Images de Ferhat Abbas en Chine: Diffusées 52 ans plus tard à la TV française

Longtemps sans nom, la guerre d’Algérie a également été une guerre sans images. A plus forte raison quand il est question des sujets qui fâchent comme ‘’la question’’ — la torture –, la répression sous toutes ses formes et, bien évidemment, la visibilité des ‘’chefs de la rébellion’’ quand ils sont hors arrestation.

Sans surprise, la visite historique de Ferhat Abbas en Chine a brillé par son absence sur les deux chaînes de la « RTF ». Il aura fallu attendre 52 longues années pour voir en voir les images sur un des écrans du « PAF », le paysage audiovisuel français.

Les images de la visite rythment un film documentaire — « Guerre d’Algérie, la déchirure » — diffusé sur France 2 en mars 2012 à l’occasion des 50 ans de la guerre d’Algérie. ‘’Premier film tout en archives’’ sur le conflit, cette production a été conçue par le réalisateur Gabriel Le Bomin, auteur d’un long métrage à succès sur la Première guerre mondiale – « Les Fragments d’Antonin » –, et par Benjamin Stora.

Pour nourrir leur documentaire, le réalisateur et l’historien ont exploité des archives inédites de l’armée française (ECPAD), des sources algériennes, des images de la BBC et de télévisions d’Europe de l’Est. Ils se sont appuyés également sur des fonds d’images filmés par des amateurs collectés par des cinémathèques régionales, des films familiaux ou de la Croix-Rouge suisse. Au total, quelque 140 heures de rushs disponibles pour deux heures de récit, selon le réalisateur.

Singularité du documentaire, le récit – écrit par l’historien et le réalisateur — est sans témoignages ‘’mais accompagné d’un commentaire en voix off ‘’ de Kad Merad, l’acteur franco-algérien né en Algérie deux ans après l’indépendance. ‘’C’est un film très original et très difficile à faire, parce qu’il y a des épisodes de cette histoire qui n’ont pas d’archives filmées. Donc il a fallu travailler à leur représentation filmique’’, ajoute l’historien. Parmi les images ‘’jamais vues à la télévision française’’, explique Stora, celles de la visite de Ferhat Abbas, ‘’accueilli par une foule immense’’.

La foule à Pékin accueillant le chef du GPRA

Considérée par la France comme une question de politique intérieure, ‘’l’affaire algérienne’’ était programmée à l’agenda des travaux de l’Assemblée générale des Nations unies. Du reste, au moment où Ferhat Abbas s’apprêtait à s’envoler vers Pékin via Moscou, le vice-président du GPRA, Krim Belkacem, se préparait pour une mission à New-York à la tête d’une délégation comprenant Mohamed Yazid, ministre de l’Information, et Ahmed Francis, ministre des Finances. Vue de Paris, la visite de Abbas était promise à la censure d’autant que l’ex président de l’UDMA s’y trouvait en qualité de président du Gouvernement provisoire de la République algérienne, un organe nul et non avenu.

Etablissement audiovisuel public chargé, entre autres missions, de conserver le patrimoine audiovisuel français, l’INA donne à voir les images de cette visite. En tout, une minute et cinq secondes. ‘’Muet’’, le document est dénué de commentaire, de son d’ambiance, le matériau provient des ressources des « Actualités filmées » (AF)ou «

Actualités cinématographiques », l’organisme qui diffusaient, entre 1945 et 1969, des actualités brèves dans les salles de cinéma avant le début du film et pendant l’entracte. Archivées à l’INA qui en a racheté le fonds, les « AF » sont commercialisées à la demande pour les chaînes de télévision en France et dans le monde. Elles sont également accessibles aux chercheurs et historiens pour les besoins de leurs travaux.

Rédigée par un des documentalistes de l’INA, une notice confirme que les images de l’arrivée de Ferhat Abbas à Pékin sont archivées dans la collection des ‘’(actualités) non utilisées’’ à l’époque. Hormis le cérémonial de l’arrivée, aucune autre image sur une visite longue de six jours n’est disponible sur le site officiel de l’établissement en charge du patrimoine audiovisuel.

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