Marchandage

Si de nombreux pays sud-américains ont tenté de combattre les décisions de renvoi de Donald Trump des immigrés illégaux dans leurs pays d’origine, certains n’hésitent pas en Amérique du Sud à essayer au contraire de capitaliser sur les nouvelles politiques conservatrices de Washington. Le président salvadorien, Nayib Bukele, a ainsi proposé d’enfermer dans les prisons […]

Fév 5, 2025 - 20:27
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Marchandage

Si de nombreux pays sud-américains ont tenté de combattre les décisions de renvoi de Donald Trump des immigrés illégaux dans leurs pays d’origine, certains n’hésitent pas en Amérique du Sud à essayer au contraire de capitaliser sur les nouvelles politiques conservatrices de Washington. Le président salvadorien, Nayib Bukele, a ainsi proposé d’enfermer dans les prisons du pays des «criminels» américains, en échange d’un paiement. Une offre «généreuse» selon les États-Unis, qui disent vouloir étudier les implications juridiques de cet envoi. Donald Trump a confirmé mardi qu’il envisageait d’envoyer des détenus américains en prison au Salvador, un projet destiné aux «criminels endurcis» qui se heurterait vraisemblablement à de nombreux obstacles juridiques. «Si nous avions le droit de le faire, je le ferais sans hésiter», a expliqué le président américain dans le Bureau ovale. «Je ne sais pas si c’est le cas, nous sommes en train d’étudier la question». «Ce n’est pas différent de notre système pénitentiaire, sauf que cela coûterait beaucoup moins cher et serait très dissuasif», a-t-il estimé. Le président salvadorien Nayib Bukele a proposé ce lundi de permettre aux États-Unis d’envoyer des détenus américains dans une méga-prison du Salvador. Il réclame un paiement en échange de ce service, qui servirait à financer le système carcéral de son pays, dont les prisons sont remplies par sa vaste offensive anti-gangs. «C’est très peu comparé à ce que nous payons aux prisons privées américaines», a jugé Donald Trump ce mardi. Le milliardaire républicain a expliqué vouloir envoyer au Salvador les «criminels endurcis», des récidivistes qu’il a désignés comme des «animaux». Il existe peu de précédents à l’époque moderne d’un pays démocratique envoyant ses citoyens dans des prisons étrangères. La Constitution américaine interdit les «châtiments cruels et inhabituels», ce qui promet de probables contestations en justice en cas de concrétisation de ce projet. «Évidemment, nous devrons étudier cela de notre côté. Il y a évidemment des aspects juridiques impliqués», a reconnu mardi le secrétaire d’État américain, Marco Rubio. «Personne n’a jamais fait une offre comme celle-là, d’externaliser à une fraction du coût au moins certains des criminels les plus dangereux et violents que nous avons aux États-Unis», a-t-il salué. L’accord prévoit en effet un paiement qui servirait à financer le système carcéral du Salvador. Et le gouvernement Trump n’a pas touché jusqu’à présent au statut qui protège de l’expulsion quelque 232 000 Salvadoriens aux États-Unis. Le projet prévoit d’envoyer les prisonniers en provenance des États-Unis au Centre de confinement du terrorisme (CECOT), inauguré en janvier 2023 et considéré comme la plus grande prison d’Amérique latine. D’une capacité de 40 000 détenus, l’établissement ultra-sécurisé en accueille 15 000, selon les estimations. Nayib Bukele a indiqué qu’il accepterait des criminels de «n’importe quelle nationalité», y compris des membres du gang Mara Salvatrucha (MS-13) qui opère au Salvador, au Honduras et au Guatemala, ainsi que ceux du Tren de Aragua vénézuélien étendu à toute l’Amérique latine et aux États-Unis. Les Salvadoriens, qui soutiennent massivement leur président depuis que ce dernier a réussi à transformer leur pays en l’un des endroits les plus sûr de la planète après seulement quelques années au pouvoir, risquent de ne pas apprécier de voir cet apport de criminels s’ajoutant aux leurs, population carcérale extrêmement violente. Toutefois, le président salvadorien tente de capitaliser sur la politique américaine et espère récolter quelques lauriers pour aider son pays à se développer plus rapidement. Reste à voir si ses concitoyens accepteront ce marchandage et surtout si les Américains seront prêts à franchir le pas en confiant à l’étranger une partie de leurs prisonniers.
F. M.