Algérie – France : Stora préconise des gestes mémoriels forts

L’historien français, grand spécialiste de la colonisation et de la guerre d’indépendance en Algérie, Benjamin Stora estime que des « gestes mémoriels forts » sont « indispensables » pour sortir de la crise diplomatique actuelle que traversent les relations algéro-françaises. Dans une interview diffusée ce mercredi, M. Stora estime que ces gestes ne peuvent, toutefois, […] The post Algérie – France : Stora préconise des gestes mémoriels forts appeared first on Le Jeune Indépendant.

Mai 21, 2025 - 16:48
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Algérie – France : Stora préconise des gestes mémoriels forts

L’historien français, grand spécialiste de la colonisation et de la guerre d’indépendance en Algérie, Benjamin Stora estime que des « gestes mémoriels forts » sont « indispensables » pour sortir de la crise diplomatique actuelle que traversent les relations algéro-françaises.

Dans une interview diffusée ce mercredi, M. Stora estime que ces gestes ne peuvent, toutefois, pas servir de « substitut à une reprise de lien politique ». Le travail de mémoire sur la guerre d’Algérie et la colonisation française est « indispensable », mais il ne suffira pas à lui seul à sortir de la crise, selon l’historien.

Ce travail est « un élément possible de sortie de crise, de toute façon indispensable, de toute façon nécessaire parce qu’on ne peut pas […] considérer que cette histoire algérienne est comme toutes les autres histoires », juge encore l’historien, auteur de nombreux ouvrages sur la question, dont dernièrement une bande dessinée Les Algériens en France, sorti en septembre 2024.

Selon son analyse, « on ne peut pas régler par un seul discours, par un seul geste, des rapports qui ont duré 132 ans. C’est très long 132 ans. C’est sur six générations », analyse Benjamin Stora. « Il faut être patient et avancer pas à pas, avec la volonté politique de régler » cette crise « dans la longue durée », poursuit l’historien, dans cet entretien accordé à l’agence AFP, rappelant que la relation entre la France et l’Algérie a été « sans arrêt parsemée de troubles, de cycles », « d’allers-retours entre crispations et dégel ».

Cependant, Benjamin Stora reconnaît que, cette fois, c’est « totalement inédit », car cette crise « s’installe dans la durée », qualifiant les tensions actuelles de « crise la plus importante depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962 ». Elle s’éternise, d’autant plus qu’en France comme en Algérie, il y a « des personnes, des organisations qui ont intérêt à ce que les choses ne se passent pas toujours très bien », dit-il, en référence à certains courants de la droite radicale, extrémiste, xénophobe et raciste, dont des représentants sont membres du gouvernement français actuel et dominent le paysage médiatique.

A ce propos, il cite le ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau, qui a fait « une grande partie de sa campagne » pour la présidence du parti Les Républicains, en appelant à l’« extrême fermeté » vis-à-vis d’Alger. « Il est évident qu’il y a des batailles politiques où chacun trouve un peu son compte, en entretenant la flamme d’une mémoire douloureuse », juge-t-il.

Selon l’historien, « on empêche la cicatrisation de la plaie », qui « se ravive à chaque fois ». La mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie, c’est « un peu comme des fantômes dans les placards. On a l’impression qu’on a tout fermé. On a tout cadenassé, mais ça s’échappe quand même, la mémoire revient quand même », dit-il.

Interrogé sur l’avenir des relations bilatérales, M. Stora ne voit pas de sortie de crise à brève échéance, « quand bien même la France consentirait à de nouveaux gestes mémoriels, estimant « très difficile d’entrevoir une rupture diplomatique au sens classique du terme », avec fermeture d’ambassade de part et d’autre.

« Des centaines de milliers de personnes circulent sans cesse entre la France et l’Algérie ou entre l’Algérie et la France », fait-il valoir, prônant inlassablement de poursuivre ce travail de mémoire pour conduire à l’apaisement.

Pour l’historien, la France se refuse à reconnaître ses crimes coloniaux. « Il faudrait des gestes forts, notamment sur la question du XIXe siècle », admet Benjamin Stora, rappelant les massacres commis par la France entre 1830, l’année du débarquement militaire et 1880, pendant la colonisation de l’Algérie.

Pour rappel, l’Algérie et la France vivent une tension extrême depuis déjà dix mois. Le point de départ de cette crise a débuté avec le soutien affiché par Paris du plan d’annexion marocain du territoire du Sahara occidental, alors que le dossier sahraoui est toujours en examen au niveau des instances onusiennes.

La crise a pris par la suite une nouvelle tournure, quand la France a décidé d’expulser plusieurs ressortissants algériens, notamment des influenceurs, sans aucune forme de procès équitable et sans le respect des préalables consulaires. L’arrestation du romancier Boualem Sansal, qui a acquis la nationalité française depuis quelques mois, pour des propos attentatoires à l’intégrité nationale, a encore été un nouveau prétexte pour Paris d’envenimer la crise.

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