Une autre urgence, la santé mentale des enfants : A Ghaza, ils miment la mort en jouant
Poursuivant depuis plus de vingt mois leur campagne de « stérilisation » des consciences avec une certaine terminologie dépouillée de son impact émotionnel et même humain, les médias occidentaux, qu’ils soient destinés au grand public ou chargés d’interpeller les élites cultivées, continuent d’utiliser, comme s’ils se sont préalablement donnés la parole, des termes du genre « frappes aériennes », […] The post Une autre urgence, la santé mentale des enfants : A Ghaza, ils miment la mort en jouant first appeared on L'Est Républicain.

Poursuivant depuis plus de vingt mois leur campagne de « stérilisation » des consciences avec une certaine terminologie dépouillée de son impact émotionnel et même humain, les médias occidentaux, qu’ils soient destinés au grand public ou chargés d’interpeller les élites cultivées, continuent d’utiliser, comme s’ils se sont préalablement donnés la parole, des termes du genre « frappes aériennes », « opérations militaires », « plan de Netanyahu », « zones de combats » et « représailles israéliennes », pour évoquer Ghaza dans l’actualité. Des termes dépourvus de sens, dont le but est de maintenir l’opinion publique occidentale, dont une grande partie a été suffisamment conditionnée, dans une sorte de neutralité, à défaut d’un soutien inconditionnel à l’Etat sioniste. Certes, une relative évolution a été constatée, et de nombreux médias ont inclus dans leurs comptes-rendus et commentaires des expressions comme génocide, famine et malnutrition, mais ils sont rares, mais vraiment très rares ceux, qui ont osé aborder les autres aspects non moins cruciaux d’une guerre d’extermination qui dit son nom. Dans un long article publié dans le site « Chronique de Palestine », son auteur enlève le voile à une méga-tragédie passée presque en silence, malgré son lourd impact : la santé mentale de dizaines de milliers d’enfants « devenue une autre urgence ». Dans sa clinique improvisée sous les tentes, le docteur Bahzad Al-Akhras, psychiatre pour enfants et adolescents, qui a perdu sa maison lors d’un bombardement, continue à exercer son métier et reçoit une cinquantaine de patients par jour, pour la plupart des enfants. Cela fait plus d’une année qu’il « ne travaille plus dans un bureau aux murs blancs et ne porte plus de badge ». « La file d’attente devant la clinique du Dr Bahzad al-Akhras commence à se former avant le lever du soleil, une vague de corps dans la pénombre, pieds nus ou chaussés de sandales usées, attendant leur tour pour recevoir ce qui passe désormais pour des soins ». « Souvent, Akhras reçoit ses patients dans un espace sous tente, niché parmi des centaines d’autres tentes dans l’étendue dense d’Al-Mawasi, à l’extrémité sud de la bande de Ghaza ». « Avec des systèmes qui fonctionnent à peine et presque aucune ressource, les praticiens tels qu’Akhras comptent sur les quelques outils qui leur restent : soutien psychosocial, thérapie cognitivo-comportementale (TCC) et stratégies d’adaptation improvisées. Ils enseignent des exercices de respiration, la régulation émotionnelle et des techniques pour gérer les pensées devenues omniprésentes ». A Ghaza, la thérapie est devenue un moyen de s’accrocher. Plus de soixante mille personnes ont été tuées en vingt et un mois. Mais le bilan caché s’étend à des quartiers entiers rasés et à des communautés entières rayées de la carte. Ceux qui restent sont confrontés à une famine généralisée, à l’effondrement des soins de santé et à la terreur quotidienne de la survie. Souvent, les psychiatres « coordonnent avec le personnel médical, lui aussi débordé, pour obtenir des médicaments psychotropes en quantité limitée pour les patients souffrant de dépression sévère, de psychose ou ayant des idées suicidaires ». « Les professionnels de santé peuvent parfois souffrir d’un stress traumatique secondaire, une sorte de blessure émotionnelle absorbée en étant témoin de la douleur des autres. Mais le traumatisme vécu par les spécialistes de la santé mentale à Ghaza n’a rien de secondaire », souligne l’auteur de l’article. « Nous luttons, nous pleurons, nous survivons et nous travaillons, tout cela en même temps », lui a confié le docteur Bahzad Al-Akhras. « Je n’ai pas de place pour mes émotions. Elles sont coincées dans ma poitrine comme un poids », a reconnu le psychiatre. « Aucun enfant n’a été épargné par la guerre. Beaucoup ne dorment pas ou se réveillent en hurlant toute la nuit, terrifiés, agrippés à leurs compagnons », relate l’auteur de l’article, qui précise qu’un « certain nombre d’enfants ont développé des troubles du langage. Certains rejouent les bombardements avec des pierres, jouent à un jeu appelé frappe aérienne ou miment la mort ». En novembre 2024, un rapport du Centre communautaire de formation à la gestion des crises a révélé que 96 % des enfants ayant vécu cette guerre ont le sentiment que leur mort est imminente, et près de la moitié ont déclaré vouloir mourir. « Certains ne parlent pas. Ils fixent du regard, parfois ils crient. La plupart pleurent pendant des heures, sans cligner des yeux », a confié une psychologue. « Je leur dis qu’ils ont le droit de pleurer », a-t-elle expliqué. « Mais je le leur murmure, car je ne veux pas m’effondrer moi aussi », a-t-elle avoué. « En temps de guerre, le silence est une preuve de sincérité. Ma présence, mon regard, ma voix douce, c’est parfois tout ce que représente la thérapie », a-t-elle dit presque en s’excusant. « La désincarnation s’installe. Les professionnels de la santé mentale à qui j’ai parlé m’ont décrit des enfants qui ne sursautent plus, des tout-petits qui ne répondent pas quand on les appelle, d’autres qui ont complètement cessé de pleurer : des survivants qui marchent encore, mais qui ne sont plus là », décrit l’auteur de l’article.
Synthèse Mohamed M
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