Le ministre français de l’Intérieur brandit encore des menaces et envenime la crise: Bruno Retailleau, ou l’art d’attiser les braises

Il y a des responsables politiques qui règlent les crises. Et puis il y a Bruno Retailleau, qui les provoque, les aggrave et les transforme en confrontations dangereuses. Sur le plateau de RTL, le ministre français de l’Intérieur a franchi, encore une fois, une ligne rouge, il menace de recourir à des mesures plus fermes […]

Avr 19, 2025 - 02:07
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Le ministre français de l’Intérieur brandit encore des menaces et envenime la crise: Bruno Retailleau, ou l’art d’attiser les braises

Il y a des responsables politiques qui règlent les crises. Et puis il y a Bruno Retailleau, qui les provoque, les aggrave et les transforme en confrontations dangereuses. Sur le plateau de RTL, le ministre français de l’Intérieur a franchi, encore une fois, une ligne rouge, il menace de recourir à des mesures plus fermes si l’Algérie ne cède pas sur le dossier de l’expulsion de ses ressortissants de France : « On a de nombreux instruments, que sont les visas, les accords… ».

Par Meriem B.
Ses propos martiaux, son ton suffisant, et son insistance à vouloir «imposer un rapport de force» rappellent moins un homme d’État qu’un politicien en mal de popularité cherchant à flatter les bas instincts d’une frange radicalisée de l’opinion française. C’est une posture qui sacrifie le dialogue sur l’autel de la surenchère, la diplomatie sur celui de la démagogie. En s’en prenant à l’Algérie avec arrogance, mépris et menaces à peine voilées, il a choisi d’enflammer une situation déjà tendue, au lieu de l’apaiser. Ses déclarations sont claires, brutaux, et lourds de conséquences. Il ne s’agit plus d’une divergence diplomatique classique, mais d’une offensive politique assumée, menée sur le dos de la relation algéro-française et, pire encore, sur le dos des ressortissants algériens en France, assimilés sans nuance à des éléments «dangereux». Le message est simple : «L’Algérie doit obéir, sinon la France sévira». Un discours digne d’une autre époque, empreint d’un colonialisme à peine déguisé. Bruno Retailleau n’est pas un diplomate. C’est un pyromane. Il souffle sur les braises avec une jouissance politique évidente, persuadé que le conflit lui rapportera des points. En instrumentalisant la question des visas, en menaçant un État souverain de représailles unilatérales, et en réduisant des dossiers humains complexes à une rhétorique de bouc émissaire, Retailleau ne fait qu’alimenter une hostilité latente. Pire, il déshumanise les ressortissants algériens vivant en France en les traitant comme des «dossiers à expulser», comme si la complexité des parcours migratoires se résumait à une statistique ou une menace sécuritaire. «La France est une grande nation, il n’y a pas seulement un problème diplomatique, il y a aussi une question de fierté du peuple français qui ne veut plus que l’Algérie puisse nous humilier», avance encore le locataire de la place Beauvau. En prétendant défendre la «fierté du peuple français», Retailleau insulte l’intelligence de ce même peuple. La fierté ne se construit pas sur la provocation, ni sur l’humiliation de nations partenaires. Elle se construit sur le respect, la cohérence, la responsabilité. Trois qualités dont le ministre semble tristement dépourvu. Pour tenter de faire pression sur Alger, Bruno Retailleau est convaincu que Paris doit assumer «un rapport de force» : «dans le monde dans lequel on vit, le nouveau langage (…) ce n’est pas le langage des Bisounours» a-t-il déclaré avant d’insister «les ressortissants algériens qui sont dangereux, ils n’ont rien à faire en France, ils doivent aller en Algérie. Et l’Algérie doit les accepter». Parler de «rapport de force», de «langage des Bisounours», et faire de la question des visas un outil de chantage diplomatique n’est pas seulement irresponsable, c’est dangereux. Ce type de rhétorique n’a jamais rien réglé. Il attise les tensions, renforce les extrêmes, et alimente les rancœurs historiques que beaucoup, de part et d’autre de la Méditerranée, essaient justement de dépasser. Retailleau assume pleinement cette escalade. Il en est l’auteur, l’architecte, le provocateur. Il en portera donc la responsabilité. Car qu’on ne s’y trompe pas : ce n’est pas l’Algérie qui envenime la situation. C’est la France, par la voix de son ministre de l’Intérieur, qui choisit la voie de l’affrontement. Expulsions croisées, rappel d’ambassadeurs, accusations publiques… À chaque étape, c’est Retailleau qui monte le ton, qui menace, qui insulte. Et pendant ce temps, les diplomates, les vrais, peinent à sauver ce qui peut encore l’être à l’instar du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot,  qui opte pour l’apaisement. L’Algérie ne se laissera pas intimider. Elle a répondu avec fermeté et dignité, comme il se doit lorsqu’un partenaire oublie les règles élémentaires du respect mutuel. Mais il est temps que les autorités françaises prennent la mesure de la gravité de la situation, et qu’elles arrêtent de laisser les clés de leur politique étrangère, qui pourtant ne relèvent pas de ses prérogatives,  à un ministre qui confond fermeté et fanfaronnade. La diplomatie est un art. Retailleau, lui, fait de la politique à la hache. Il est urgent de l’écarter du chantier, avant qu’il ne démolisse tout. Cela relèverait d’un problème franco-français si l’impact ne dépassait pas les frontières…
M. B.