Craintes
En Allemagne, les socio-démocrates et les conservateurs passent un mauvais moment, alors que l’actualité renforce la popularité du parti nationaliste l’Alternative für Deutschland (en français : Alternative pour l’Allemagne). Depuis plusieurs mois, le parti anti-immigration avait déjà vu sa campagne être financée en partie par Elon Musk, choqué par l’opprobre jeté sur l’AfD en Allemagne […]
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En Allemagne, les socio-démocrates et les conservateurs passent un mauvais moment, alors que l’actualité renforce la popularité du parti nationaliste l’Alternative für Deutschland (en français : Alternative pour l’Allemagne). Depuis plusieurs mois, le parti anti-immigration avait déjà vu sa campagne être financée en partie par Elon Musk, choqué par l’opprobre jeté sur l’AfD en Allemagne et dans le reste de l’Europe. Mais les interventions d’un Américain dans les affaires européennes exaspèrent les dirigeants du Vieux continent, qui y voient là une ingérence inacceptable. «Les Allemands n’accepteront pas que des tiers interviennent en faveur de l’AfD à une semaine des élections législatives dans le pays», a ainsi déclaré le chancelier Olaf Scholz samedi, après les propos la veille du vice-président américain, JD Vance. «La direction que prendra notre démocratie, nous seuls en décidons. Nous et personne d’autre !», a dit Olaf Scholz dans un discours devant les responsables internationaux rassemblés à la Conférence de Munich sur la sécurité. Il a dénoncé l’intervention du numéro deux de Washington, qui avait critiqué vendredi une ostracisation de l’AfD et plaidé pour la fin du «cordon sanitaire» autour de ce parti : «Cela ne se fait pas – et surtout pas entre amis et alliés», a répliqué le chancelier allemand. Le discours de JD Vance avait sidéré les dirigeants européens par ses attaques sur la «liberté d’expression» selon lui «en retrait» en Europe et la politique migratoire du Vieux continent. Il avait notamment ciblé les partis allemands traditionnels qui rejettent toute alliance avec l’AfD. Malgré ces divergences, l’Allemagne, qui a fait du partenariat transatlantique le pilier de sa politique étrangère et de défense depuis l’après-guerre, n’est pas prête à tourner le dos aux Américains. L’Allemagne «continuera à acheter des matériels militaires américains», a assuré Olaf Scholz, soulignant le «besoin d’une industrie européenne de l’armement forte». Sur l’Ukraine, dossier brûlant depuis l’appel téléphonique entre Donald Trump et Vladimir Poutine, Olaf Scholz a réaffirmé le principe selon lequel «la paix n’existe que si la souveraineté de l’Ukraine est assurée». «L’Allemagne n’apportera jamais son soutien à une paix imposée » à Kiev», a-t-il aussi ajouté. Alors que l’administration Trump entretient le doute sur l’implication des Etats-Unis dans la sécurité de l’Europe, le Chef du gouvernement allemand s’est également prononcé contre un «découplage de la sécurité européenne et américaine». Il a convenu qu’il y avait «un besoin indiscutable de continuer à augmenter de manière significative les dépenses de défense», au-delà des 2 % du PIB qu’y consacre actuellement Berlin. «Chaque pourcentage supplémentaire que nous dépensons pour notre défense nécessite 43 milliards d’euros de plus par an», a-t-il insisté, plaidant pour la réforme de la règle du «frein budgétaire» après les élections, afin d’en exclure les dépenses de défense. Ce discours intervient une semaine avant des élections législatives anticipées pour lesquelles le dirigeant social-démocrate est donné perdant. Son rival Friedrich Merz, candidat des conservateurs qui devancent l’AfD et le SPD dans les sondages, se trouve également à Munich. Il semble désormais évident que l’agacement initial des politiques allemands vis-à-vis de Musk et de l’administration Trump s’est transformé en crainte de voir le parti anti-immigration bénéficier de leur victoire aux États-Unis. Scholz, qui ne sera plus très probablement chancelier la semaine prochaine, s’inquiète surtout de voir peut-être les électeurs allemands ne pas céder à la diabolisation de l’AfD et être prêts à voter pour le parti nationaliste. Toutefois, rien n’est écrit à l’avance dans les élections et l’AfD pourrait bien être incapable de retranscrire dans les urnes sa présente popularité, rendant l’acharnement du reste de la classe politique d’autant plus pathétique.
F. M.