Duo
Alors que le Rassemblement National en France a tenu plusieurs mois une ligne très optimiste vis-à-vis de la participation de Marine Le Pen à la prochaine élection présidentielle, estimant que la justice ne pouvait décider de priver les Français de choisir en toute sérénité leur prochain président, depuis, le ton se fait plus réaliste et […]

Alors que le Rassemblement National en France a tenu plusieurs mois une ligne très optimiste vis-à-vis de la participation de Marine Le Pen à la prochaine élection présidentielle, estimant que la justice ne pouvait décider de priver les Français de choisir en toute sérénité leur prochain président, depuis, le ton se fait plus réaliste et la perspective d’une «doublure» devant endosser la candidature du parti nationaliste devient inéluctable. La tête de proue du parti nationaliste a en effet «demandé» à Jordan Bardella «de se préparer à l’éventualité d’être candidat à la présidentielle de 2027 si elle-même en était empêchée», une «hypothèse» que Marine Le Pen dit avoir «intégrée», dans un entretien à la presse. «J’ai intégré l’hypothèse que je ne puisse pas me présenter. Jordan a intégré la possibilité qu’il doive reprendre le flambeau. Je lui ai moi-même demandé de réfléchir et de se préparer à cette éventualité», assure la députée du Pas-de-Calais, condamnée fin mars à une peine d’inéligibilité de cinq ans avec effet immédiat. Un deuxième procès doit se tenir dans les prochains mois devant la cour d’appel de Paris, laquelle a indiqué qu’elle rendrait sa décision «à l’été 2026». «D’ici là, je continue à me battre. Bien sûr que la situation n’est pas idéale. Mais que me suggérez-vous d’autre ? Que je me suicide avant d’être assassinée ?», interroge Marine Le Pen. La triple candidate malheureuse à la présidentielle avait jusqu’alors renvoyé une candidature Bardella à l’Élysée en 2027 à une possibilité purement théorique, à la limite de l’incongruité. «Si je passais demain sous un camion, eh bien, Jordan Bardella serait très évidemment la personne qui aurait vocation à me remplacer», avait-elle seulement admis pleine d’ironie fin avril. Un certain flottement s’en était suivi entre les deux leaders pendant plusieurs semaines. Marine Le Pen avait trahi son agacement, le mois dernier, en se disant «pas sûre que Jordan, pour le coup, connaisse très bien les problèmes de la Nouvelle-Calédonie», lors d’un déplacement à Nouméa. Depuis Paris, l’intéressé avait voulu minimiser dans la foulée, y voyant une réflexion selon lui «sortie de son contexte», tout en assurant «très bien» connaître, lui aussi, le dossier des Outre-mer. Une réunion commune début juin, puis une visite côte à côte la semaine dernière au Salon du Bourget, devaient rétablir l’image d’un «duo» soudé, complémentaire, voire interchangeable. Mais si elle ne pouvait pas concourir en 2027, Marine Le Pen fait valoir que le scrutin apparaîtrait alors «bien évidemment» illégitime. «Je pense que nos adversaires et la plupart des observateurs sous-estiment la colère qui pourrait éclater chez un grand nombre d’électeurs si je devais être empêchée par la justice», considère-t-elle, prédisant que «beaucoup de Français, au-delà de leurs convictions politiques, comprendraient alors que les règles du jeu ont été manipulées». Outre la peine d’inéligibilité, le tribunal correctionnel de Paris a condamné Marine Le Pen à quatre ans d’emprisonnement dont deux ferme, reconnue coupable d’avoir mis en place un «système» de détournement de fonds publics pour payer des salariés du parti avec l’argent du Parlement européen entre 2004 et 2016, pour un montant de 4,4 millions d’euros. Ainsi, la rancœur de celle qui s’est retrouvée mise de côté et obligée de voir son rêve de remporter l’Élysée s’éloigner une fois encore, semble commencer à s’apaiser ou du moins à s’adapter à sa nouvelle réalité. Après tout, Bardella, qui aura 30 ans cette année, n’est pas responsable de son incapacité à se présenter à la course à la présidentielle et il reste le président de son parti ainsi qu’une personnalité politique avec une popularité assez solide lui permettant d’envisager une possible victoire en 2027 à la place de son pygmalion. Reste à voir s’il réussira toutefois à atteindre la popularité de Marine Le Pen et si les électeurs feront le choix d’un candidat si jeune pour diriger le pays.