Avec un humour noir inattendu: « Once upon a time in Gaza » réussit à nous faire rire
L’histoire commence par des falafels et du tramadol. Ça paraît drôle, et ça l’est. Présenté au Festival de Cannes et attendu en salles le 25 juin, Once upon a time in Gaza nous a surpris par son humour décalé au milieu des bombes. Les frères Arab et Tarzan Nasser s’étaient déjà fait remarquer sur la […]

L’histoire commence par des falafels et du tramadol. Ça paraît drôle, et ça l’est. Présenté au Festival de Cannes et attendu en salles le 25 juin, Once upon a time in Gaza nous a surpris par son humour décalé au milieu des bombes. Les frères Arab et Tarzan Nasser s’étaient déjà fait remarquer sur la Croisette avec leur court-métrage Condom Lead en 2013, et leur premier long, Dégradé, en 2015.
Pourtant, depuis le début de cette 78e édition du festival, tout le monde parle plutôt du documentaire Put your soul on your hand and walk, sur la photojournaliste Fatima Hassouna tuée en avril. L’autre film gazaoui présenté à Cannes n’a rien à voir et tant mieux. Car les cinéastes palestiniens revendiquent aussi le droit de briller par la fiction, même si l’actualité reste toujours présente en toile de fond.
Once upon a time in Gaza parle d’amitié, de drogue, de vengeance et de cinéma. Des thèmes très hollywoodiens mais façon » Gazawood « . Les deux héros du film forment un duo aux antipodes. Osama (Majd Eid) est un vieux de la vieille, dealer de drogues bourru et vendeur de sandwiches à ses heures perdues. Il a pris sous son aile Yahya (Nader Abd Alhay), un jeune étudiant paumé qui prépare les sandwiches, en y cachant de la drogue sous les falafels selon les commandes.
Leur petit trafic fonctionne sans trop d’accrocs, jusqu’au jour où un flic corrompu décide de s’en mêler. Osama reste impassible à ses menaces, façon western à l’américaine, à grand renfort de regards en chien de faïence. Jusqu’à ce qu’une scène aussi inattendue que réjouissante, dans laquelle il livre ses meilleurs pas de danse, finisse en bain de sang. Voilà Yahya orphelin de son ami et guide, seul avec ses falafels et sa peine.
Le film fait un bond de deux ans et change presque complètement de direction. Fini la drogue dans les pains pitas, Yahya se fait embaucher pour jouer le rôle principal dans » le premier film d’action à Gaza « , réalisé par le ministère de la Culture. Once upon a time in Gaza rejoint la longue liste des films » meta « , qui filment les coulisses du cinéma, comme Once upon a time in Hollywood bien sûr ou encore Ça tourne à Séoul ! Cobweb, présenté à Cannes il y a deux ans.
Sauf que le tournage de ce film de propagande est une catastrophe. Yahya ne sait pas jouer, des soldats palestiniens doivent incarner des soldats israéliens à leur grand regret, les figurants ne comprennent pas qu’il s’agit de fiction. Cerise sur le gâteau, il n’y a pas de budget pour des accessoires, donc les acteurs tournent avec de vraies armes (chargées).
Ce film dans le film donne lieu à des scènes absurdes et comiques, et on se marre de bon cœur entre des moments beaucoup moins réjouissants, faisant évidemment écho à l’actualité. Le film commence en 2007, avant la destruction récente et massive de la bande de Gaza. Mais déjà à l’époque, les Gazaouis vivaient assiégés par le blocus imposé par Israël, suite aux élections législatives dont le Hamas est sorti majoritaire.
À la télévision, nos héros suivent l’avancé des plans de construction d’un mur entourant la bande de Gaza. Ils font face aux mêmes problèmes que les Palestiniens aujourd’hui : bombardements réguliers, pénurie de gaz, impossibilité de se rendre en Cisjordanie voir leur famille… Preuve qu’en près de dix ans, la situation n’a fait qu’empirer.
Avant de présenter leur film, les frères Nasser n’ont d’ailleurs pas parlé du passé, mais bien de l’avenir : » Plus tard, le génocide prendra fin, un jour il prendra fin. Et les récits que l’on entendra seront une honte pour l’humanité « , a lancé l’un des jumeaux au public cannois. Ces histoires-là n’ont malheureusement rien de drôle, ni de fictionnel.
R. C.