Thierry Ardisson: «L’homme en noir» s’est éteint
Thierry Ardisson, personnalité médiatique présente sur le devant de la scène française depuis plus de quatre décennies, est mort hier des suites d’un cancer du foie, comme l’a annoncé sa femme Audrey Crespo-Mara à l’AFP. Le présentateur télé connu pour ses talk-shows «impertinents» de deuxième partie de soirée, ses interviews, mais aussi ses dérapages, avait […]

Thierry Ardisson, personnalité médiatique présente sur le devant de la scène française depuis plus de quatre décennies, est mort hier des suites d’un cancer du foie, comme l’a annoncé sa femme Audrey Crespo-Mara à l’AFP. Le présentateur télé connu pour ses talk-shows «impertinents» de deuxième partie de soirée, ses interviews, mais aussi ses dérapages, avait 76 ans.
Après avoir débuté dans la publicité, c’est sur le petit écran que Thierry Ardisson a posé et défait ses valises au début des années 80. Pour ne plus jamais en partir. Scoop à la une, Bains de minuit, Lunettes noires pour nuits blanches, Paris Dernière, 93 faubourg Saint-Honoré, Rive droite/Rive gauche, Tout le monde en parle, Les terriens du samedi… Il a présenté une multitude de programmes, pour beaucoup pourvoyeurs de fortes audiences en raison de son style d’interview sec façon interrogatoire, la fameuse «méthode Ardisson». Mais souvent, la «provoc» à outrance a dépassé les limites du politiquement correct voire de l’acceptable.
Dans une séquence de Paris Dernière de 1995 devenue tristement célèbre, Thierry Ardisson est attablé avec Gabriel Matzneff et Frédéric Beigbeder. «On va coucher Gabriel avec une gamine de douze ans et demi et nous, on va aller voir des putes de 62 ans», lance le présentateur. Ce
à quoi Frédéric Beigbeder répond : «Pourquoi on ne ferait pas l’inverse ?», et Gabriel Matzneff en riant : «Pour une
fois !», avant que Thierry Ardisson ne relance : «On devrait intervertir, nous avec des gamines de 12 ans et demi, et lui, il irait avec des prostituées».
En 2000, Thierry Ardisson et ses invités plaisantent alors que Christine Angot est en train de parler de son livre L’Inceste dans lequel elle raconte son histoire personnelle. En 2005, Thierry Ardisson et Laurent Baffie traitent Lara Fabian, invitée pour parler de son dernier album, de «boudin» dans une séquence grossophobe que la chanteuse n’a jamais oubliée.
Au fil des décennies et des centaines d’émissions que Thierry Ardisson a présentées, les séquences de cet acabit sont une constante. Une méthode que l’animateur avait décrite sur le plateau de C à vous en mai 2025 en expliquant l’avoir construite pour masquer son propre inconfort. «Comme j’étais très mal à l’aise, je me suis dit que les gens en face de moi devaient
l’être aussi. Et c’est comme ça que j’ai demandé à Gainsbourg ‘’Avec tout ce que tu t’es envoyé, t’avais pas peur que le petit Lucien soit un peu mongolo ?’’. Puis dit au chanteur d’Indochine qu’il chantait faux». Il était ainsi d’après lui devenu aux yeux des gens un «mauvais animateur mais qui savait envoyer du bois».
Sans être forcément contrôlés, les dérapages étaient en tout cas orchestrés. Comme ce jour où il a invité le complotiste Thierry Meyssan pour évoquer les attentats du 11 septembre. Ou les propos divers et variés tenus sur son plateau par Éric Zemmour, comme par exemple sur le prénom d’Hapsatou Sy, un invité que Thierry Ardisson persistait à faire revenir.
Thierry Ardisson n’a jamais cessé de s’empêtrer dans la polémique, jusque très récemment. En mai dernier, invité dans l’émission Quelle époque ! de France 2, il avait par exemple établi une comparaison entre la situation à Gaza et celle des prisonniers du camp de concentration d’Auschwitz. Des propos pour lesquels il s’était excusé suite au tollé suscité.
En raison de cette multitude de polémiques, son image a été définitivement ternie aux yeux de certains téléspectateurs. Mais pas assez pour désacraliser la figure du géant médiatique. En janvier 2024, il a d’ailleurs été fait chevalier de la Légion d’honneur par Emmanuel Macron. En le décorant, le président de la République avait évoqué un «personnage d’une liberté totale, provocateur et érudit».
De fait, son décès, Thierry Ardisson l’avait déjà imaginé dans son dernier livre sorti en 2025, une autobiographie teintée de fiction intitulée L’Homme en noir dans laquelle il se projetait mourir tué par balle sur un plateau de télévision. Il avait confié au Point, à l’occasion de la sortie de ce livre, avoir même des idées sur son enterrement et la playlist «Lazarus de David Bowie et In My Life des Beatles, repris par Sean Connery». Et vouloir qu’on se souvienne de lui comme d’un homme «qui avait des idées». Mya B.