Quand François Mitterrand jurait de «récupérer l’Algérie sans payer un sou»
Une contribution d’Abdelkader Benbrik – La comédie jouée à la télévision par le président français dérogeait-elle aux principes moraux dont... L’article Quand François Mitterrand jurait de «récupérer l’Algérie sans payer un sou» est apparu en premier sur Algérie Patriotique.
Une contribution d’Abdelkader Benbrik – La comédie jouée à la télévision par le président français dérogeait-elle aux principes moraux dont se prévaut la France dans la conduite de ses relations internationales ? Voici quelques autres exemples qui peuvent aider le lecteur à se faire une opinion. Au début de l’année 1991, un capitaine et un adjudant français perdirent la vie dans un banal accident d’avion. Mais celui-ci survint au… Soudan et l’avion était chargé d’armes destinées au maquis du rebelle tchadien Hissène Habré, qui s’apprêtait à lancer une offensive contre le gouvernement légal du président Goukouni Ouedeï. Hissène Habré avait bien fait assassiner, quelques années plus tôt, un officier français, le commandant Galopin, mais la raison d’Etat recommandait «d’oublier» ce détail. Le problème est qu’alors, au moment de cet événement, la France soutenait officiellement Goukouni Ouedeï. Tout en aidant celui-ci à mener la guerre contre la Libye, la France armait ses opposants en leur livrant des armes via le Soudan, faisant fi de l’accord de défense qui liait la France au Tchad. Quelques mois plus tard, en novembre, et grâce à l’aide de la France, Hissène Habré prenait le pouvoir à N’Djamena et, aussitôt, les autres opposants de celui-ci entrèrent dans les grâces des services spéciaux français.
Le lecteur ordinaire pourrait s’offusquer de cette curieuse politique africaine de la France : apportons-lui un éclairage supplémentaire en lui rappelant qu’en 1981, au moment de ces événements, la CIA fournissait au même Hissène Habré des centaines de millions de dollars pour l’aider à faire la guerre à la Libye, plus tard, las de voir Kadhafi survivre à toutes les opérations secrètes, les Etats-Unis entreront en scène officiellement avec leurs porte-avions et leurs missiles.
Une autre affaire pourrait édifier le lecteur. En février 1983, le lieutenant-colonel français Nut Bernard, des services spéciaux, fut découvert mort, une balle dans la tête, près de Nice. Le juge d’instruction commis pour l’enquête fut rabroué par cet argument-massue : «secret défense». Juste après le meurtre en France d’Henri Curiel, un militant révolutionnaire juif d’origine égyptienne, les trois juges commis pour cette enquête mirent la main sur un rapport explosif. Celui-ci relatait les discussions téléphoniques de plusieurs ministres… français, en poste au moment de l’assassinat de Curiel.
Voici une autre affaire plus explicite encore, celle qui survint en Espagne, en mai 1986, lorsque le journal Cambir 16 apprit à ses lecteurs que les services français utilisaient, depuis plusieurs mois, une organisation terroriste moyen-orientale baptisée «L’appel de Jésus». Le groupe terroriste s’apprêtait à commettre un attentat dans les locaux madrilènes… d’Air France. L’enquête, qui mit dans l’embarras les capitales espagnole et française, allait révéler qu’il s’agissait en fait d’un montage du contre-espionnage français destiné à provoquer l’expulsion de France de diplomates libyens. Les trois terroristes arrêtés par les Espagnols étaient en fait de vulgaires malfrats payés à la commande. Il en est beaucoup, de ce genre, qui furent broyés pour de fumeuses opérations destinées à déstabiliser des gouvernements «amis».
En 1986, par exemple, le président français François Mitterrand ordonna d’entraîner en France une unité spécialisée dans les armes modernes, en particulier les lance-roquettes, et d’envoyer ces «combattants de la liberté» se battre en Afghanistan. La France puisait alors dans les stocks égyptiens pour fournir aux «moudjahidine» afghans des armes vers le Pakistan et Peshawar.
