Mali: crise « dangereuse », appels à la fin de tout processus de dissolution des partis et à une présidentielle
L’avocat au barreau malien, Cheick Oumar Konaré, a averti que le Mali se dirigeait vers « une crise politique majeure », après la décision des putschistes militaires de dissoudre les partis politiques et de se maintenir au pouvoir, appelant « à mettre fin au processus de dissolution des partis et de fixer la date de la présidentielle ». « Une […]

L’avocat au barreau malien, Cheick Oumar Konaré, a averti que le Mali se dirigeait vers « une crise politique majeure », après la décision des putschistes militaires de dissoudre les partis politiques et de se maintenir au pouvoir, appelant « à mettre fin au processus de dissolution des partis et de fixer la date de la présidentielle ».
« Une crise dangereuse », a écrit l’avocat et analyste politique Cheick Oumar Konaré dans un article publié sur des sites maliens.
« Si une centaine de partis politiques ont pu se rassembler à nouveau pour combattre le régime, c’est parce que celui-ci, par maladresse politique, les a poussés au désespoir », a-t-il poursuivi. Et de préciser, dans ce contexte, que « le financement public de ces partis a été coupé depuis le début de la transition et que beaucoup de leurs militants ont été emprisonnés ».
« On le voit, le pouvoir a désormais en face de lui une foule d’hommes politiques qui se battent avec l’énergie du désespoir pour éviter une fin de carrière anticipée. Des hommes politiques convaincus de n’avoir plus rien à perdre. Or, rien n’est plus dangereux qu’un adversaire qui pense n’avoir plus rien à perdre ! », a encore dit l’avocat malien.
Cet analyste estime enfin que le président de la transition, le général Assimi Goïta, qui sera propulsé président de la République sans passer par les urnes, « a les moyens de mettre fin à cette crise naissante. Deux moyens suffiraient : annoncer la fin de tout processus de dissolution des partis et fixer la date de la présidentielle ».
La mise en garde de Cheick Oumar Konaré intervient alors que le Mali est secoué par un mouvement de contestation inédit contre les autorités de transition en place à Bamako, pour protester contre le maintien des militaires au pouvoir et exprimer leur désir d’aller aux élections.
Le secrétaire général du parti ADEMA-PASJ et ancien ministre, Yaya Sangaré, a dénoncé lui aussi la décision, affirmant que « c’est la première fois qu’une telle mesure est prise, et elle est très vague. Nous sommes des partis légalement reconnus, avec des récépissés (…) Nous allons consulter nos juristes et agir dans le cadre de la loi. Il ne s’agit pas de rester passifs ».
Idem pour Ibrahima Tamega du parti La Convergence et membre du Collectif des jeunes pour la démocratie qui a dénoncé cette mesure « illégale et injuste ». Il estime que la mobilisation des partis pour le retour à l’ordre constitutionnel dépasse le simple cadre des partis politiques, affirmant que « malgré la suspension de leurs activités, la mobilisation ne faiblira pas ».
« Ce sont des Maliennes et des Maliens qui n’en peuvent plus. Ce sont des Maliennes et des Maliens qui réclament la stabilité. Bien entendu, ce sont ces Maliens qui veulent se faire entendre et qui se sont tous donné rendez-vous vendredi pour demander le retour à l’ordre constitutionnel, pour exiger le respect de la démocratie et de la Constitution en République du Mali », a-t-il soutenu.
« Nos revendications, c’est le retour à l’ordre constitutionnel, c’est le respect de la Constitution, c’est les libertés fondamentales qui sont aujourd’hui brisées. Nous voulons que les militaires respectent leur parole donnée, qu’ils remettent le pouvoir aux civils », renchérit l’opposante et membre du mouvement « Tous concernés », Kadiatou Fofana.
« Cinq ans de transition, ce n’est plus une transition, c’est de la dictature », a-t-elle insisté.
De son côté, le journaliste et expert politique, Ibrahim Jakouraga, a souligné que cette décision vise à « faire taire les voix et imposer également un autre agenda, celui de prolonger la période de transition sans consulter les partis politiques. Ce serait certainement une bombe à retardement ».
Tensions politiques croissantes
Les contestataires comptent donc maintenir leur mouvement et organiser vendredi un nouveau rassemblement à Bamako pour exprimer leur rejet des conclusions des concertations organisées par les militaires putschistes et demander le retour à l’ordre constitutionnel, selon les médias maliens.
Pour rappel, des centaines de personnes avaient manifesté samedi dernier à Bamako, à l’appel d’une large coalition de partis politiques maliens contre la « dictature » et pour dénoncer la décision de leur dissolution par les autorités militaires. Celles-ci ont manqué à leur engagement de transférer le pouvoir aux civils en mars 2024, après deux coups d’Etat militaires en 2020 et 2021.
Et au lendemain de cette manifestation de protestation, des acteurs de la société civile malienne, des responsables politiques, journalistes, intellectuels, syndicats et citoyens engagés, réunis au sein d’un collectif, ont réitéré dans un manifeste lu lors d’une rencontre à la Maison de la presse de la capitale malienne, leur « attachement profond aux valeurs démocratiques et républicaines ».
Dans leur manifeste, ces Maliens ont lancé « un appel solennel pour le respect de la démocratie, du pluralisme politique, des droits fondamentaux et pour un retour effectif à l’ordre constitutionnel ». Ils ont aussi exprimé leur rejet de « toute forme de dérives autoritaires, de confiscation du pouvoir ou de restrictions des libertés », soutenant que « seule une gouvernance basée sur le droit, la transparence et l’inclusion peut répondre aux aspirations profondes du peuple malien ».
La Commission nationale des droits de l’Homme du Mali (CNDH) a tiré, elle aussi, la sonnette d’alarme face aux tensions politiques en cours dans le pays.
« Les tensions politiques croissantes au Mali font peser de sérieuses menaces sur nos libertés fondamentales notamment la liberté d’expression et de réunions », a écrit la CNDH dans un communiqué.
Face à « un climat de répression qui s’installe » dans le pays, la CNDH « rappelle à l’Etat son devoir de protéger nos droits, même en période d’instabilité et plaide pour un dialogue inclusif et constructif plutôt qu’un durcissement », souligne le texte.
Elle recommande, dans ce contexte, aux autorités d' »instaurer un climat de tolérance, de concorde sociale pour une paix durable au Mali ».