Voyage au cœur d’une ambition : L’Inde, une puissance en mouvement

L’Inde charme, interroge, fascine. Elle est à la fois millénaire et moderne, spirituelle et technologique, chaotique et profondément organisée. Pour un visiteur africain, c’est une immersion dans un univers familier par ses valeurs, mais dépaysant par son énergie brute. C’est dans ce décor à la fois majestueux et bouillonnant que s’est déroulé, du 11 au […] The post Voyage au cœur d’une ambition : L’Inde, une puissance en mouvement appeared first on Le Jeune Indépendant.

Juil 7, 2025 - 18:09
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Voyage au cœur d’une ambition : L’Inde, une puissance en mouvement

L’Inde charme, interroge, fascine. Elle est à la fois millénaire et moderne, spirituelle et technologique, chaotique et profondément organisée. Pour un visiteur africain, c’est une immersion dans un univers familier par ses valeurs, mais dépaysant par son énergie brute. C’est dans ce décor à la fois majestueux et bouillonnant que s’est déroulé, du 11 au 18 juin, un voyage de presse réunissant des journalistes représentant les médias venus de tout le continent africain, dont Le Jeune Indépendant.

C’est un pays de contrastes saisissants. À New Delhi, les klaxons s’entrechoquent avec les appels à la prière, tandis que les saris colorés ondulent au rythme d’une foule dense et vibrante. À Agra, le marbre blanc du Taj Mahal se teinte de rose au lever du jour, dans un silence presque irréel. Et à Bangalore, les buildings de verre rivalisent avec les temples centenaires, dans un ballet où le passé et le futur se croisent à chaque coin de rue.

Derrière la carte postale, un autre récit se dessine : celui d’une Inde ambitieuse, qui renforce discrètement mais résolument ses liens avec l’Afrique. Entre stratégies économiques, coopération technologique, diplomatie régionale et ambitions spatiales, un nouveau chapitre des relations Sud-Sud est en train de s’écrire.

Tout commence à New Delhi, capitale politique et vitrine contrastée de l’Inde. Ici, l’histoire millénaire côtoie les défis du 21e siècle. Sur les larges avenues héritées du Raj britannique, bordées d’arbres centenaires et de bâtiments officiels, se croisent ministres, étudiants, moines, vendeurs ambulants et diplomates du monde entier.

Les couleurs vives des marchés se mêlent aux odeurs entêtantes d’encens et d’épices. Le tumulte incessant du trafic contraste avec la solennité des sites historiques comme la Porte de l’Inde (Gate of India) ou le Qûtb Minâr. À quelques pas de ces monuments, les quartiers modernes affichent les ambitions d’une classe moyenne en expansion, connectée et dynamique.

Mais Delhi n’est pas qu’une capitale : c’est un cœur nerveux de l’Inde contemporaine, où se décident les orientations stratégiques d’un pays de 1,4 milliard d’habitants. C’est ici que l’Inde parle au monde et notamment à l’Afrique. Entre réceptions officielles, discussions diplomatiques et échanges entre journalistes, la ville a été le théâtre des premiers jalons d’une relation en mutation.

Un tournant géopolitique assumé

Face à un monde en recomposition, l’Inde avance ses pions. Puissance émergente du 21e siècle, elle cherche à redéfinir sa place sur l’échiquier mondial. Et dans cette quête, l’Afrique est devenue un partenaire clé.

À New Delhi, les autorités ne cachent plus leur volonté de bâtir une alliance stratégique avec le continent. Plusieurs responsables du ministère indien des Affaires étrangères, rencontrés lors de ce séjour, insistent sur une relation «fondée sur la confiance, l’histoire et les intérêts mutuels». Ils rappellent les grands sommets Inde-Afrique, notamment celui de 2015, et évoquent déjà le prochain, prévu cette année, comme un moment déterminant.

L’Inde propose une coopération sans condescendance, en rupture avec les anciennes logiques d’aide. «Nous partageons avec l’Afrique une même expérience de lutte pour l’indépendance et de développement dans un contexte postcolonial», déclare un diplomate indien. L’Inde ne veut pas aider l’Afrique, elle veut construire avec elle.

