Festival international du Malouf : Constantine, la Turquie et la Libye en scène

Le Théâtre régional Mohamed Tahar Fergani a plongé, lundi soir, ses spectateurs dans un voyage musical unique. Entre les sonorités orientales de Turquie, la première interprétation féminine du Malouf libyen, et la maîtrise sans faille des grands classiques algériens, la troisième soirée du 13ᵉ Festival international du Malouf a offert un mélange de tradition, de […] The post Festival international du Malouf : Constantine, la Turquie et la Libye en scène appeared first on Le Jeune Indépendant.

Sep 23, 2025 - 11:44
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Festival international du Malouf : Constantine, la Turquie et la Libye en scène

Le Théâtre régional Mohamed Tahar Fergani a plongé, lundi soir, ses spectateurs dans un voyage musical unique. Entre les sonorités orientales de Turquie, la première interprétation féminine du Malouf libyen, et la maîtrise sans faille des grands classiques algériens, la troisième soirée du 13ᵉ Festival international du Malouf a offert un mélange de tradition, de virtuosité et d’émotion.
La soirée a commencé par une immersion dans les maqâmât orientaux, avec le duo turc Arabesque Band, composé des frères Tarkan et Simo Hakki. Tout de blanc vêtus, les deux musiciens ont offert un concert d’une virtuosité rare, où chaque note semblait flotter dans l’air. Tarkan, maître de la clarinette, et Simo, virtuose de la derbouka et du chant, ont exploré une large palette de maqâmât, du Bayati au Nahawand, en passant par le Hijaz et le Mahur. « C’est quelque chose de très naturel », confie Tarkan Hakki. Et d’ajouter : « Nous sommes deux frères venus d’horizons musicaux différents et jouer ensemble s’est imposé de soi-même. Ici, à Constantine, nous nous sommes sentis comme à la maison. L’accueil du public a été incroyable, chaleureux et passionné, un véritable bonheur pour nous ».

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Le duo a également interprété des pièces emblématiques de la musique arabe et turque, telles que « Kadouka al Mayass », immortalisée par le chanteur syrien Sabah Fakhri, et le célèbre mouwachah andalou « Lama Bada Yatathanna », créant un pont entre héritage andalou et sonorités orientales. La complicité évidente entre les deux frères, leur sens du rythme et leur maîtrise technique ont captivé l’auditoire, plongeant la salle dans un univers musical où tradition et modernité se répondent.
Le public a ensuite été transporté en Libye grâce à la troupe Al-Maqâm, spécialisée dans le Malouf, le Mouachahât et la musique arabe. Dirigée par Ahmed El-Hafi et accompagnée de la jeune chanteuse Intisar Attia, la troupe est apparue sur scène vêtue de tenues traditionnelles blanches, symbole de pureté et d’élégance.Pour cette occasion exceptionnelle, Intisar Attia a marqué l’histoire, devenant la première femme à interpréter le Malouf en Libye depuis 1960. « Je suis fière d’être la première femme libyenne à chanter le Malouf », confie-t-elle. Et d’expliquer : « Ce n’est pas facile dans un contexte encore conservateur, mais c’est un honneur de représenter la femme sur scène et de montrer son talent. J’ai découvert le Malouf il y a seulement un mois, mais je me passionne pour ce patrimoine et j’espère un jour pouvoir l’interpréter en Libye, pour le partager avec mon peuple ».

Redonner sa place à la femme dans le Malouf
De son côté, Ahmed El-Hafi explique : « Notre expérience a débuté en 2016, exclusivement avec des voix masculines. Aujourd’hui, nous sommes fiers de présenter une interprétation féminine et de redonner toute sa place à la femme dans le Malouf. Ce moment est inédit et symbolique dans l’histoire de notre patrimoine musical. Nous poursuivons cette aventure avec la bénédiction de nos maîtres et la volonté d’aller toujours de l’avant ».
La troupe a envoûté le public avec deux noubas emblématiques à l’instar de « Qalbi Yahwa Aychek » (Maqâm Rasd Ed-Dhîl) et « Ahl El Hima » (Rasd Maya), mêlant arrangements traditionnels et interprétation contemporaine. Chaque note, chaque rythme plongeait les spectateurs au cœur de l’histoire et de l’émotion de la musique libyenne, tandis que les applaudissements nourris traduisaient l’admiration pour ce spectacle inédit.
Le voyage musical s’est poursuivi avec Fayçal Kahia, venu d’Annaba, qui a enchaîné avec maîtrise les extraits les plus emblématiques du Malouf, mêlant noubat, msedrat et betayhiyat. L’artiste a interprété « Ya nas Ma Taâdirouni », une prière de pardon, suivie de « Madha Nahit », puis des betayhiyat « Ya saki meskine habibi » et « Bakiyat el Ghamami ». L’émotion a culminé avec le sdjel « El Hawa Ya Sidi », plongeant le public dans l’intimité de cette tradition musicale séculaire.

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Il souligne l’importance de préserver ce patrimoine. « Le Malouf est apparu au XVIᵉ siècle et a traversé dix siècles sans disparaître. Il est essentiel de travailler à son inscription au patrimoine immatériel de l’UNESCO, à travers un travail scientifique méthodique et un apprentissage rigoureux. Sur les 24 noubas existantes, seules 12 ont été conservées. Ce que nous transmettons, artistes anciens et actuels, n’est qu’une infime partie de ce trésor ».
Pendant trente minutes, le public a été emporté dans un tourbillon de sonorités, découvrant la Nouba Sika, des extraits de la Nouba Dil, deux Msedrat, deux Betayhiyat, ainsi que le célèbre Ghazal El Affif, témoignage de la richesse et de la diversité du Malouf.
La soirée a également été l’occasion de rendre hommage à Faouzi Abdennour, élève du maître Mohamed-Tahar Fergani. Il a interprété la noubat Raml el-Kebir, s’attaquant à un répertoire réputé difficile. Dès les premiers accords de son oud, le public averti a compris l’ampleur du défi, et Abdennour a su allier fidélité à la tradition et expression personnelle. « La musique Malouf est une diplomatie culturelle pour l’Algérie », explique-t-il. Selon lui, « nous portons l’âme de notre pays à l’international et nous devons transmettre cet héritage aux jeunes générations. La musique traditionnelle, bien portée et visible, peut valoriser notre culture et notre économie, tout en captivant les jeunes publics, même à l’ère de la musique commerciale ».
Enfin, un hommage émouvant a été rendu au Cheikh Brahim Amouchi (1903-1990), grande figure du Malouf constantinois. Après une jeunesse marquée par le sport et le scoutisme, il se tourna vers la musique dans les années 1920, se formant auprès des maîtres Bachtarzi et El Anka. Fondateur de l’association « Mohibbi El Fen », devenue « Chabab El Fen », il contribua à la formation des jeunes générations et à la préservation de pièces rares comme « Bachraf El Arissi ».

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