Du tableau au digital : L’Algérie à l’ère du savoir connecté

Alors que le monde entier repense ses systèmes éducatifs sous l’effet des nouvelles technologies, l’Algérie amorce, elle aussi, une transition vers une école plus connectée. Tablettes en classe, plates-formes d’apprentissage en ligne, cours à distance…, les initiatives se multiplient. Mais comment intégrer ces outils de manière équitable ? Comment orienter les élèves vers une utilisation […] The post Du tableau au digital : L’Algérie à l’ère du savoir connecté appeared first on Le Jeune Indépendant.

Avr 15, 2025 - 23:57
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Du tableau au digital : L’Algérie à l’ère du savoir connecté

Alors que le monde entier repense ses systèmes éducatifs sous l’effet des nouvelles technologies, l’Algérie amorce, elle aussi, une transition vers une école plus connectée. Tablettes en classe, plates-formes d’apprentissage en ligne, cours à distance…, les initiatives se multiplient.

Mais comment intégrer ces outils de manière équitable ? Comment orienter les élèves vers une utilisation positive de la technologie ? Et quel rôle l’intelligence artificielle (IA) peut-elle jouer dans l’enseignement de demain ? A l’occasion du 16 avril, Journée du savoir (Yaoum el-ilm), l’expert en éducation Kamel Nouari livre son analyse pour mieux comprendre les enjeux de cette transformation.

Dans les écoles, le tableau noir résiste, mais le smartphone s’impose. Malgré son interdiction, de nombreux élèves possèdent un téléphone, qu’ils utilisent pour chercher, filmer, capturer… mais aussi pour apprendre. En effet, ils ont accès à des vidéos sur TikTok et YouTube, à des cours de soutien à distance, et même à des outils basés sur l’intelligence artificielle. Mais sans accompagnement, cela peut devenir contre-productif, prévient l’expert en éducation Kamel Nouari. Selon lui, l’école algérienne n’a pas encore pleinement intégré cette réalité dans sa pédagogie.  

Contacté par Le Jeune Indépendant, M. Nouari affirme d’emblée qu’aujourd’hui, nous vivons incontestablement dans l’ère numérique. Cette réalité s’impose à tous, dit-il, à travers une dépendance généralisée aux écrans tels que les smartphones, les tablettes et ordinateurs, qui semblent avoir remplacé la vie réelle par une existence virtuelle. Mais cette immersion dans le monde numérique n’est pas sans conséquences, selon lui. « De nombreuses familles font face à des enfants désorientés, absorbés par les écrans, souvent isolés et exposés à des contenus inappropriés. Le numérique a certes rapproché les distances et facilité l’accès à l’information, mais il a aussi engendré une nouvelle forme d’aliénation », a-t-il alerté.

Kamel Nouari a souligné que « nos programmes sont restés figés, alors que le monde change à grande vitesse. Le numérique doit être intégré de manière structurelle, non seulement comme un outil, mais aussi comme une culture à transmettre ». Il a reconnu que « tous les élèves d’aujourd’hui ont grandi avec l’internet » et que « cette ère numérique a simplifié de nombreuses tâches, rapproché les distances et supprimé les frontières ». Cependant, il met en garde contre ses risques, qui sont nombreux : d’abord pour l’élève lui-même, ensuite pour la nation.

L’expert observe également que l’enseignement numérique s’impose peu à peu dans les établissements scolaires. « De plus en plus de cours et de conférences sont disponibles en ligne, ce qui a réduit la fréquentation des écoles et des bibliothèques », a-t-il indiqué, notant que « les élèves de terminale, notamment au troisième trimestre, s’appuient de plus en plus sur des vidéos pédagogiques diffusées sur les réseaux sociaux ».

Pour M. Nouari, la transition numérique ne se limite pas à l’introduction de tablettes ou de tableaux interactifs. « Il faut des contenus adaptés, une formation solide des enseignants et des infrastructures fiables, y compris dans les zones rurales et éloignées », a-t-il suggéré. Il préconise également « le remplacement progressif des manuels papier par des versions numériques » et « l’introduction de cours obligatoires de sensibilisation au bon usage des réseaux sociaux ».

Une pédagogie adaptée au numérique

Kamel Nouari insiste, à cet effet, sur l’importance d’intégrer rapidement les réformes numériques à toutes les étapes de l’enseignement. Il estime indispensable de doter les élèves « d’une compréhension globale des technologies, en tenant compte de leurs bienfaits comme de leurs dangers ».

