Plages sauvages à Jijel: La «côte du Saphir bleu», un trésor encore caché

Pour rejoindre ces plages, il faut embarquer à bord d’un bateau, longer les falaises, contourner les caps, et se laisser guider par les embruns et les mouettes. Un effort récompensé par des paysages d’une pureté exceptionnelle. Par Hafit Zaouche Sur la carte du tourisme algérien, la wilaya de Jijel brille déjà par ses criques sauvages, […]

Juil 25, 2025 - 22:06
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Plages sauvages à Jijel: La «côte du Saphir bleu»,  un trésor encore caché

Pour rejoindre ces plages, il faut embarquer à bord d’un bateau, longer les falaises, contourner les caps, et se laisser guider par les embruns et les mouettes. Un effort récompensé par des paysages d’une pureté exceptionnelle.

Par Hafit Zaouche

Sur la carte du tourisme algérien, la wilaya de Jijel brille déjà par ses criques sauvages, ses forêts denses et son air iodé. Mais à l’est de cette région côtière, au-delà des sentiers battus, se cache un monde préservé, presque irréel, que peu de voyageurs ont eu le privilège d’explorer. Entre Beni Belaïd, Rmila, le Sahel, Aourar Beni Ferguène et Oued Z’hour, le littoral dessine ici des courbes secrètes où le sable, la roche et les arbres s’enlacent dans un tableau de nature intacte. Un paradis sans route, sans béton, sans tapage. Un miracle suspendu entre mer et montagne.
C’est une terre sans artifice, modelée par les siècles et protégée par la rudesse de son relief. L’accès terrestre y est presque impossible, la densité des forêts et la topographie accidentée empêchant tout aménagement massif. Et c’est précisément ce qui fait la magie du lieu : pour rejoindre ces plages, il faut embarquer à bord d’un bateau, longer les falaises, contourner les caps, et se laisser guider par les embruns et les mouettes. Un effort récompensé par des paysages d’une pureté exceptionnelle.
Ce littoral secret n’a pas volé son surnom de «Côte du Saphir Bleu», attribué dès le XVIe siècle par le compositeur italien Antonio Lucio Vivaldi. Il aurait été saisi, dit-on, par l’intensité du bleu de ses eaux, par la lumière particulière qui baigne les criques, et par cette harmonie rare entre la mer, la montagne et la forêt. Une inspiration musicale devenue réalité géographique.
Au cœur de ce joyau, la plage d’Aourar, nichée dans le territoire forestier de Beni Ferguène (commune d’El-Milia), fascine. Une plage de sable fin, encadrée de part et d’autre par des versants boisés, dont les arbres frôlent parfois les vagues. Ici, la nature impose le silence et le respect. Tout respire le calme, la lenteur, l’équilibre. Les visiteurs en ressortent émus, comme s’ils avaient redécouvert un monde oublié.
C’est le cas de Smail, immigré en France, tombé sous le charme de ce lieu retiré : «J’ai vu les plages d’Algérie, d’est en ouest, mais ce que j’ai découvert ici est sans pareil. En Europe, on vend du rêve à prix d’or, mais rien ne vaut ces plages vierges, non contaminées, sans foule ni contraintes. On veut me parler de Bora Bora ? Moi je vous parle de Beni Ferguène».Au-delà de sa splendeur naturelle, cette partie de Jijel reste aussi un territoire de vie. Les quelques localités de la corniche vivent de la pêche, de l’élevage, de l’agriculture, de l’apiculture. Les traditions y sont solides, les savoir-faire transmis, et l’hospitalité intacte. Le patrimoine forestier est dense, les ressources halieutiques nombreuses, les potentialités touristiques immenses… mais encore inexploitées.
Oued Z’hour, par exemple, est souvent décrite par les connaisseurs comme l’une des plus belles plages de toute la corniche jijelienne. Là-bas, la nature est encore si pure qu’on peut littéralement y respirer la paix. Pourtant, malgré cette richesse, la région souffre d’isolement, d’un manque d’infrastructures, et surtout d’un retard criant en matière de valorisation touristique. Le paradoxe est saisissant : un trésor à ciel ouvert, mais encore oublié des circuits officiels.
Le littoral Est de Jijel attend son heure. Il n’aspire pas à devenir une station balnéaire surpeuplée, mais plutôt un modèle
d’écotourisme, où la nature serait protégée, où les visiteurs viendraient pour la beauté et la simplicité, et non pour la consommation effrénée. Il suffirait de peu : quelques pontons, des randonnées guidées, des circuits maritimes doux, une sensibilisation à l’environnement, et surtout, une volonté de préserver l’âme du lieu.
Jijel, l’antique Igilgili, n’a pas fini de surprendre. À ceux qui cherchent encore des coins de paradis, loin du vacarme et des foules, le message est clair : embarquez pour l’Est sauvage. Là où le saphir bleu brille encore au creux des vagues, et où l’Algérie révèle un de ses plus beaux visages.
H. Z.