A force de présider sans incarner : Emmanuel Macron à l’épilogue du pouvoir

Une contribution du Dr A. Boumezrag – Sept ans de pouvoir, mille discours, des crises à la pelle et une République... L’article A force de présider sans incarner : Emmanuel Macron à l’épilogue du pouvoir est apparu en premier sur Algérie Patriotique.

Juil 6, 2025 - 08:24
 0
A force de présider sans incarner : Emmanuel Macron à l’épilogue du pouvoir

Une contribution du Dr A. Boumezrag – Sept ans de pouvoir, mille discours, des crises à la pelle et une République qu’on pilote à coups de récit, d’algorithmes et d’interviews fleuves. Emmanuel Macron achève son mandat comme il l’a commencé : en parlant beaucoup, en décidant seul et en incarnant peu. Au crépuscule de sa présidence, il reste une question en suspens : a-t-il vraiment gouverné ou seulement occupé l’écran ?

Il voulait être Jupiter. Il aura surtout été le dieu des éléments de langage. Président-hologramme projeté sur les écrans des Français, Emmanuel Macron aura laissé l’impression constante de dire quelque chose, tout en s’éclipsant au moment où il aurait fallu être quelqu’un.

Sept années à présider sans incarner. A régner sans exister. A parler sans peser.

Le général De Gaulle incarnait la France au point d’en devenir l’ombre portée. Mitterrand, l’histoire et la littérature. Chirac, la France rurale et bonhomme. Même Sarkozy, dans sa frénésie agitée, laissait deviner une incarnation, certes, bruyante mais palpable. Et Hollande… au moins il n’en faisait pas mystère.

Macron, lui, s’est glissé dans le costume présidentiel comme on enfile un costume pour TEDx. La parole en bandoulière, l’intelligence en étendard, mais l’incarnation aux abonnés absents. Il aura parlé à l’Histoire comme on écrit un post LinkedIn : bien tourné, consultable, partageable. Mais sans mystère. Sans souffle.

Il aura voulu «moderniser» la fonction. Il l’a virtualisée.

La République avait besoin d’un capitaine. Elle a hérité d’un stratège de communication. Elle espérait un destin. Elle a reçu un storytelling.

Car il faut dire ce qui est : Emmanuel Macron sait parler. Trop peut-être. De l’Ukraine à la réforme des retraites, du climat à la mémoire coloniale, il a tout dit. En long, en large, en diagonale. Il a analysé, contextualisé, verbalisé, enjambé. Mais qu’a-t-il réellement décidé, incarné, assumé ?

Le politique s’efface devant le narratif. Le courage devant la «complexité». L’Histoire devant le «en même temps».

Et pourtant, ce Président sait tout. Il anticipe les objections. Il connaît les limites. Il voit les tensions. Mais à force de voir, il ne tranche plus. Il arbitre sans conviction, gouverne par technocratie, parle de la France comme d’une entreprise en restructuration.

Il se veut post-idéologique, donc post-politique. Résultat : il est devenu post-présidentiel.

Macron ne gouverne plus : il modère un débat national permanent.

Sur l’Algérie ? Il confesse, nuance, réfléchit. Sans jamais reconnaître. Sur la jeunesse ? Il consulte, capture des vidéos. Sans jamais protéger. Sur les institutions ? Il parle de «refondation». Sans jamais réinventer. Sur l’Europe ? Il la sublime. Sans jamais convaincre.

La France se cherche un cap. Lui, lui tend un miroir. Et maintenant que son règne s’achève, que reste-t-il ?

Pas de grand dessein. Pas de legs clair. Pas de «moment Macron». Seulement une hyper-présidence creuse, suspendue à des algorithmes, une présidence qui a voulu échapper aux vieux clivages pour ne garder qu’un ego en orbite.

Une présidence désincarnée dans un monde qui réclame, plus que jamais, de l’épaisseur, du tragique, du courage ; bref, de la présence.

Emmanuel Macron aura sans doute marqué son époque. Mais à force de parler à la place de la France, il a oublié de la porter. Le pouvoir ne se décrit pas. Il s’incarne. Le reste n’est que performance.

Macron ou l’art de finir sans chute

Emmanuel Macron aura traversé la présidence comme un comédien surdoué sur une scène trop réelle. Il a brillé dans le monologue, excellé dans l’improvisation, mais jamais vraiment su conclure l’acte. Et à présent que le rideau tombe, le public hésite entre les applaudissements polis… et l’envie de sortir sans saluer.

Il s’en ira probablement sans effondrement, sans tragédie, sans panache – mais aussi sans héritage. Un Président qui a voulu moderniser la fonction jusqu’à la dissoudre. Ni aimé ni haï comme les autres. Simplement évité.

A mesure que son ombre s’efface, on mesure l’étrangeté de cette présidence : tant de mots, si peu de mémoire. Tant de «maîtrise», si peu de trace.

Tant d’intelligence, si peu de légitimité ressentie. Il n’a pas échoué, il s’est évaporé. Il n’a pas chuté, il s’est déconnecté. Il n’a pas transmis, il a clos la boucle d’un cycle républicain à bout de souffle.

A l’heure où la République tangue sous les coups d’une défiance généralisée, Emmanuel Macron laisse une démocratie sans souffle, sans récit collectif, sans incarnation crédible. Le costume était trop taillé pour l’époque, mais trop grand pour l’homme.

Il aura voulu faire entrer la politique dans l’ère du logiciel. Mais un pays n’est pas une start-up. Il ne se pilote pas à coup de dashboards, de sondages croisés, de récits performatifs. Un pays se porte. Avec le corps, avec la voix, avec le silence aussi.

Là où De Gaulle tranchait dans l’ambiguïté, Macron brode dans la complexité. Là où De Gaulle disait «Je vous ai compris», Macron dit : «Je vous ai entendu, mais je continue.» Et quand tout vacille – l’école, l’hôpital, la justice, l’autorité, l’énergie civique –, que reste-t-il ? Des discours brillants. Des diagnostics précis. Mais pas de colonne vertébrale.

Il ne suffit pas de présider. Il faut habiter la fonction, comme un roi républicain, non par droit divin, mais par verticalité assumée. La présidence ne se dit pas. Elle se tient.

A force de présider sans incarner, on finit par régner sans exister. Et la République, elle, finit par errer sans horizon.

A. B.

L’article A force de présider sans incarner : Emmanuel Macron à l’épilogue du pouvoir est apparu en premier sur Algérie Patriotique.