Palestine : le cri du président colombien face à la supercherie occidentale

Une contribution de Julie Jauffrineau – Devant la récente vague de reconnaissances de l’Etat de Palestine par la France, la Belgique, le Royaume-Uni, le Canada ou encore l’Australie, trois questions subsistent : comment expliquer la reconnaissance de l’Etat de Palestine par une partie des principaux soutiens militaires au régime colonial israélien ? Pourquoi ces ... Lire la suite

Oct 3, 2025 - 09:23
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Palestine : le cri du président colombien face à la supercherie occidentale

Une contribution de Julie Jauffrineau – Devant la récente vague de reconnaissances de l’Etat de Palestine par la France, la Belgique, le Royaume-Uni, le Canada ou encore l’Australie, trois questions subsistent : comment expliquer la reconnaissance de l’Etat de Palestine par une partie des principaux soutiens militaires au régime colonial israélien ? Pourquoi ces reconnaissances n’arrivent que maintenant, avec plus de 75 ans de retard et au terme de deux années de génocide ? Cela va-t-il mettre fin au génocide en cours à Gaza ?

En l’occurrence, les conditions données à l’établissement d’un Etat palestinien ne sont contraignantes que pour les Palestiniens. Elles répondent aux exigences du régime colonial israélien : retour des otages et démilitarisation des territoires palestiniens.

Mais alors, doit-on y voir une prise de conscience humaniste maladroite ou serait-ce une tactique pour endormir l’opinion publique afin qu’Israël mène le génocide à son terme ? Le président colombien, Gustavo Petro, a montré la marche à suivre aux peuples du monde.

Les silences évocateurs des reconnaissances de l’Etat de Palestine

On a vu monter la colère d’Israël à l’égard des pays occidentaux lorsque ceux-ci ont promis de reconnaître l’Etat de Palestine. Netanyahou arguait que vouloir reconnaître l’Etat de Palestine, c’était «alimenter le feu antisémite» et qu’«il n’y aura pas d’Etat palestinien à l’ouest du Jourdain». Cela suggère que nos gouvernements ont décidé de faire face au gouvernement Netanyahou et à sa politique génocidaire.

C’était sans compter les non-dits. Les chefs d’Etat et de gouvernement se sont targués de reconnaître la Palestine, mais ont tu l’occupation illégale de territoires par le régime colonial qui ne cesse de s’intensifier. Pourtant, en septembre 2024, l’Assemblée générale des Nations unies avait appelé Israël à mettre fin à l’occupation dans un délai d’un an. Ce que le régime colonial n’a pas fait.

L’éviction de l’UNRWA (l’Agence des Nations unies dédiée aux réfugiés palestiniens), depuis octobre 2024, pour apporter l’aide alimentaire à la population assiégée de Gaza, n’a pas été mentionnée dans les discours de ces mêmes chefs d’Etat. Le sixième véto états-unien sur la fin du génocide, non plus. L’attaque de la résidence à Doha, où les cadres du Hamas s’étaient réunis pour évaluer la proposition sur le cessez-le-feu à Gaza, non plus. Personne n’a rappelé le droit à recourir aux armes pour tous les peuples sous occupation, consacré par les résolutions de l’ONU. Si 75 ans n’ont pas permis de contraindre les Israéliens à se plier au droit international, la lutte armée n’est-elle pas légitime ?

On peut aussi penser que le refus états-unien d’accorder un visa à Mahmoud Abbas, tenu de faire son discours à l’ONU en visioconférence, leur aura semblé naturel : aucun d’entre eux n’a eu l’audace de critiquer cette décision.

En revanche, le retour des otages israéliens était au cœur de leur discours. Mais aucun n’a osé faire le parallèle avec les centres de torture israéliens où sont entassés les milliers d’otages palestiniens, pour beaucoup sans procès ni avocat, isolés, torturés, amputés, violés, massacrés. Depuis le 7 octobre, plus de 76 prisonniers sont morts dans ces geôles. Pas un mot. Pas même un mot pour exiger d’Israël la restitution des corps de ces prisonniers à leur famille. Rien

Face à ces silences coupables, devrions-nous encore croire que nos gouvernements se sont désolidarisés du régime colonial israélien ? Ne serait-ce pas plutôt un jeu de dupes afin de donner quelques gages à l’opinion publique pour mieux anéantir la lutte anticoloniale en Occident ?