Pour lui, le ministère de l’Education nationale doit revoir les programmes afin d’y intégrer des cours sur les bénéfices et les dangers du numérique. Il plaide pour « des sessions obligatoires dispensées par des conseillers d’orientation, afin de sensibiliser les élèves à un usage réfléchi des réseaux sociaux ».

Il souligne également le rôle crucial des parents. « Les parents doivent fixer des limites d’utilisation des technologies à la maison et instaurer un dialogue permanent avec leurs enfants afin de garantir une utilisation sécurisée de l’internet ».

Dans ce cas, Kamel Nouari propose l’introduction d’« une matière dédiée à la cybersécurité » à l’école. « L’élève doit savoir ce qu’est la vie privée, que le monde virtuel n’est pas le réel, et qu’il faut réfléchir avant de partager des photos ou des messages », souligne-t-il. « Il est essentiel qu’il sache avec qui il interagit », insiste-t-il.

Il déplore, toutefois, que « beaucoup ignorent encore ce que cela signifie réellement, les dangers d’internet et les moyens de se protéger. » Il affirme qu’il est « impératif d’inclure la cybersécurité dans les programmes scolaires, surtout face à la montée des menaces numériques ».

Nouari appelle également à un encadrement législatif renforcé. « La future loi sur la protection de l’enfant à l’ère numérique doit impérativement traiter des contenus nuisibles et trompeurs », explique-t-il, affirmant que « des mécanismes de contrôle parental clairs doivent être proposés pour aider les familles ».

Par ailleurs, l’expert suggère de former une commission d’experts du numérique pour réévaluer la qualité de l’enseignement dans les trois cycles scolaires. Il recommande de « réduire le poids des matières secondaires au lycée » et de mettre l’accent sur « les disciplines fondamentales telles que l’intelligence artificielle, les nanosciences ou les mathématiques ». Il plaide aussi pour l’introduction de l’informatique dès le primaire, avec un volume horaire accru au collège et au lycée, enseignée par des spécialistes en systèmes d’information avancés.

Kamel Nouari appelle enfin à des mesures concrètes. Le ministère de l’Education doit, selon lui, généraliser l’utilisation des tablettes électroniques dans toutes les écoles primaires, de la première à la cinquième année, ajoutant que le ministère de la Poste et des Télécommunications doit garantir l’accès à l’internet dans toutes les régions éloignées, notamment là où se trouvent des écoles.

Enfin, l’expert plaide pour un abandon progressif du manuel papier au profit du livre numérique, affirmant que « le passage au digital est devenu une nécessité éducative et stratégique ».

 

L’IA entre fascination et confusion

Depuis l’apparition de l’intelligence artificielle (IA) générative, les enseignants sont confrontés à une nouvelle donne. L’introduction de ces technologies bouleverse également le rôle de l’enseignant. Certains craignent d’être relégués au second plan, remplacés par des machines. D’autres, au contraire, y voient une opportunité de renouveler leurs méthodes. « L’IA ne remplace pas l’enseignant, elle l’assiste. L’apprentissage humain reste essentiel », insiste Abdelkarim Souissi, inspecteur de langue française dans une école privée, soulignant que l’IA peut devenir un outil précieux pour l’apprentissage, notamment grâce à des applications capables de résoudre des problèmes de mathématiques ou d’enseigner des langues.

Il a, cependant, insisté sur la nécessité d’un usage modéré et équilibré de cette technologie afin de préserver l’intérêt des élèves. Selon lui, si l’IA est bien exploitée, elle peut enrichir les capacités de réflexion critique et créative des élèves. Elle leur offre, ajoute-t-il, l’opportunité d’analyser des données. « Cela peut être développé à travers des ateliers organisés dans le cadre de clubs scientifiques, permettant aux élèves d’interagir dans un esprit d’équipe et d’appliquer leurs connaissances dans un cadre innovant ».

Côté élèves, l’IA suscite à la fois fascination et controverse. Si certains y voient un moyen d’apprendre à leur rythme, d’autres pointent du doigt les risques de dépendance aux écrans ou d’un affaiblissement des efforts personnels. « On s’habitue à ce que l’IA fasse le travail à notre place », admet Rayane, élève en terminale.

Il faut dire que l’Algérie est aujourd’hui face à un tournant. Le numérique est déjà là, dans les classes, dans les foyers, dans les poches. L’enjeu n’est plus de savoir s’il faut l’intégrer à l’éducation mais comment le faire intelligemment. La transmission du savoir change. Et il est urgent que l’école algérienne prenne ce virage, sans pour autant perdre son âme.

 

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