Agra : soft power en toile de fond

La visite d’Agra et du Taj Mahal, symbole universel d’amour et de splendeur architecturale, n’est pas qu’un moment touristique. Elle s’inscrit dans une stratégie de soft power assumée. L’Inde, à travers son patrimoine, son cinéma, son yoga et sa littérature, déploie un récit séduisant d’équilibre entre tradition et innovation.

Ce soft power renforce l’image d’une Inde accessible, stable, et culturellement proche de nombreux pays africains. Il prépare le terrain à des coopérations plus stratégiques, là où d’autres puissances mondiales peinent encore à susciter la confiance.

Bangalore : entre conquête spatiale et héritage princier

À Bangalore, tout semble aller plus vite. Capitale de l’État du Karnataka et épicentre technologique de l’Inde, la ville symbolise la modernité pragmatique et ambitieuse que le pays souhaite partager avec ses partenaires africains. C’est aussi ici que la coopération indo-africaine prend une tournure concrète, multisectorielle entre science de pointe, diplomatie régionale et industrie pharmaceutique.

La visite débute dans un lieu inattendu : le Bangalore Palace, ancienne demeure des maharajas, dont l’architecture néo-gothique évoque plus l’Écosse que le sous-continent. Fresques colorées, meubles d’époque, photos historiques : tout y raconte une Inde royale, mais déjà mondialisée. Ce détour par l’héritage princier donne à voir une Inde qui assume pleinement son passé tout en affirmant sa puissance technologique présente.

Plus loin dans la ville, au cœur du pouvoir politique régional, se dresse l’imposant Vidhana Soudha, siège de l’Assemblée législative du Karnataka. À travers nos échanges avec des élus, un message ressort clairement : la coopération avec l’Afrique n’est plus seulement du ressort de l’État central. Les États fédérés indiens, à l’image du Karnataka, entendent eux aussi bâtir des ponts directs avec les pays africains. Urbanisme durable, gouvernance locale, gestion de l’eau : les thématiques sont nombreuses, et les marges d’action réelles.

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Le Vidhana Soudha, siège de l’Assemblée législative du Karnataka.

La visite de l’ISRO (Indian Space Research Organisation) ne laisse aucun doute sur les ambitions scientifiques et stratégiques de l’Inde. Dans ce centre discret mais hyperactif, se joue une partie de la souveraineté technologique du pays. Loin d’être une vitrine, l’ISRO est le symbole d’une réussite à l’indienne : innovante, frugale, tournée vers les besoins concrets.

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La délégation de journalistes africains reçue au siège de l’ISRO.

Avec des missions comme Chandrayaan (programme lunaire) ou Mangalyaan (mission vers Mars), l’Inde a démontré qu’elle pouvait concurrencer les grandes puissances spatiales à une fraction de leurs budgets. Ces exploits, au-delà de la prouesse technique, s’inscrivent dans une stratégie de puissance douce, accessible aux pays du Sud.

Mais l’ISRO ne regarde pas seulement les étoiles : elle agit sur Terre. Et notamment en Afrique. L’agence a déjà lancé plusieurs satellites pour des pays africains, dont l’Algérie, qui a pu profiter de ses services techniques et de ses capacités de lancement à bas coût.

L’agence a déjà aidé l’Algérie à lancer trois satellites en 2016, l’Inde est aujourd’hui un partenaire fiable et technologiquement souverain, loin des dépendances traditionnelles aux États-Unis, à la Russie ou à l’Europe.

Les responsables de l’ISRO évoquent également des projets de coopération futurs dans les domaines de la connectivité éducative, des réseaux de télé-éducation, ou encore de la télésanté pour les zones reculées.

Ce qui distingue l’approche indienne, c’est cette capacité à proposer une technologie abordable, modulaire et adaptée aux réalités africaines. En formant des ingénieurs, en partageant son expertise et en évitant toute posture de domination, l’Inde fait de l’espace un terrain de solidarité Sud-Sud, sans renier ses propres intérêts géopolitiques.

En bref, avec l’ISRO, l’Inde ne vend pas seulement des fusées : elle propose une vision de l’indépendance technologique partagée et l’Algérie, avec son potentiel spatial croissant, y trouve une opportunité stratégique.