Le 7 juillet 1988, l’agence soviétique Tass annonçait que «des conseillers militaires français avaient été tués lors d’un accrochage avec des moudjahidine». Bien sûr, le ministère français des Affaires étrangères protesta contre ces accusations. Le même président François Mitterrand fit cette confidence à l’un de ses invités. Cela s’est passé en décembre 1988, à l’Elysée, au cours d’un dîner offert dans le cadre des traditionnelles réceptions de Noël. On en était au dessert lorsque le maître de l’Elysée, qui avait l’esprit accroché au problème de l’indemnisation des pieds-noirs, se pencha vers son invité de gauche et lui chuchota à l’oreille : «Vous verrez, mon ami, je vous rendrai l’Algérie sans débourser un sous.» L’homme auquel venait de s’adresser le président français fut stupéfait d’entendre cette promesse car il n’était pas un pied-noir, il n’avait pas fait la Guerre d’Algérie et ne s’était jamais mêlé ni de près ni de loin aux «affaires algériennes». Cette «confidence» fut faite en décembre 1988, c’est-à-dire trois mois après les violentes émeutes qui ont ébranlé l’Algérie.
L’Un des spectateurs de ces émeutes placé en seconde loge, allait être abattu au début de l’année 1993, en France, Jacques Roseau, enfant d’Alger, fer de lance des jeunes pieds-noirs pendant les dernières années de la Guerre d’Algérie, fut abattu à bout portant par un autre pied-noir, un ancien activiste de l’OAS, qui appartenait à une association qui se revendiquait des pieds-noirs» : Repliés. Cette autre association, qui avait organisé de 1986 à 1990 plusieurs séjours en Algérie de quelques centaines de pieds-noirs, écrivait en juin 1992 dans un communiqué de presse : «Les 350 pieds-noirs venus à Oran témoignent que l’accueil qui nous fut réservé à travers la ville était chaleureux, fraternel, aussi bien du côté officiel – mairie, préfecture, presse, responsables privés et population dans son ensemble –, avec un gala sportif et folklorique. Les 30 à 40 enfants de chouhada qui auraient protesté contre notre visite n’étaient que des désœuvrés payés par le FLN, un FLN en pleine implosion qui n’hésite pas à employer tous les moyens pour garder le pouvoir ou redorer son blason en tentant de réveiller les souvenirs les plus douloureux relatifs à la Guerre d’Algérie»
Quelques mois plus tard, l’Algérie pénétrait dans la décennie noire et le même président français, François Mitterrand, l’ancien ministre de l’Intérieur et de la justice durant les années 50, qui a lancé sa phrase, «le dernier quart d’heure des fellaga», prendra position en faveur des terroristes, alors qu’auparavant, il avait cautionné le «Plan bleu», un plan diabolique qui visait la déstabilisation de l’Algérie. C’est le «Plan bleu» qui rassemble tous les dénominateurs communs qui les explique. De quoi s’agit-il, au fait ? Refaire absolument tout ce qui fait aujourd’hui l’Algérie par le biais de l’économique : refaire les villes, les routes, les forêts, les usines, le logement, les universités, les lycées, leurs programmes, refaire les loisirs, le cinéma, les livres, refaire les Algériens en un mot, pour produire un Algérien conforme à l’esprit de la révolution française de 1789, un Algérien qui se façonne de la sorte sera semblable au juif qui a été réhabilité en 1793.
Mais celui-ci n’a pas pour autant renoncé à ses valeurs. Le «Plan bleu» ne concerne pas seulement l’Algérie. C’est tout le pourtour méditerranéen qui délimite son champ d’action mais, curieusement, il n’y a que l’Algérie qui en reçoit une application directe. En 1987, dans une antichambre du palais de l’Elysée, lorsque le «Plan bleu» est sorti des presses de l’éditeur, un haut fonctionnaire français a posé cette question ô combien importante : «Comment vont-ils lire cela ?» Son vis-à-vis répondit : «Ils ne le liront pas. Les banques que nous gérons en Espagne (Barcelone) et en Tunisie assurent la canalisation des regards vers les voisins. N’ayez crainte, le dossier est crédible. Les risques se situent au niveau des contours, du discours culturel.