Le véritable «jour d’après»

Lorsqu’Emmanuel Macron s’est exprimé à la tribune de l’ONU pour reconnaître l’Etat de Palestine, le masque est tombé. Il a avoué les véritables intentions cachées derrière cette vague de reconnaissances : «Cette reconnaissance est la solution qui, seule, permettra la paix pour Israël.» Ces reconnaissances n’ont aucune portée humaniste à l’égard du peuple palestinien, affamé et croulant sous les bombes, mais une portée impérialiste. Elles visent à assurer la continuité de l’existence de ce bastion colonial, en plein cœur du Moyen-Orient, et à conforter la toute-puissance du régime dans la région.

Au moment où Israël perd sa crédibilité à l’échelle internationale, les dirigeants occidentaux, sous couvert de reconnaître l’Etat palestinien, reconnaissent la légitimité d’Israël et de ses massacres via la solution à deux Etats. A travers cette comédie machiavélique, ils accordent au régime d’apartheid les pleins pouvoirs sur «l’Etat palestinien». Au lendemain de sa reconnaissance, le président français osait affirmer : «La deuxième étape, c’est ce qu’on appelle le jour d’après, c’est de dire, à Gaza, on met en place une autorité de transition dans laquelle d’ailleurs Israël sera consulté et pourra, non pas pourra, aura à dire oui ou non sur chaque membre.»

L’Etat palestinien qu’il promet sera donc nommé par Israël, sous tutelle occidentale. Une tutelle qui pourrait s’établir avec Tony Blair pour représentant de l’Autorité internationale de transition : cet ex-Premier ministre britannique, architecte de la guerre en Irak aux côtés des Etats-Unis. Doit-on y voir le retour du mandat britannique sur le territoire palestinien ?

C’est pourquoi Francesca Albanese, rapporteur spéciale des Nations unies, écrivait : «Les Etats membres de l’Assemblée générale des Nations unies qui reconnaissent la Palestine, tout en ajoutant de nouvelles conditions (démilitariser, censurer les manuels scolaires, sélectionner les candidats), montrent une méconnaissance totale de trois faits fondamentaux : le colonialisme est révolu ; l’autodétermination est inconditionnelle ; agir ainsi dans un contexte de génocide témoigne d’un mépris pour la dignité humaine.»

Une vision partagée par Gustavo Petro, le président colombien. Après son discours aux Nations unies, qui restera ancré dans l’histoire, il s’est emparé d’un porte-voix, devant le parvis de l’Assemblée générale des Nations unies, pour s’adresser à la foule de manifestants pour Gaza. Excédé par la violence des politiques impérialistes, il a encouragé les soldats états-uniens à «désobéir à Trump», ce qui n’a pas manqué de déplaire à Washington, seul à jouir de telles prérogatives auprès des autres peuples – souvenez-vous du Maïdan en Ukraine ! Et il a invité la foule à «obéir aux ordres de l’humanité», tout en appelant à la création d’une «armée de sauvetage du monde qui aura pour première tâche de libérer la Palestine».

Un véritable cri humaniste qui se distingue des prétendus discours de paix des dirigeants occidentaux, prospecteurs de guerres. Ils croient pouvoir en finir avec la lutte pour le droit à l’autodétermination du peuple palestinien, elle ne fait que s’enraciner.

Gustavo Petro, ce président colombien dont le pays héberge huit bases militaires états-uniennes, a osé défier l’empire. Il a pris le risque de s’adresser à la foule new-yorkaise pour porter le flambeau de la lutte pour l’humanité. Désormais, qu’en sera-t-il du «jour d’après» ? Sera-t-il à l’image des espoirs abjects des chancelleries occidentales ou donnera-t-il raison aux voix des peuples du monde ? Une nouvelle flamme s’est allumée. Le colonialisme ne saura vaincre notre foi en la dignité humaine.

J. J.

Pour Algeriepatriotique

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