La fiction algérienne renaît : après les OVNI de Zitout, les délires de comptoir de Ferhat
Par M. Aït Amara – Après les ballades révolutionnaires dont même les guitares demandaient l’asile territorial, et après avoir tenté l’aventure politique avec la même grâce qu’un hamster perdu dans un congrès de l’ONU, voilà que Ferhat Mehenni s’improvise scénariste. Il ne lui manquait plus que ça pour compléter son curriculum ... Lire la suite

Par M. Aït Amara – Après les ballades révolutionnaires dont même les guitares demandaient l’asile territorial, et après avoir tenté l’aventure politique avec la même grâce qu’un hamster perdu dans un congrès de l’ONU, voilà que Ferhat Mehenni s’improvise scénariste. Il ne lui manquait plus que ça pour compléter son curriculum vitae de touche-à-tout incompris : chanteur déchu, président autoproclamé d’un Etat imaginaire et, désormais, maître du septième art, version science-fiction à bas coût.
Son chef-d’œuvre pourrait s’intituler Délires de comptoir. Un titre évocateur, qui fleure bon la naphtaline, le café noir mal filtré et les grandes théories de bistrot. L’intrigue ? Un thriller politico-psychédélique où Ferhat Mehenni, GPS en main, traque, à partir de quelque arrondissement de la capitale française, deux généraux algériens comme s’il jouait à Pokémon Go. Il s’agit des généraux Hassan et Nacer El-Djen (*), figures emblématiques de la lutte antiterroriste. Et là où cela devient cocasse – ou pathétique, c’est selon –, c’est que ces deux hauts gradés sont… kabyles.
Dans une pirouette scénaristique à faire pâlir les plus grands auteurs d’uchronie, Ferhat Mehenni accuse des Kabyles de l’opprimer, lui le Kabyle. Il invente des complots où ses propres frères de sang deviennent ses bourreaux. Le MAK, censé défendre une minorité marginalisée, en vient donc à flinguer des membres de cette même minorité. Voilà qui redéfinit le concept d’autodestruction avec une élégance suicidaire digne d’un Shakespeare sous acide.
Le long-métrage de Ferhat Mehenni coïncide avec un autre chef-d’œuvre d’anticipation signé Larbi Zitout, son pendant islamiste dans le même cirque : Les pêcheurs et les quinze drones. Une fable tout droit sortie d’un cerveau en ébullition permanente, surchauffé par des années de paranoïa aiguë. Les deux hommes rivalisent de créativité pour imposer leur vision de l’Algérie : l’un voit des OVNI au-dessus des sardiniers sous la pleine lune, l’autre des généraux kabyles infiltrés dans les rêves des pauvres militants avinés du MAK.
Mais revenons à notre scénariste en herbe. En pointant du doigt des Kabyles occupant des postes stratégiques au sommet de l’Etat, Ferhat Mehenni vient littéralement de saborder l’unique argument qui justifie encore sa présence à Paris : celui d’un peuple marginalisé, exclu du pouvoir, sans voix ni reconnaissance. Alors, soit les généraux kabyles sont des imposteurs télécommandés par Alger pour nuire à la pureté ethno-idéologique du MAK, soit Ferhat Mehenni raconte n’importe quoi. Spoiler : c’est la deuxième option.
Délires de comptoir, finalement, porte bien son nom. On y trouve tous les ingrédients d’un mauvais film de fin de soirée : théorie du complot, casting improbable, incohérences scénaristiques et, surtout, une fascination gênante pour la persécution imaginaire. On attend déjà la suite.
M. A.-A.
(*) Le pilier de bar Ferhat Mehenni a torché un écrit informe sur X (anciennement Twitter) qu’il a titré «Algérie : les généraux déserteurs et la Kabylie».