Destitution
Après l’arrestation il y a quelques jours de 158 militaires soupçonnés d’être liés à la nébuleuse du défunt prédicateur Fethullah Gülen, accusé d’avoir ourdi une tentative de coup d’État en 2016, le gouvernement turc continue sa curée et procède à l’arrestation de plus de 120 membres de la municipalité d’Izmir, bastion de l’opposition dans l’ouest […]

Après l’arrestation il y a quelques jours de 158 militaires soupçonnés d’être liés à la nébuleuse du défunt prédicateur Fethullah Gülen, accusé d’avoir ourdi une tentative de coup d’État en 2016, le gouvernement turc continue sa curée et procède à l’arrestation de plus de 120 membres de la municipalité d’Izmir, bastion de l’opposition dans l’ouest de la Turquie. La «corruption» étant évoquée comme motif, selon les médias turcs et le parti CHP, qui dénonce une opération similaire à celle menée contre la mairie d’Istanbul en mars. Au total, 157 mandats d’arrêt ont ainsi été émis, rapportent les médias locaux, dont le quotidien Cumhuriyet et la chaîne de télévision privée NTV. Murat Bakan, vice-président du CHP (Parti républicain du peuple, social-démocrate), premier parti d’opposition qui gère la troisième ville du pays de longue date, précise sur X que l’ancien maire et de nombreux «hauts responsables» de la municipalité ont été arrêtés. «L’ancien maire de la municipalité métropolitaine, Tunc Soyer, de hauts fonctionnaires de l’époque et notre président provincial, Senol Aslanoglu, ont été arrêtés aux premières lueurs du jour. Nous sommes confrontés à un processus similaire à celui d’Istanbul», écrit Murat Bakan. Les accusations portées contre ces personnes, selon lui, ont déjà «fait l’objet d’enquêtes». «L’adresse de ces personnes est connue (…). Si elles étaient appelées à témoigner, elles se présenteraient». «Cette arrestation à l’aube n’est pas une obligation légale, mais un choix politique clair», dénonce aussi Murat Bakan dans un long message sur X. Le 19 mars, une opération similaire pour «corruption» avait été conduite contre le maire CHP d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, emprisonné depuis, qui fait figure de favori pour la prochaine présidentielle face au président Recep Tayyip Erdogan. Plus d’une centaine d’élus et de proches de l’édile ont également été arrêtés. Ces arrestations avaient jeté des dizaines de milliers de manifestants dans les rues des principales villes de Turquie, dont Istanbul, Ankara et Izmir, d’une ampleur inédite depuis le grand mouvement de protestation de Gezi en 2013. Des milliers de personnes avaient été arrêtées. Outre les personnes déjà citées, la chaîne NTV mentionne un ancien secrétaire général de la municipalité métropolitaine, le responsable d’une compagnie locale de travaux publics ou encore un membre de la Chambre de commerce d’Izmir. Le CHP, parti fondé par le «père» de la République turque, Mustafa Kemal «Atatürk» et première force d’opposition au Parlement, est par ailleurs dans le viseur du pouvoir, qui l’attaque en justice pour «fraude» lors de son dernier congrès, ce qui pourrait entraîner la destitution d’Özgür Özel, le leader actuel du parti qui a été élu en novembre 2023. Le CHP estime que le procès est destiné à le mettre sous pression et à le punir pour avoir initié la contestation en mars et en raison de son ascension continue dans les sondages. Le procès, qui s’est ouvert lundi devant un tribunal d’Ankara, a été renvoyé au 8 septembre. «Aucun complot contre notre parti n’est indépendant du coup d’État du 19 mars», a estimé Özgür Özel. Mais les motivations des dirigeants turcs sont très claires, dépouiller l’opposition de tout pouvoir et de toute influence pour assurer la pérennité du «règne» d’Erdogan sur le pays. Car les prochaines élections présidentielles sont dans tous les esprits, même si pour le moment le maître d’Ankara assure ne pas vouloir briguer le quatrième mandat et penserait à sa succession et au maintien de son parti au pouvoir. Pourtant, toutes les actions du dirigeant turc, loin de ses paroles, laisse entrevoir une ambition encore vivace. Erdogan a ainsi encore trois ans pour revenir sur ses propos et trouver une raison qui le pousserait à se présenter, par devoir probablement, à sa propre succession et à maintenir sa mainmise sur le pays qui dure depuis déjà près de trente ans.