Un seul héros !

Par Ali Akika – L'Algérie, en lutte pour sa liberté, a choisi «un seul héros, le peuple». Ce sont des mains anonymes d'un peuple en lutte qui ont écrit ce mot d'ordre sur les murs d'Alger et des villes du pays, L’article Un seul héros ! est apparu en premier sur Algérie Patriotique.

Août 20, 2025 - 10:11
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Un seul héros !

Par Ali Akika – Le 20 août 1955, le peuple en arme entra dans l’antre de l’occupant et lui fit comprendre que la fin de son aventure était d’ores et déjà inscrite dans l’histoire. Oui, ce 20 août, il fallait lui rappeler cette évidence, puisque le 8 Mai 1945, le 1e Novembre 1954, l’envahissant occupant semblait ignorer la dynamique de l’histoire, dont l’acteur hier comme aujourd’hui mais aussi demain est et restera le peuple. Mais par qui et comment ce peuple a-t-il été peint, nommé le seul héros de la libération du pays ? Avant de révéler la légende de ce mot d’ordre, rappelons que chaque peuple invente la manière de chanter son ou ses héros. Les Américains qui se sont libérés de leur cousin anglais ont fait appel à la puissance et la beauté de la langue de Shakespeare, «Nous, peuple des Etats-Unis», dont la sonorité des mots claque au milieu de la tempête qui mit fin à leur oppression. La France révolutionnaire qui décapita son roi choisit la peinture d’une femme où la liberté guide le peuple. Et l’Algérie, en lutte pour cette liberté contre la France devenue colonisatrice, a choisi «un seul héros, le peuple». Essayons de cerner le pourquoi de ce mot d’ordre qui signe la reconquête de la dignité du peuple algérien.

Ce sont des mains anonymes d’un peuple en lutte qui ont écrit ce mot d’ordre sur les murs d’Alger et des villes du pays, par deux fois, quand le destin de ce peuple était suspendu à la victoire contre tous ceux qui lui déniaient son statut d’unique acteur de son histoire. En décembre 1960, tournée des popotes en Algérie par le général De Gaulle, venu «apporter» sa «paix des braves» à un peuple en guerre depuis 5 ans. Le peuple descendit dans les rues et le reçut comme il se doit avec le mot d’ordre «un seul héros, le Peuple», devenu une référence tout aussi légendaire que sa guerre de libération. Un autre mot d’ordre réduit à la seule lettre d’un «i» en majuscule fut aussi badigeonné sur les murs du pays. Je me souviens des gamins que nous étions, grand comme trois pommes, demandions aux adultes la signification de cette énigmatique lettre «i». Nous restâmes sur notre faim et, bien plus tard, j’ai su le mot de la fin de cette énigme. La révolution à travers les manifestations populaires envoyait un message au président français, l’Algérie est une, elle est INDIVISIBLE. Il est bon de le rappeler car deux ans de guerre de plus ont coûté cher au pays à cause d’une idée de prédateur qui voulait lâcher le nord du pays et garder l’immensité du sud de l’Algérie. Ai-je besoin de préciser dans un journal algérien en ligne l’odeur d’une matière première du sous-sol qui a donné naissance à l’idée saugrenue du colonisateur ?

Eté 1962, le fameux «i» en majuscule n’était plus d’actualité, le peuple avait brisé le fantasme de la division du pays, mais le mot d’ordre «un seul héros, le peuple» réapparut sur les murs du pays. Le pays faisait face à d’autres obstacles, d’autres écueils, somme toute normaux car l’histoire est loin d’être un fleuve tranquille mais, l’indépendance acquise, il y avait un risque potentiel d’un «fleuve détourné», selon le titre du roman du regretté Rachid Mimouni, un écrivain à l’antipode de ceux qui sont attirés par la lumière médiatique blafarde, comme les stars et starlettes des festivals. L’histoire s’est accélérée et l’installation du gouvernement provisoire entré de Tunisie dans une Algérie devenue indépendante n’allait pas se faire sans problème, faute d’avoir préparé l’exercice de l’Etat sur le territoire national et un peuple en principe souverain. En vérité, les écueils et obstacles rencontrés ne relèvent pas seulement de l’accaparement ou du partage du pouvoir d’Etat, mais des différentes lectures de la définition de la notion du peuple source et matrice de la légitimité.

La révolution par le peuple et pour le peuple fut le socle sur lequel reposait la doctrine de la Révolution du 1e Novembre 1954. Si ce sont des mains anonymes qui ont inscrit et popularisé le mot d’ordre, «un seul héros, le peuple», qui en est l’auteur talentueux ? Personne, à ma connaissance, ne le connaît, et ceux qui l’ont su ont dû respecter ce trait de la culture populaire, consistant à ne pas claironner l’aide que l’on apporte aux voisins dans le besoin. Il faut penser que cet anonymat a été aussi pensé par des militants qui connaissaient politiquement le socle philosophique de l’histoire et du concept de peuple. J’y reviendrai plus loin, dans ce texte.

«Un seul héros, le peuple», apparaissait ici et là dans les manifestations ou dans des récits. D’autres slogans accaparaient des groupes de manifestants qui «trahissaient» leur appartenance idéologiques et semblaient dire que la guerre de Libération était loin, et chaque groupe s’accrochait ainsi à une image qui le situait dans l’Algérie d’aujourd’hui.

Pourquoi donc cette absence de ce mot d’ordre «un seul héros, le peuple» ? On le retrouve, certes, dans des œuvres artistiques, cinéma, peinture, collage, etc. C’est un travail qui reste à faire dans les domaines de la recherche et de la culture. La seule explication qui me vient à l’esprit, c’est cette confusion que l’on fait entre le peuple et la foule. Beaucoup d’écrivains, et pas des moindres, et ce, dans beaucoup de cultures, ont décrit la foule comme un phénomène menaçant et manipulable. Et notre pays n’a pas échappé à ce genre de dérive où l’on sent l’odeur de l’idéologie féodale de ceux qui se prennent pour des seigneurs comme hier, les bachaghas et autres caïds qui regardaient de haut la «plèbe», la «racaille», la «populace» que nous étions à leurs yeux, et qu’ils étaient chargés de surveiller et contrôler.

Et ce n’est pas étonnant, de nos jours, que des nostalgiques, chez nous, des hommes politiques censés «représenter» le peuple nous aient servi du «ghachi» ou bien du «je me suis trompé de peuple». Ça me permet de conclure sur la notion de peuple qui est synonyme de légitimité des pouvoirs politiques. Le concept de peuple dans la philosophie politique est pratiquement le seul qui fait référence à une réalité concrète. Ainsi, dans beaucoup de langues ou cultures, le peuple signifie aussi les gens que nous sommes. Ça soulage des pesanteurs idéologiques contenues dans les concepts d’Etat ou de nation. Ainsi, le peuple est une catégorie politique de citoyens vivant sur un même territoire avec les mêmes droits, et dont ils ont intérêt à défendre l’intégrité contre un envahisseur, par exemple.

Sont-ce les idéaux que renferme la notion de peuple qui font peur à l’internationale des réactionnaires qui surgissent ici et là par les temps qui courent ?

A. A.

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