et ne s’empresse de présenter ses excuses à Trump. Tous les dirigeants européens pour qui continuer d’être reçus dans le Bureau ovale est un privilège, une faveur qui n’a pas de prix, ont dû pâlir à l’idée que l’administration américaine croie qu’ils pensent de même que Zelensky le réprouvé, et qu’ils auraient pu tenir le même langage que lui au sortir du sommet de Londres. Georgia Meloni, par exemple, ne voudrait pour rien au monde être accusée par les Américains d’être elle aussi pour quelque chose dans le nouveau témoignage d’ingratitude de Zelensky, elle qui n’avait accepté de se trouver dans la même salle que lui que pour défendre le plan de Trump pour la paix. On peut en dire autant d’autres, et d’abord de Starmer, qui avait assez fait comprendre qu’il n’avait pas appelé à ce sommet pour que l’Europe se brouille davantage avec les Etats-Unis, mais tout au contraire, pour que les relations avec eux se réchauffent pendant qu’il en est encore temps.