:::: Contribution ::: Ce que cachent les mots (CQCM) : «Gentil», connaissez-vous vraiment ce mot ?
Certaines personnes nous semblent gentilles mais elles ne le sont pas, elles portent en quelque sorte un masque. Oui, je sais que vous le saviez. Mais saviez-vous que le mot «gentil» lui-même portait un masque, cachant un sens totalement différent, opposé, même. Je m’explique : ce mot évoque, évidemment, une personne agréable et sympathique, mais […]

Certaines personnes nous semblent gentilles mais elles ne le sont pas, elles portent en quelque sorte un masque. Oui, je sais que vous le saviez. Mais saviez-vous que le mot «gentil» lui-même portait un masque, cachant un sens totalement différent, opposé, même. Je m’explique : ce mot évoque, évidemment, une personne agréable et sympathique, mais à un moment de l’histoire, il désignait une catégorie de gens particulièrement détestable.
Chez les premiers chrétiens, ce mot était employé pour parler des païens, c’est-à-dire les mécréants, les mauvais, bref les pas du tout «gentils». Mais pour quoi ce mot désignait-il les païens ? Et comment s’est-il transformé pour avoir la connotation positive que nous lui connaissons ? Permettez-moi de vous compliquer les choses en vous disant qu’au tout début, vraiment au tout début, ce mot avait bien un sens positif. Donc, un sens positif, puis négatif et enfin positif… en gros.
Pour comprendre ce qui s’est passé, il faut s’intéresser aux langues mais aussi à l’histoire. Chez les Romains le mot «gentilis» signifiait «qui appartient à une gens» (oui, au féminin) qui voulait dire une famille ou un clan formé de gens (là, c’est au masculin) portant un même patronyme. Appartenir à une gens à Rome c’est être quelqu’un de bien, un fils de bonne famille, en somme. Par la suite, le mot a pris un sens plus large désignant une population d’un lieu donné, d’où le mot «gentilé» en français qui veut dire «dénomination des habitants d’un lieu» (Allemands, Espagnols, etc).
Le sens négatif est apparu avec les religions juive et chrétienne. Les chrétiens fraîchement convertis étaient peu nombreux et lorsqu’ils utilisaient le mot «gentilis» (gens), ils parlaient des autres, autrement dit des païens, les populations infréquentables. Avec le temps, lemot a perdu son sens négatif, les chrétiens étant devenus plus nombreux et, désormais, lors- qu’ils parlaient des «gens» cela pouvait englober tout aussi bien leurs coreligionnaires. Mais il manque un petit quelque chose… Personnellement, je crois que le glissement du sens de «gentil» du négatif vers le positif est lié au comportement des représentants de l’Eglise chrétienne. L’histoire nous dit qu’ils n’ont pas été tendres avec les «autres», c’est-à-dire les mécréants et les hérétiques mais aussi les paysans chrétiens eux-mêmes. Ainsi donc, c’est l’Eglise qui est devenue gentille, enfin pas gentille… on se comprend.
Parallèlement, les païens semblaient beaucoup moins «terrifiants» que les représentants de l’Eglise, et être gentil aurait ainsi évoqué l’autre, celui qui ne vous opprime pas. Au final, le sens donné par les Romains est redevenu ce qu’il était, au tout début, rendant, en quelque sorte, à César ce qui appartenait à César… comme disent les chrétiens. En attendant le prochain CQCM, soyez «gentils» tout en faisant attention aux mots…
Ahmed Gasmia