L’un des responsables scientifiques rencontrés sur place nous confie : « L’espace est un outil de développement. Nous voulons que les pays africains accèdent aux données climatiques, à la cartographie agricole, à la gestion des ressources en eau ou à l’alerte précoce en cas de catastrophe. »

Mais c’est chez Biocon, un des leaders mondiaux de la biotechnologie, que la coopération prend un tournant décisif. Fondée par Kiran Mazumdar-Shaw, figure de l’entrepreneuriat féminin en Inde, l’entreprise est spécialisée dans les biosimilaires ces médicaments à haute valeur ajoutée, essentiels dans la lutte contre des maladies chroniques comme le cancer ou le diabète.

Lors de la visite du site, les dirigeants annoncent une nouvelle majeure : Biocon installera sa première usine africaine en Algérie. Cette future unité de production pharmaceutique, qui sera dédiée à la fabrication de médicaments contre l’oncologie et le diabète, marque une étape stratégique dans les relations économiques entre les deux pays.

« Ce projet s’inscrit dans une vision de souveraineté sanitaire partagée », explique un responsable du développement international. « Nous voulons produire en Afrique, pour l’Afrique, avec des partenaires africains. Et l’Algérie a toutes les conditions pour devenir un hub pharmaceutique régional. »

Le projet ne s’arrête pas à la fabrication. Biocon prévoit aussi des transferts de technologie, la formation de cadres algériens, et un partenariat avec des universités pour renforcer les capacités locales dans les domaines pharmaceutique et biomédical.

Inde – Algérie : Un partenariat équilibré

L’Algérie, par son histoire, sa taille et son poids diplomatique, occupe une place de choix dans la stratégie indienne. Les liens historiques notamment via le Mouvement des non-alignés restent un socle solide. Mais aujourd’hui, les coopérations deviennent concrètes : pharmacie, satellites, formation, innovation. L’Algérie est perçue comme un pivot régional, capable de porter une dynamique plus large vers l’Afrique du Nord et le Sahel.

Pour Alger, c’est une opportunité géopolitique claire : diversifier ses alliances, attirer des investissements stratégiques non occidentaux, renforcer sa souveraineté industrielle, et jouer un rôle moteur dans une diplomatie Sud-Sud repensée.

Ce voyage en Inde révèle un pays qui avance avec méthode, vision et constance. Loin des effets d’annonce, l’Inde bâtit une relation structurée avec l’Afrique, fondée sur l’innovation, le respect mutuel et des intérêts bien compris. À la différence d’autres puissances, elle ne cherche pas à imposer, mais à convaincre par l’exemple.

Pour l’Algérie comme pour l’Afrique, c’est l’occasion de construire des partenariats équilibrés, où formation, production locale et souveraineté technologique sont au cœur des enjeux. Une alliance d’avenir, à condition qu’elle soit pleinement saisie, des deux côtés

BRICS : l’Inde clarifie sa position sur l’Algérie

Photo encadre

Lors de la rencontre officielle au ministère indien des Affaires étrangères, la délégation de journalistes africains a été reçue par Arun Kumar Chatterjee, secrétaire consulaire et de la diaspora. Ce dernier a tenu à souligner l’importance des relations bilatérales entre l’Inde et l’Algérie, « L’Algérie est un partenaire solide, fiable et respecté. Elle occupe une place particulière dans notre vision des relations avec l’Afrique, notamment en raison de son histoire, de sa stabilité et de son influence régionale. »

Le responsable a tenu a affirmé que l’Inde n’a jamais été opposée à l’adhésion de l’Algérie aux BRICS contrairement à certaines spéculations.  « Contrairement à certaines rumeurs, l’Inde n’a jamais été opposée à l’adhésion de l’Algérie aux BRICS. Nous avons toujours soutenu cette initiative. L’Algérie a toute sa place dans cette plateforme multilatérale. »

Ces propos confirment la volonté de New Delhi de renforcer ses partenariats avec les grandes puissances régionales africaines, dans un cadre multipolaire, fondé sur le respect mutuel et les intérêts partagés.

Par ailleurs, interrogé sur la position de l’Inde concernant la question du Sahara occidental, le Secrétaire consulaire a mis en avant l’approche prudente et constructive de son pays. « L’Inde soutient une solution politique mutuellement acceptable, en conformité avec les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations unies. Nous appuyons les efforts de l’Envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU et espérons qu’ils aboutiront à la reprise du dialogue entre toutes les parties concernées. » L’Inde, a-t-il ajouté, reste fidèle à une diplomatie de paix, respectueuse des souverainetés et visant à maintenir la stabilité régionale.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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