Béjaïa: Ighil Ali, perle oubliée des Bibans
Notre périple au cœur de l’Algérie profonde nous emmène cette fois-ci à Ighil Ali, une commune de la wilaya de Béjaïa, nichée dans le massif montagneux des Bibans, à la frontière avec la wilaya de Bordj Bou Arréridj. Par Hafit Zaouche À chaque virage de ces routes sinueuses, l’Algérie nous rappelle combien elle est belle, […]

Notre périple au cœur de l’Algérie profonde nous emmène cette fois-ci à Ighil Ali, une commune de la wilaya de Béjaïa, nichée dans le massif montagneux des Bibans, à la frontière avec la wilaya de Bordj Bou Arréridj.
Par Hafit Zaouche
À chaque virage de ces routes sinueuses, l’Algérie nous rappelle combien elle est belle, ancienne et inexplorée. Ighil Ali en est la preuve éclatante : un territoire riche d’histoire, de paysages saisissants et de traditions vivantes. C’est au lieu-dit Bordj Bouni que notre aventure commence, à quelques kilomètres du centre de la commune. Notre randonnée, longue d’une vingtaine de kilomètres, traverse plusieurs joyaux : Ighil Ali, Kelaâ Aït Abbas, Tamelaht… Un itinéraire qui nous plonge à la fois dans la nature sauvage et la profondeur historique de la région. Au loin, se dresse la Kelaâ Aït Abbas, ancien bastion résistant, village fortifié perché à près de 1 200 mètres d’altitude. Il fut, au XVe siècle, la capitale d’un royaume berbère qui osa défier les Ottomans. Plus tard, la Kelaâ deviendra un haut-lieu de la résistance contre la colonisation française. On y visite aujourd’hui, dans le plus grand respect, la tombe de Cheikh El Mokrani, leader de l’insurrection de 1871, ainsi que la mosquée du village et le mémorial des martyrs. Chaque pierre ici respire l’héroïsme et la mémoire. Mais Ighil Ali, ce n’est pas que l’histoire. C’est aussi une nature exceptionnelle et un savoir-faire ancestral. Le site de Tamelaht en est le parfait exemple. Là, depuis des siècles, les habitants exploitent les salines de montagne, un procédé aussi ingénieux qu’écologique : de petits bassins de pierre recueillent l’eau salée qui, en
s’évaporant au soleil, laisse apparaître le précieux sel. Ces salines, réparties dans les villages de Kelaâ Aït Abbas, Aït Sradj et Belayel, ont longtemps constitué une source de vie pour les familles locales. Dans une volonté de redonner vie à ce patrimoine unique, une Fête du sel a été lancée il y a quelques années. Cette manifestation attire de plus en plus de visiteurs chaque été : randonnées guidées, expositions artisanales, dégustations de produits du terroir, démonstrations culinaires, vente de livres… Tout y est pour faire de cette région enclavée un haut lieu du tourisme culturel et durable. Belayel, perchée à plus de 800 mètres d’altitude, est justement au centre de cette renaissance. Ce village de pierre a gardé son âme et ses gestes d’autrefois. On y ressent un profond attachement à la terre, à la montagne, à la mémoire. La région regorge également de villages remarquables tels que Zina, Azrou, Moka, Takorabt, Tazayart, où l’architecture traditionnelle kabyle est encore intacte. Ces villages sont de véritables livres ouverts sur un mode de vie rural, paisible, harmonieux avec la nature. Mais aujourd’hui, Ighil Ali attend toujours son déclic. Loin des grandes infrastructures, ce territoire pourrait miser sur un tourisme de montagne doux et responsable. Il suffirait d’un peu d’aménagement, de formation locale, et d’une réelle volonté politique pour en faire un pôle d’attractivité économique et patrimoniale. L’accueil y est chaleureux, les paysages sont somptueux, l’histoire est omniprésente: tout est là pour séduire les amateurs d’authenticité. Alors que l’Algérie cherche à se repositionner sur la scène touristique mondiale, Ighil Ali mérite d’être mis en lumière. Car ce coin oublié des Bibans n’est pas seulement beau : il est porteur de sens, de mémoire et d’avenir.
H. Z.