Alger, légendes urbaines (1542-1962) : Le dernier opus de Mahdi Boukhalfa

Comme un métronome, Mahdi Boukhalfa, avec sa soif de nous parler de son Dzaïr Leqdima et ses quartiers d’enfance dont le Big Bab El Oued des années 1970, nous revient cette fois-ci avec un recueil de textes sur une partie de l’Histoire peu connue d’Alger à travers ses légendes urbaines. Pour relater certains événements ayant eu […] The post Alger, légendes urbaines (1542-1962) : Le dernier opus de Mahdi Boukhalfa appeared first on Le Jeune Indépendant.

Avr 12, 2025 - 02:29
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Alger, légendes urbaines (1542-1962) : Le dernier opus de Mahdi Boukhalfa

Comme un métronome, Mahdi Boukhalfa, avec sa soif de nous parler de son Dzaïr Leqdima et ses quartiers d’enfance dont le Big Bab El Oued des années 1970, nous revient cette fois-ci avec un recueil de textes sur une partie de l’Histoire peu connue d’Alger à travers ses légendes urbaines.

Pour relater certains événements ayant eu lieu dans Alger la médiévale puis celle de la Régence, et, qui au fil du temps et des vicissitudes de la vie algéroise sont devenus des légendes, des mythes ou de terribles histoires de corsaires, d’invasions et de conquêtes, l’auteur de El Cantera (Il était une fois Bab El Oued) a choisi la nouvelle, qui sied le mieux à certains événements vécus par les habitants de la médina d’Alger. ‘’Alger, légendes urbaines (1542-1962)’’ est un recueil de textes sur les plus importants événements militaires, politiques, et sociaux qui ont façonné l’Histoire d’Alger.

Mais, loin des sentiers classiques, ceux des manuels scolaires et des théories d’historiens sur des moments épiques, dramatiques ou terribles de la vie des Algérois. Dans cet ouvrage sur l’Histoire parallèle de la médina d’Alger, qui fait suite à celui sur ‘’’Histoire des Mosquées d’Alger’’ (ou le mensonge du Comte de Bourmont), il y est ainsi question de toute la trame historique de la tentative de Charles Quint de prendre Alger en octobre 1542 et les légendes algéroises qui s’y sont incrustées comme celles de Wali Dadda et Sidi Bougheddour, qui auraient à eux seuls vaincus l’Invincible Armada. Le recueil de textes sur la Casbah d’Alger, et son histoire intime de Mahdi Boukhalfa tente de cerner, autrement, certains événements marquants de l’histoire de la capitale algérienne. Avant, durant et après la colonisation française.

Tout d’abord en revenant sur certains épisodes épiques, comme les deux invasions armées de l’Espagne, dont celle en 1541 de Charles Quint, défait à plate couture aux portes d’Alger, la construction d’un prodigieux canon pour la défense d’Alger après cette invasion contenue par les défenseurs d’Alger ; et, cerise sur le gâteau, la saga d’un corsaire algérois, le Raïs Hamidou et son combat héroïque contre une flotte américaine au large du cap de Gate, en Espagne.

Après, le texte le plus singulier et le plus important d’’’Alger, Légendes urbaines’’ de Mahdi Boukhalfa est en fait celui qui revient dans le détail aux sources du litige financier, les causes profondes, même psychologiques et culturelles, connaissant la personnalité absconse et trouble de Napoléon Bonaparte et des monarques français, ainsi que les raisons politiques cachées qui ont fait que la France, qui avait pourtant des accords de paix et commerciaux avec la Régence d’Alger, ait décidé d’envahir et occuper l’Algérie.

Les deux textes mentionnés, et quelques autres dans ce recueil, expliquent autrement, par des légendes urbaines bien enracinées dans le vécu et la mémoire des gens de la Casbah, pourquoi et comment l’Algérie a fait l’objet de tant de tentatives d’invasion entre les 15ème et 18ème siècles, ainsi que les supplices que sa population a endurés durant toute cette période, presque trois siècles, du fait des attaques et des bombardements répétés de la flotte française, espagnole, et britannico-néerlandaise jusque vers 1816. Ce recueil de textes commence donc par le récit de la débâcle de Charles Quint aux portes d’Alger, puis une seconde tentative d’invasion près de l’Oued El Harrach d’El Mahroussa en 1775 également par l’Espagne, qui tenait à ce moment-là la place d’Oran, la ville de Bejaïa étant reprise aux Espagnols par une coalition de kabyles du royaume de Koukou, de Béni Abbes et de corsaires, les Frères Barberousse, sous la bannière Ottomane vers 1550.  

