Contribution/Ce que cachent les mots (CQCM) Le renard nous a eus…
Par Ahmed Gasmia Le renard est rusé. Il est même très rusé, au point de nous avoir habilement caché sa vraie identité pendant longtemps. Durant des siècles, il a utilisé un faux nom… Oui, le vrai nom de ce canidé n’est pas renard mais «goupil». Si, si, «goupil». Certains vont me dire «oui, goupil c’est […]

Par Ahmed Gasmia
Le renard est rusé. Il est même très rusé, au point de nous avoir habilement caché sa vraie identité pendant longtemps. Durant des siècles, il a utilisé un faux nom… Oui, le vrai nom de ce canidé n’est pas renard mais «goupil». Si, si, «goupil». Certains vont me dire «oui, goupil c’est en vieux français. C’est un mot désuet qui a disparu depuis longtemps et qui a été remplacé par un autre mot. On a déjà vu ça». Ça aurait pu être ça, mais ça ne l’est pas… pas exactement, du moins. Le mot, aujourd’hui disparu, n’a pas été remplacé par un nom commun mais par un nom propre. Je dirais même plus, il a été remplacé par un prénom… celui du personnage d’un roman de fiction datant de l’époque médiévale. Il y a longtemps, très longtemps, dans un pays gouverné par un roi, il existait un livre. Sur sa couverture, un titre était écrit en belles lettres : «Roman de Renart» (Oui, avec un t à la fin). Cet ouvrage écrit en France par plusieurs auteurs, dont quelques-uns seulement sont connus, a été édité à l’époque moderne plus d’une fois. Mais au tout début, très peu de gens pouvaient le lire, car comme vous le savez bien, au Moyen Âge, la plupart des gens étaient analphabètes. Mais cela n’a pas empêché ce texte, écrit en vers, de devenir très populaire grâce à la transmission orale. Et on peut dire que ce livre racontant les belles aventures d’un «goupil» appelé «Renart» a été très bien accueilli par le public. Devant des auditeurs nombreux, dans les tavernes, à côté du puits du village ou au marché aux légumes, les conteurs racontaient, avec passion et à grand renfort de gestes, les histoires palpitantes de ce personnage espiègle et vraisemblablement attachant. Le reste, on l’aura compris, est venu tout seul. On a fini par confondre le prénom du personnage avec le nom de l’animal au point de l’oublier et on a mis un «D» à la place du «t» de «Renart» pour faire un peu plus français. Oui, l’origine du prénom est plutôt germanique ( francique pour être précis… la langue des Francs… qui sont devenus, par la suite, Français et qui viennent, en fait, d’Allemagne, mais qui ont fini par parler une langue romane issue du latin qui vient d’Italie… je sais, je m’égare). Je disais donc le prénom a remplacé le nom de l’animal. Bien sûr, le renard est rusé mais il n’a jamais vraiment eu l’intention de changer de nom. C’était juste une accroche pour commencer le texte et attirer votre attention…une ruse, quoi. Mais qu’est-ce que tout cela nous apprend ? Qu’un roman à succès, écrit ou raconté, pouvait influencer une langue. Et qu’avant cela, un récit ne fait son chemin que s’il y a des gens qui lisent ou qui savent apprécier les livres, même s’ils ne font que tendre l’oreille. En attendant le prochain CQCM, faites attention aux mots.
A. G.