Béjaïa: C’est aussi le royaume des cascades
Alors que le mercure grimpe sans retenue et que l’Algérie étouffe sous les vagues de chaleur estivale, nombreux sont ceux qui cherchent à fuir le bitume brûlant des villes pour retrouver un souffle de fraîcheur. Et si le salut venait des montagnes de Béjaïa ? Là-haut, les cascades deviennent des refuges naturels où la nature […]

Alors que le mercure grimpe sans retenue et que l’Algérie étouffe sous les vagues de chaleur estivale, nombreux sont ceux qui cherchent à fuir le bitume brûlant des villes pour retrouver un souffle de fraîcheur. Et si le salut venait des montagnes de Béjaïa ? Là-haut, les cascades deviennent des refuges naturels où la nature chante, ruisselle et ressource.
Symbole de la commune de Taskriout, la cascade de Kefrida s’impose comme un joyau naturel à cinquante kilomètres à l’est de Béjaïa. Ses quarante-quatre mètres de hauteur et son bassin naturel d’une vingtaine de mètres de diamètre attirent des milliers de visiteurs, du printemps à l’automne. Les eaux limpides issues d’Aquae Frigida – la source froide – alimentent la ville, mais surtout les esprits en quête de beauté brute et de fraîcheur. Ce coin de paradis est lové dans une forêt de chêne-liège. On y entend plus les clapotis d’eau et les rires d’enfants que le bruit des voitures. Mais Kefrida n’est pas seule à porter l’image de Béjaïa cascadeuse.
Plus au sud-est, la commune de Darguina cache l’un des secrets les mieux gardés de la région : les cascades d’Aït Felkai. Quatre chutes d’eau naturelles, nichées en pleine montagne, que l’on découvre au terme d’une randonnée sinueuse mais inoubliable. Les membres du groupe Les Randonneurs du Sahel s’en souviennent encore, les yeux pétillants d’émerveillement. Ce qui fascine ici, au-delà de la fraîcheur, c’est aussi l’accueil des villageois. À Aït Slimane, on vous guide volontiers vers la cascade Djerida, fierté locale, dans un élan collectif de valorisation d’un trésor naturel. «Ici, on veut partager notre richesse avec le monde entier», explique un habitant, le regard habité par la beauté du lieu.
Un peu plus loin, à Tizi N Berber, les cascades deviennent des œuvres d’art vivantes. À Assif Im3arten, des passerelles artisanales construites par deux frères du village permettent désormais de relier les différents bassins. «Nous n’avons pas besoin d’aller à l’étranger. Nous avons notre propre paradis ici», affirme un jeune émigré revenu de France, bouleversé par tant de pureté. Et il a raison : la cascade de Bouamara, à quelques encablures, et Afalou Waman, à Ighil Ouis, confirment que la région est un kaléidoscope
d’émerveillements aquatiques.
Dans la commune de Tamridjet, c’est la cascade Mahrouja qui fait tourner les têtes. Et que dire d’Assif Nekeb, surnommé «le réfrigérateur naturel» ? Ce cours d’eau traverse sept kilomètres de pure verdure, jalonné de trois cascades dont la cascade N Teslit – littéralement «la mariée» – dont la forme rappelle une robe blanche ruisselante. Un visiteur établi en France témoigne avec émotion : «J’ai vu la cascade de Marrakech, et honnêtement, elle n’égale en rien celles que j’ai découvertes ici. On a un pays magnifique, mais on le sous-estime !»
À Béjaïa, les cascades ne sont pas qu’un décor de carte postale. Elles sont aussi un pont entre passé et avenir. Aux gorges de Kherrata, on lit encore les traces de l’histoire coloniale gravées dans la pierre. À Kefrida, les vestiges romains murmurent leur ancien nom : Aqua Frigida. Mais surtout, les cascades incarnent un potentiel touristique immense, encore largement sous-exploité.
Les trésors naturels de Béjaïa – de Kefrida à Aït Felkai, d’Assif Nekeb à Djerida – sont autant de perles à préserver. Des initiatives citoyennes, comme celles des frères Mamache à Tizi N Berber, montrent que la mise en valeur douce et respectueuse de ces sites est non seulement possible, mais souhaitable.
La wilaya de Béjaïa n’est pas seulement une destination de bord de mer. C’est une terre d’eau vive, de fraîcheur et de vie. Elle offre un tourisme de l’émerveillement, un retour à l’essentiel, où chaque cascade devient une promesse de déconnexion et de ressourcement.
Alors cet été, que vous soyez en quête de fraîcheur, d’histoire ou de poésie naturelle… suivez le bruit de l’eau. Il vous mènera peut-être à Kefrida, à Tamridjet, ou au creux d’une vallée oubliée. Mais il vous mènera surtout vers l’évidence : Béjaïa, c’est aussi le royaume des cascades.
Hafit Zaouche