Moudjahidine condamnés à mort: Le jour de l’indépendance, de la prison à la vie

Les derniers jours précédant le recouvrement de la souveraineté nationale, le 5 juillet 1962, restent gravés dans la mémoire des moudjahidine condamnés à mort. Par Samiha Bey Dans les prisons du colonisateur français régnait une atmosphère d’attente faite d’espoir et de joie à l’approche de la réalisation du rêve de la victoire et de l’indépendance, […]

Juil 4, 2025 - 23:42
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Moudjahidine condamnés à mort: Le jour de l’indépendance, de la prison à la vie

Les derniers jours précédant le recouvrement de la souveraineté nationale, le 5 juillet 1962, restent gravés dans la mémoire des moudjahidine condamnés à mort.

Par Samiha Bey

Dans les prisons du colonisateur français régnait une atmosphère d’attente faite d’espoir et de joie à l’approche de la réalisation du rêve de la victoire et de l’indépendance, après de grandes souffrances et d’immenses sacrifices. Le moudjahid Benayad Kaddour, président du bureau de wilaya de l’Association nationale des anciens condamnés à mort, a déclaré à l’APS, à la veille de la célébration du 63e anniversaire du recouvrement de la souveraineté nationale, que les sentiments qui l’envahissaient, lui et ses compagnons dans la prison de Serkadji (ex-Barberousse) à Alger et celle de Lambèse à Batna étaient mitigés : une immense joie à l’idée de la fin imminente du colonialisme et de l’accession à la liberté, mais aussi une certaine inquiétude quant aux éventuelles représailles du colonisateur envers les prisonniers. «Rien que d’imaginer que nous allions échapper à la peine de mort relevait du rêve. Personne n’aurait cru que ces prisons, où nous avons vécu l’enfer, ouvriraient un jour leurs portes pour nous laisser sortir vivants. C’était comme une renaissance», a-t-il témoigné. Selon lui, les informations parvenant aux moudjahidine en prison étaient très limitées, «mais la plus importante concernait la proximité de l’indépendance et l’expulsion du colonisateur français. Il y avait un sentiment général de joie et d’espoir à l’idée de voir enfin la victoire et la libération, qui venaient couronner une longue lutte et d’énormes sacrifices». Les geôliers français s’employaient à démentir toute information susceptible d’apporter un peu de réconfort aux détenus, allant jusqu’à diffuser de fausses nouvelles sur des défaites ou des pertes imaginaires de l’Armée et du Front de libération nationale, afin de briser l’espoir qui représentait la principale source de survie morale pour les moudjahidine emprisonnés, selon le témoignage du même moudjahid. A la fin des négociations, en mars 1962, poursuit Benayad Kaddour, «la bonne nouvelle de l’indépendance imminente est tombée, les exécutions ont cessé, mais les geôliers prenaient plaisir à sortir la guillotine, à la nettoyer et à la préparer chaque jour, comme une forme de torture psychologique», rappelant avoir été arrêté par le colonisateur après avoir mené une opération de fida à Oran. De son côté, le moudjahid Aidine Mekki, qui avait participé à la même opération que Benayad, a affirmé que l’annonce de l’indépendance a été, pour les condamnés à mort, comme un «retour à la vie». «Nous étions comme morts dans les prisons», a-t-il dit. Il a ajouté qu’ils avaient été soumis à «des tortures physiques et psychologiques barbares, quotidiennement, dans des centres de détention dénués de toute condition humaine. Les détenus y étaient brûlés, pendus, battus, voire tués». Quant au moudjahid Khodja Mohamed, également condamné à mort et transféré dans une prison en France, il a témoigné que l’annonce de l’indépendance prochaine fut comme un rayon d’espoir reflétant la force de la volonté et du sacrifice des moudjahidine pour la libération du pays. Il a précisé que ce sentiment était, cependant, teinté de prudence, notamment chez les Algériens détenus en France. Originaire de la wilaya de Sidi Bel Abbès, où plusieurs de ses frères et membres de sa famille sont tombés en martyrs durant la guerre de Libération, M. Khodja a relaté que les tortures et l’intimidation qu’il a subies en France dépassent l’entendement. Même après l’arrêt des exécutions, en mars 1962, «nous vivions une mort lente chaque jour, à travers la faim, la torture physique et psychologique, qui conduisait souvent à la mort», se souvient-il. Toutefois, a-t-il ajouté, «l’espoir de l’indépendance était pour nous une source de force et d’inspiration, qui nous aidait à endurer la souffrance et à résister à la répression». Malgré les conditions inhumaines vécues par ces moudjahidine dans les prisons coloniales, ils conservaient la foi que le peuple algérien poursuivrait son combat pour la liberté, qu’ils n’étaient pas seuls dans ce combat et que les victoires du Front et de l’Armée de Libération Nationale renforçaient leur détermination. Ils espéraient vivre le jour de l’indépendance, retrouver leurs familles et participer à la construction de l’Algérie libre. Et ce rêve, ils ont fini par le réaliser.
S. Bey/APS