Mila: Randonnée urbaine dans l’âme d’une ville millénaire
Passer une journée à Mila, c’est faire un voyage à travers les âges. L’antique Milev, perchée dans les hauteurs de l’Est algérien, nous a offert plus qu’une simple visite : une immersion historique, culturelle et humaine. Ce jour-là, nous avons choisi de marcher la ville, littéralement. Une randonnée urbaine comme manière originale et sportive de […]

Passer une journée à Mila, c’est faire un voyage à travers les âges. L’antique Milev, perchée dans les hauteurs de l’Est algérien, nous a offert plus qu’une simple visite : une immersion historique, culturelle et humaine.
Ce jour-là, nous avons choisi de marcher la ville, littéralement. Une randonnée urbaine comme manière originale et sportive de (re)découvrir Mila autrement.
Notre aventure commence à Mila Lekdima, la vieille ville, que les habitants appellent affectueusement «Leguedima», avec ce «G»typique de l’Est. Un Algérois de passage nous taquine : «Hna f’Alger nekakiw, netouma f’Constantine tegagiw !» Et c’est vrai que les ruelles étroites, les bâtisses en pierre, les vestiges romains donnent à ce quartier une atmosphère unique, à la fois silencieuse et vibrante. Ici, chaque pierre semble raconter une époque.
Puis, direction les quartiers modernes : Sennaoua, Thénia, Tyayba, Sidi-Seghir, Boukhlafa… Le chef-lieu est à taille humaine, et marcher à travers ses artères, c’est dialoguer avec son présent. En guise de clin d’œil au tourisme sportif, nous avons même choisi de rejoindre la gare routière Est à pied, plutôt qu’en taxi ou en bus. Résultat ? 21 kilomètres en une journée. De la fatigue, oui, mais surtout une grande fierté.
Après l’effort, le réconfort : une halte bienvenue au jardin public Rachid-Chaâboub. Créé en 1888, il s’étend sur près de
5 000 m², abrite des arbres centenaires, une statue romaine intitulée L’enfant et le veau, et représente un véritable trésor écologique et historique. Un lieu paisible qui respire la mémoire collective des Mileviens.
Cette escapade nous inspire une question : et si on visitait nos villes en marchant, en courant, à vélo ? Pourquoi ne pas développer un tourisme urbain actif, qui allierait culture, sport et découverte ? À Rome, cela se fait déjà : des coureurs guidés arpentent la ville au lever du jour, s’arrêtent devant un monument, écoutent, prennent des photos… Une Anglaise de notre groupe résume tout : «Tu vis la ville avec ton cœur qui bat. Tu vois des choses que tu ne remarquerais pas autrement».
Et pourquoi pas Mila
demain ? Elle a les atouts : une histoire millénaire, un tissu urbain à taille humaine, des parcs, des reliefs doux. La Villa Borghese à Rome a son équivalent en potentiel ici, et le vélo pourrait y devenir une évidence.
En marchant dans Mila, un nom revient souvent : Abdelhafid Boussouf. L’université, les plaques, les hommages rappellent cet enfant du pays né en 1926. Si Mabrouk, comme on l’appelait, fut l’un des piliers de la guerre de Libération. Fondateur des services de renseignement, technocrate de l’ombre, stratège discret mais essentiel. Son héritage imprègne la ville.
Autre grande figure : Ahmed Ghoualmi, poète engagé, élève de Ben Badis, diplômé de Zeytouna. Ses vers ornent le rond-point Boussouf et sa mémoire plane sur la Maison de la culture. Il a chanté les douleurs du peuple, les tragédies de la Seconde Guerre mondiale, les massacres du 8 Mai 1945, et bien sûr, la lutte pour l’indépendance. Sa poésie fait de Mila un haut lieu de la mémoire littéraire algérienne.
Mila, c’est donc plus qu’un simple chef-lieu. C’est une ville qui raconte, qui vibre, qui respire par ses ruelles, ses jardins, ses figures. Une ville à découvrir autrement : à pied, à vélo, en courant, avec le cœur qui bat fort. Mila nous a donné un bel avant-goût d’un tourisme urbain intelligent et sensible.
À quand la prochaine virée… à la force des jambes ? Hafit Zaouche