Démonstration
Après plus de dix jours de contestation les Turcs ne baissent pas les bras et continuent de manifester pour demander la libération du maire d’Istanbul. Mais le ton a changé et désormais l’opposition réclame des élections » au plus tard en novembre » par la voix du chef du principal parti d’opposition en Turquie, à […]

Après plus de dix jours de contestation les Turcs ne baissent pas les bras et continuent de manifester pour demander la libération du maire d’Istanbul. Mais le ton a changé et désormais l’opposition réclame des élections » au plus tard en novembre » par la voix du chef du principal parti d’opposition en Turquie, à la tête duquel il a été reconduit ce dimanche lors d’un congrès exceptionnel. » En novembre au plus tard, tu viendras affronter notre candidat. […] Nous t’invitons à en appeler une fois de plus à la volonté du peuple, car la plus grande motion de censure de l’histoire aboutira à ceci. Nous te défions. Nous voulons notre candidat à nos côtés et notre urne devant nous « , a déclaré Özgür Özel, le président du CHP (Parti républicain du peuple, social démocrate) en s’adressant au président turc Recep Tayyip Erdogan. Seul candidat à la direction du parti, Özgür Özel a été reconduit avec 1 171 votes sur 1 276 exprimés. Le congrès exceptionnel est pour le CHP l’occasion d’une » démonstration de force « , en réunissant des foules à Ankara, analyse Eren Aksoyoglu, expert en communication politique. Özgür Özel avait invité cette semaine » tous les citoyens, qu’ils aient ou non voté pour le CHP « , à se rassembler devant la salle du congrès dimanche. Par le biais des rassemblements et en confirmant son leader, le parti espère contrer de nouvelles pressions politiques et judiciaires, après la destitution et arrestation de sept maires de sa formation, dont le maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, le 19 mars. Dénonçant un » coup d’État « , le CHP a entraîné des dizaines de milliers de gens dans les rues d’Istanbul et de nombreuses autres villes du pays dans les jours qui ont suivi l’arrestation de Ekrem Imamoglu, investi depuis, comme prévu, comme candidat du parti à la prochaine présidentielle. Près de 1 900 personnes, dont des étudiants et des journalistes, ont été arrêtées depuis le début du mouvement. Fin mars Recep Tayyip Erdogan a mis en garde les figures de l’opposition, suggérant que de nouvelles enquêtes pourraient s’abattre sur le CHP. Selon des médias turcs, les autorités cherchent à décapiter la direction du CHP, un an après la large victoire de l’opposition aux élections municipales. Le CHP est arrivé en tête des élections municipales en mars 2024 avec 37,8 % des voies à travers le pays, remportant, en plus des métropoles comme Istanbul et Ankara qui lui étaient déjà acquises depuis 2019, des bastions de l’AKP, parti de Recep Tayyip Erdogan. Conforté par sa réélection, Özgür Özel a annoncé la poursuite de la mobilisation. » Nous organiserons un rassemblement à Samsun dimanche prochain, et ensuite le 19 mai à Izmir (..) et un rassemblement nocturne tous les mercredis soir dans un quartier d’Istanbul « , a-t-il annoncé. Il a aussi affirmé que 7 millions de signatures ont été collectées jusqu’à présent dans la campagne du parti pour demander la libération du maire d’Istanbul. L’objectif est de collecter au moins autant de signatures que la moitié de 61,4 millions d’électeurs en Turquie, a précisé Özgür Özel. » Depuis l’arrestation d’Imamoglu, Özgur Özel a donné une image du CHP qui écoute la rue et qui mène une opposition tenace. Cette approche a du succès au sein du CHP et des électeurs « , estime Eren Aksoyoglu. » Ce n’est peut-être pas un orateur très charismatique, mais il est articulé, précis et très critique du pouvoir. La base du parti le connaît bien, c’est un bon organisateur « , relève Berk Esen, professeur de Sciences politiques à l’université Sabanci d’Istanbul. » Özgür Özel est à la tête du CHP mais n’a pas encore entièrement endossé le rôle du leader. En poursuivant une opposition tenace contre Erdogan, il pourrait renforcer son leadership « , ajoute Eren Aksoyoglu. La longévité des protestations a aussi de quoi inquiéter Erdogan qui réussit d’habitude grâce à ses manipulations par la terreur à effrayer les manifestants semble pour le moment incapable, malgré près de 2000 arrestations, à faire faiblir la contestation actuelle. Reste à voir jusqu’où il sera prêt à aller pour museler ses adversaires et éteindre la soif de liberté qui anime ses opposants et jusqu’où ses derniers seront prêts à aller pour rendre à leur pays la démocratie confisquée par Erdogan et son parti.