Ali La Pointe et la pègre algéroise

Même les Américains n’ont pas été, du reste, avares de menaces contre la Régence, puisqu’une escadre conduite par le vice-amiral Stephen Decatur est venue à Alger vers 1816 poser les conditions d’une cessation immédiate des attaques des corsaires algérois contre les navires américains. Et y installer le premier Consul des États-Unis d’Amérique en El Djazaïr.

On trouvera dans ce recueil donc les motifs de la violation du traité algéro-américain par Washington et les conséquences politiques de l’expédition de cet officier plein de morgue de la jeune marine américaine à Alger et, surtout, le dernier combat du Raïs Hamidou près du cap de Gate, dans le sud de l’Andalousie. C’était la première et la dernière bataille navale entre l’Algérie et les États-Unis ; mais, surtout, entre un navire algérien, El Meshouda, du Raïs Hamidou, contre toute une escadre militaire américaine, avec à sa tête le contre-amiral Decatur.  

La confection en 1542 d’un canon prodigieux par les fondeurs algérois, Baba Merzoug, sous la direction d’un vénitien, une pièce d’artillerie phénoménale qui a donné son surnom d’El Mahroussa ou La Bien Gardée à Alger, est le résultat direct, sans aucun doute, de la campagne de Charles Quint contre Alger une année auparavant. La construction de ce monstrueux canon, une prouesse technique à cette époque, obéissait à cet objectif : rendre la ville d’Alger imprenable ; et c’est ce qui s’est passé durant trois siècles… jusqu’à la prise du pouvoir en France par un certain Napoléon Bonaparte après le coup d’État du 18 Brumaire, et ses visées de conquêtes de nouveaux territoires, dont El Djazaïr.

Mahdi Boukhalfa revient donc sur les raisons politiques et commerciales profondes qui ont guidé le Premier consul de France à échafauder des projets de conquête de l’Algérie dès les années 1800, presque concomitamment avec la retraite d’Egypte et les demandes officielles des deys d’Alger, Baba Hassan (1789) puis Mustapha (1800) pour que la France paie sa dette commerciale auprès d’Alger pour les achats de céréales ayant servis à la campagne française d’Égypte. Ce sera expliqué à travers un chapitre qui reviendra dans le détail avec tout l’historique autant sur les tenants et les aboutissants commerciaux et politiques de cette sombre et scabreuse affaire que ses acteurs directs, des juifs Algérois, Jacob Cohen Bacri et Busnach, avaient montée de fil en aiguille pour escroquer une succession de Deys depuis Hassan en 1789 et Mustapha en 1800, jusqu’à Hussein, le dernier des deys d’Alger.

Une singularité de ‘’Alger, légendes urbaines’’ de Mahdi Boukhalfa : les textes présentés dans cet ouvrage sont tous liés les uns aux autres, avec un fil d’Ariane, une sorte de cordon ombilical, à savoir la mer, qui donne une autre vision de ce qu’était l’Algérie au temps des barbaresques. L’eau, cet élément nourricier des gens de la Casbah, de Bab El Oued acheminée jusque vers la ville par trois grands ingénieux aqueducs descendant de la colline de Bouzareah, dont les vestiges de deux d’entre eux seulement existent encore aujourd’hui :  celui de Aïn Zeboudja, près du boulevard Bougara (ex-Gallieni) et, bien sûr, Bab Jedid, Ces aqueducs cachaient le secret des fontaines aux eaux fraîches de la Casbah d’Alger La Blanche.

L’autre texte original de cet ouvrage, comme la touche finale à une œuvre historique de Mahdi Boukhalfa, est celui sur la pègre algéroise qui écumait les bas-fonds de la Casbah et était utilisée par les RG français, d’Ali La Pointe qui mate avec les Fédayine du FLN, les Hozzya et assainit la vieille ville avec Yacef Saadi des ‘’Collabos’’ et autres mouchards d’Achiary. Enfin, il y a le texte de la mélancolie, des nostalgies passées et présentes, celui sur Bab El Oued et ses doux souvenirs des années 1970.

Bienvenus dans Alger, Légendes urbaines de Mahdi Boukhalfa, édité par la maison d’édition Les Presses du Chélif.

 

 

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