Malgré un arsenal juridique sévère: Voilà pourquoi la fraude au Bac persiste

Alors que l’Algérie dispose d’un dispositif juridique parmi les plus stricts de la région en matière de lutte contre la fraude aux examens, les cas de triche ou de tentative de triche et de fuite de sujets continuent d’émailler les épreuves du baccalauréat et du BEM. Par Fatima Arab Les dernières affaires révélées par la […]

Juin 20, 2025 - 23:30
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Malgré un arsenal juridique sévère: Voilà pourquoi la fraude au Bac persiste

Alors que l’Algérie dispose d’un dispositif juridique parmi les plus stricts de la région en matière de lutte contre la fraude aux examens, les cas de triche ou de tentative de triche et de fuite de sujets continuent d’émailler les épreuves du baccalauréat et du BEM.

Par Fatima Arab

Les dernières affaires révélées par la justice confirment une tendance inquiétante, malgré des peines allant jusqu’à 15 ans de prison. Le ministre de l’Éducation a affirmé que ces cas n’affectent  pas la crédibilité de ces examens. Le troisième jour des épreuves du baccalauréat 2025 a été marqué par de nouvelles poursuites judiciaires. À M’sila, pas moins de cinq affaires ont été traitées, impliquant notamment la publication des sujets de langue arabe et des sciences islamiques sur les réseaux sociaux. Les condamnations sont
lourdes : jusqu’à 5 ans de prison ferme et 500 000 dinars d’amende, comme dans le cas de deux individus ayant partagé les sujets pendant les examens. Une femme ayant diffusé le sujet de sciences islamiques a également écopé d’une peine d’un an de prison, tout comme deux autres femmes, dont une candidate, impliquées dans la publication du sujet d’arabe. D’autres affaires dans la même wilaya sont toujours en cours, avec des placements sous contrôle judiciaire ou en détention préventive. À Ghardaïa, une personne a été condamnée à 5 ans de prison ferme pour la diffusion du sujet de mathématiques, tandis qu’à Batna plusieurs tentatives de fraude ont été déjouées. À Barika, un prévenu a été condamné à deux ans de prison, dont un avec sursis, pour usage de moyens technologiques. Quatre autres personnes sont en détention préventive dans une affaire similaire, tandis que trois complices sont toujours en fuite.

Un cadre légal durci depuis 2020

Ces poursuites s’inscrivent dans le cadre d’une législation renforcée en 2020. Les articles 253 bis à 253 quater du code pénal algérien prévoient : 1 à 3 ans de prison pour publication de sujets en cours d’examen ; 5 à 10 ans pour les cas impliquant des personnels ou complicités internes ; jusqu’à 15 ans de prison et 1,5 million de dinars d’amende si la fuite entraîne une annulation d’épreuve. Les candidats reconnus coupables peuvent également être exclus des examens pour une durée de 5 à 10 ans. Malgré cette batterie de sanctions, les fraudeurs redoublent d’ingéniosité. Oreillettes invisibles, plateformes de messagerie cryptée, faux sujets massivement diffusés sur les réseaux sociaux… Les cas récents révèlent un passage de la triche individuelle à des réseaux organisés de fraude numérique. Le ministère de
l’Éducation, en collaboration avec la Justice et les services de sécurité, a mis en place des cellules de veille dans chaque cour de justice pour détecter toute tentative de triche. Des brouilleurs sont également utilisés dans les centres d’examen, et les téléphones sont strictement interdits. Mais les récents cas démontrent que ces mesures, bien que dissuasives, ne suffisent pas toujours à contenir le phénomène. Les appels se multiplient pour un renforcement de la prévention, une meilleure éducation à l’éthique scolaire, et un suivi plus rigoureux des réseaux sociaux durant les périodes.

Boualem Amoura, Syndicat national autonome des travailleurs de l’Éducation et de la Formation (Satef) : 
«Les candidats sont soumis à  un stress inacceptable»
«La triche existera toujours tant qu’il n’y aura pas une réorganisation de l’examen du baccalauréat et une refonte globale du système éducatif. Nos enfants sont soumis à un stress inacceptable. Le modèle actuel de confection des sujets est hérité d’une période transitoire, il est temps d’y mettre fin. Par ailleurs, nous faisons face à une nouvelle génération d’enseignants en dérive, absorbés par les réseaux sociaux, brouillant les frontières avec les élèves. Certains, heureusement minoritaires, n’ont plus conscience des conséquences de leurs actes. Toutefois, il faut souligner qu’il n’y a plus de fuites de sujets ces dernières années».

Meziane Meriane,  ancien professeur et syndicaliste : «Il faut revenir au Bac à 3 jours»
«Tricher pour un élève, c’est souvent répondre à une pression écrasante : obtenir le Bac et viser une bonne moyenne pour accéder à une filière de choix. Pour y remédier, il faut réformer l’examen en posant des questions d’intelligence sur les matières principales et ramener sa durée à trois jours. Le reste peut figurer sur une fiche de synthèse. Préparer psychologiquement les élèves, impliquer les parents, couper l’internet pendant les épreuves : autant de leviers pour un Bac de qualité. Quant aux enseignants qui participent à la fraude, leur place n’est pas dans l’Education. La justice doit être intraitable avec eux».
F. A.