Mai 1992. Un agent des services spéciaux français arrive à Oran. Il s’agit de Mme M. V. S., épouse d’un ancien journaliste algérien. Elle arrive à Oran en tant que conférencière, de quoi veut-elle persuader les étudiants et les lecteurs algériens ? Eh bien, tout simplement de la nécessité de jeter aux orties les préjugés qui relèvent du mariage «arabe». Cette conférencière qui a mis au point en 1985 l’opération «Raï en Oranie», pour laquelle les deux walis (préfets) d’Oran, MM. Rachid Merrazi et Baghadadi Laâlaouna – malgré l’opposition du FLN d’Oran –, ensuite ont été mis à contribution. N’oublions pas qu’en 1984, les Oranais avaient décidé de réhabiliter la festivité annuelle de cette ville. A l’époque, c’était Waâdat Sidi El-Houari. L’année 1984, Oran organisera Maoussem Sidi El-Houari, c’est-à-dire, réhabilitation des traditions et coutumes du patrimoine national socio-culturel.
L’AFP, parmi les dizaines de reporters, couvrait cet événement à travers son correspondant de l’époque à Alger. Ce festival, qui a mis à jour les belles traditions arabo-amazighes musulmanes, devait se concrétiser chaque année. Malheureusement, l’année suivante, soit en 1985, ce Maoussem a disparu et a été remplacé par ledit «festival national du raï», soutenu par une armada de figures venues de France sous diverses couvertures, parmi eux, des fils de harki. L’attachée de presse de la wilaya, Mme S., devenue plus tard directrice d’une radio nationale (FM) leur offrait toutes les facilités sur ordre du wali. L’opposition du FLN a réussi à barrer la route à ce festival qui ne sera pas réédité l’année suivante 1986. Mais la haute sphère du pays donna son accord pour qu’en 1986, ce même festival soit organisé en France, à la salle du Zénith. Une armada de journalistes du secteur étatique, de dizaines de chanteurs adeptes du raï dépêchés à la capitale française, à leur tête, la chanteuse Remiti, passée pour la doyenne du chant du patrimoine populaire culturel. A leur retour, le champ du Sanctuaire du Martyr à Alger fut ouvert à ce chant qui n’avait aucun lien avec l’Algérie.
Alors que dans un rapport qui traîne dans l’un des tiroirs des services spéciaux français daté du 25 juin 1986 et précédé du rappel «financement ATP, recherches féministes, recherches sur les femmes», Mme M. V. S. rend compte d’une mission de 20 jours effectuée à Alger et Oran. Elle a même visité Aïn Tadeles lors du festival de la poésie populaire et de la chanson bédouine, elle était surveillée de près par un journaliste algérien. Dans la conclusion de son rapport aux ministères de la Défense et de la Culture français, la démarche à suivre pour dissocier les textes et les chants des medahate de la pratique religieuse et faire de leurs prestations des fêtes de la danse, profane, de plaisir, c’est-à-dire gommer de ce «métier» tous les chants religieux et ne laisser que les thèmes liés au raï.
Il y avait aussi des manifestations «culturelles» organisées par les centres culturels français durant la décennie 80, certains de nos compatriotes se sont jetés corps et âme dans ce cercle, y compris l’ancien secrétaire général de l’organisme des artistes à cette époque, en l’occurrence M. N. M, qui, après quelques verres, se rappelant de son «tebrah», n’a pas hésité à crier haut et fort devant les présents, parmi eux des avocats d’Oran : «Fi khater França walli ma yebghihach yemout bel ghossa !» (Je lève mon verre à la France et que celui qui ne l’aime pas crève).
Certainement, ce sont des agissements qu’on n’oublie pas. Parce que tout de suite après, durant les années 90, nous avons payé le prix fort. Des hommes et des femmes d’une grande culture, qui formaient l’intelligentsia du pays, ont été assassinés. L’Algérie avait fait face à un vaste complot d’aliénation, sauvée grâce aux valeurs des enfants de l’Algérie qui ont mis le complot en échec.
A. B.
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