Route Constantine-Jijel: Un rendez-vous avec la verdure, les montagnes, l’histoire et la mer
Le trajet entre Constantine et Jijel, via Mila, s’étire sur environ 150 kilomètres. Et pourtant, c’est un voyage qui semble infini tant il est riche en émotions, en paysages contrastés et en rencontres inattendues. À chaque tournant, une promesse de découverte. À chaque halte, un souvenir en devenir. Dès la sortie de Constantine par la […]

Le trajet entre Constantine et Jijel, via Mila, s’étire sur environ 150 kilomètres. Et pourtant, c’est un voyage qui semble infini tant il est riche en émotions, en paysages contrastés et en rencontres inattendues. À chaque tournant, une promesse de découverte. À chaque halte, un souvenir en devenir.
Dès la sortie de Constantine par la RN27, les quartiers populaires de l’ancienne Cirta laissent place aux collines de Hamma Bouziane, puis aux premiers reliefs qui annoncent le début d’un périple hors du commun. Beni Hamidane surgit, et avec elle un joyau archéologique méconnu : Tiddis. Perchée sur une colline en terrasses, l’ancienne cité numide puis romaine offre à ses rares visiteurs un panorama grandiose et des vestiges qui rivalisent sans rougir avec ceux de Timgad ou Djemila. Les pierres rouges, la nécropole, les citernes romaines racontent un monde oublié. Et au printemps, le site s’habille de verdure et de fleurs sauvages, dans une quiétude presque irréelle.Un peu plus loin, Grarem Gouga attire les voyageurs autrement : par l’odeur. Le long de la route, les échoppes de grillades et de brochettes s’alignent, et les fumées parfumées s’échappent jusqu’aux flancs des collines. Hammam Beni Haroun, tout proche, annonce la transition vers un autre type de géant : le barrage du même nom. Ici se dresse le plus vaste complexe hydraulique du pays. Sa masse impressionnante, le bleu de ses eaux, le pont suspendu d’Oued Dib et la vie paisible qui s’y est développée en font un lieu à la fois technique, poétique et écologique. Pêcheurs à la ligne, familles en promenade, oiseaux migrateurs : tout le monde y trouve sa place.
Sidi Merouane, en bordure du lac, est un havre de paix. On s’y arrête souvent sans l’avoir prévu, happé par le calme, les reflets de l’eau et la douceur du relief. Puis vient Sidi Maarouf, en pleine wilaya de Jijel, première promesse d’une terre plus verte encore. Entourée de montagnes aux courbes majestueuses, cette commune abrite aussi des macaques berbères, curieux et familiers. Dans le calme des lieux, la nature reprend ses droits.
Plus loin, El Milia dévoile ses deux visages : un cœur urbain traditionnel et un avenir tourné vers l’industrie grâce au complexe sidérurgique de Bellara. Visible de la route, le site fascine autant qu’il intrigue. Des voyageurs s’arrêtent juste pour le photographier, symbole de changement et de modernité dans une région au riche passé.
La route devient ensuite plus étroite, plus sinueuse, et la végétation plus dense. Entre El Ancer et Djemaa Beni Hbibi, la forêt s’épaissit, mystérieuse. On roule dans un tunnel de verdure, parfois percé de clartés douces. Les cafés forestiers, cachés sous les chênes et les pins, sont autant d’invitations au repos. Ici, on respire autrement.
Le paysage s’éclaircit progressivement à l’approche de Sidi Abdelaziz. Les producteurs locaux proposent leurs récoltes du jour : figues, fraises, melons. On échange quelques mots, on goûte un fruit, et l’on repart avec le sourire. Puis soudain, la mer. C’est un choc presque émotionnel : après les montagnes, les lacs, les forêts, la Méditerranée surgit, immense, calme, bleue.
La route longe désormais les plages : Mezair, El Kennar, Bazoul, Tassoust. On sent le sel dans l’air, on aperçoit les premiers parasols, les barques de pêche. C’est déjà Jijel, joyau du littoral algérien, encerclée par les reliefs et bercée par les vagues.
Ce trajet n’est pas qu’une liaison entre deux villes. C’est un concentré d’Algérie, un condensé de son génie naturel, de sa diversité humaine et de sa mémoire enfouie. Mille émotions s’y croisent :
l’émerveillement devant une pierre millénaire, la gourmandise d’un plat grillé au bord de la route, la paix d’un lac tranquille, l’éclat de la mer au détour d’un virage.
Pour en profiter pleinement, il ne faut pas avoir peur de s’arrêter souvent. Dormir à Grarem ou El Milia, prendre un café sous les arbres de Djemaa Beni Hbibi, marcher quelques pas à Tiddis, ou simplement contempler le bleu du barrage. Les auberges sont nombreuses, les habitants accueillants, et les souvenirs… impérissables. La route Constantine-Jijel ne se traverse pas. Elle se vit.
Hafit Zaouche